Messieurs les secrétaires d'Etat, le texte qui nous est soumis en deuxième lecture demeure une juxtaposition de dispositions dans des domaines variés liés au monde rural. Il ne manifeste aucune ligne de conduite qui soit vraiment porteuse d'espoir, comme si ce qui fondait la ruralité n'était qu'affaire de gestion de l'existant et d'adaptation « défensive » à une réalité morose.
Certes, un texte n'est jamais ni tout bon ni tout mauvais. Mais il faut tout de même admettre que le présent projet de loi ne prévoit aucun élan pour l'avenir. Nous ne constatons pas de véritable politique d'aménagement du territoire, nous ne percevons pas de renforcement du service public de proximité, alors que tous les maires se plaignent d'assister à sa disparition ! En définitive, il n'est prévu que des actions au coup par coup.
Dans ce catalogue de diverses dispositions intéressant le monde rural, je souhaite seulement vous interroger sur deux d'entre elles, messieurs les secrétaires d'Etat, en complément des interventions de mes collègues : il s'agit du développement de l'emploi rural, via les groupements d'employeurs, et de la question de la démographie médicale.
La loi d'orientation agricole de 1999 nous avait permis d'aborder la problématique des groupements d'employeurs. Par ailleurs, les petites communes ont besoin de personnel à temps partiel pour diverses interventions, qu'il s'agisse d'entretenir une place ou un cimetière, ou de débroussailler.
L'amendement que nous avions défendu lors de l'examen de cette loi visait donc à réunir les conditions permettant d'intégrer une ou plusieurs collectivités dans un groupement d'employeurs, de manière à procurer une certaine stabilité aux emplois ruraux et à mieux fixer les familles dans les zones rurales.
Je note que votre prédécesseur a tenu compte des conclusions du rapport établi en 2001 par notre collègue Bernard Piras dans le dispositif qui nous est proposé à l'article 12 quinquies A du projet de loi. En effet, il est notamment proposé d'insérer dans le code général des impôts un article L. 127-12, afin d'organiser « la garantie vis-à-vis des dettes à l'égard des salariés du groupement et des organismes créanciers de cotisations obligatoires ».
La création d'un fonds mutuel, ainsi que le propose la Fédération française des groupements d'employeurs n'est-elle pas rendue nécessaire aujourd'hui ?
Quant à la convention collective applicable, c'est un élément sur lequel le Gouvernement devra être très vigilant, comme le préconise la commission des affaires économiques. Je tiens d'ailleurs à saluer le travail que nos collègues rapporteurs ont réalisé sur ce texte.
Une convention collective spécifique aux groupements d'employeurs est-elle envisagée ?
S'agissant plus particulièrement des groupements d'employeurs agricoles, qui sont uniquement composés de professionnels de l'agriculture, puisque le critère est la cotisation à la MSA, ne serait-il pas concevable d'assouplir le code du travail, lequel précise que les groupements d'employeurs ont pour objet exclusif de mettre les salariés qu'ils embauchent à la disposition de leurs adhérents ?
Quid, en l'occurrence, de l'accord nécessaire entre la MSA et la CNRACL ?
Le second point de mon intervention concerne la démographie médicale.
Il est évident que nous avons l'obligation de répondre concrètement à cette désertification qui, chaque jour, s'amplifie, et je ne doute pas que tout le monde ici partage cette conviction.
De nombreux maires, de nombreux citoyens attendent beaucoup du Parlement et du Gouvernement pour que cesse leur sentiment d'insécurité sanitaire et d'impuissance de l'autorité publique face à ce problème, qui trouve particulièrement son illustration dans ces zones de montagne dont il vient d'être question.
Messieurs les secrétaires d'Etat, sur ce sujet, l'article 38 du projet de loi est incomplet. Un texte spécifique relatif à la démographie médicale et définissant les droits et devoirs du corps médical est donc nécessaire.
Il est essentiel que les solutions ne reposent pas exclusivement sur des mesures types ou restreintes, comme celles qui figurent actuellement à l'article 38. Nous avons donc déposé plusieurs amendements qui visent à compléter le dispositif proposé.
Je me permettrai de vous donner simplement lecture de quelques passages de la conclusion d'un rapport remis voilà à peine un an sur cette question, qui avait été commandité par M. Mattei, alors ministre de la santé, et signé par notre ancien collègue Charles Descours :
« L'inégale répartition des professionnels de santé sur le territoire et l'apparition de zones de pénurie lancent un défi à notre système de santé auquel il appartient à l'ensemble des partenaires de répondre rapidement afin de garantir aux usagers un accès aux soins de proximité respectant les principes du service public : l'égalité, la qualité, la continuité et la mutabilité. L'Etat, en tant que garant de l'accès aux soins sur le territoire, se doit d'occuper toute la place qu'il lui revient dans cette mission, régalienne par excellence...
« Les solutions passent par une politique d'incitation positive pouvant se traduire par des allégements d'impôts et de charges sociales ou par des aides pérennes aux cabinets (...) de groupe pluriprofessionnels ou pluridisciplinaires...
« Aucune des propositions de ce rapport n'est exclusive, l'ensemble constituant une boîte à outils où chaque solution devra s'emboîter avec d'autres pour atteindre son plein effet. Régionaliser le numerus clausus ou augmenter le nombre de places dans les écoles sans soutenir les actions des collectivités locales et sans permettre l'évolution du mode d'exercice, par exemple, ne sera pas suffisant pour pallier l'inégale répartition des professionnels de santé sur le territoire. »
Charles Descours, qui est issu de vos rangs, chers collègues de la majorité, a donc donné le ton dans la conclusion de son rapport.
Je souhaite, messsieurs les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, que nous puissions, à l'occasion de la deuxième lecture de ce texte, tendre vers la volonté politique que je viens d'énoncer.