Intervention de Alain Fouché

Réunion du 18 janvier 2005 à 21h30
Développement des territoires ruraux — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Alain FouchéAlain Fouché :

Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, nous l'avons entendu tout au long de cette soirée, nous sommes tous confrontés à l'impérieuse nécessité de lutter, dans certaines parties du territoire, contre la désertification rurale.

Pleinement conscient de ces enjeux, le Gouvernement a fait le choix du courage et de l'ambition en présentant au Parlement ce projet de loi relatif au développement des territoires ruraux que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture.

Cette volonté politique forte a été largement partagée par notre commission des affaires économiques, et notamment par les rapporteurs, le président Jean-Paul Emorine et Ladislas Poniatowski, chargé du volet « chasse » du texte, qui constitue un point difficile.

Oui, la ruralité est une chance pour notre pays. La France se distingue effectivement par sa forte empreinte rurale puisqu'il il y a proportionnellement deux fois plus de ruraux en France que dans les autres pays européens, nouveaux adhérents non compris. Cette France rurale se distingue elle-même par sa faible densité puisque l'on y dénombre 54 habitants au kilomètre carré, quand l'Italie rurale en compte en moyenne 64 et l'Allemagne rurale, 100. Qui plus est, cette faible densité se conjugue avec une occupation quasi totale du territoire et une accessibilité assurée partout.

Cela étant, la France rurale est multiple. Si, pour la majorité d'entre elles, les campagnes ne sont plus des terres d'exode, il en existe encore où les départs prédominent.

Ainsi plus de 7, 5 millions de nos compatriotes vivent-ils dans un bassin de vie difficile et les campagnes qui connaissent des difficultés couvrent près du tiers du territoire national.

Les personnes âgées de plus de soixante-quinze ans y représentent 14 % de la population, contre 6 % en milieu rural périurbain. Les conditions de vie y sont globalement modestes, les ménages sans voiture ou logeant dans un habitat ancien et vétuste étant proportionnellement plus nombreux que sur le reste du territoire.

Dès lors, l'accès aux services devient problématique, qu'il s'agisse des services privés ou des services publics.

La régression des commerces, qui a été évoquée à plusieurs reprises, touche plus particulièrement les petites communes des zones rurales isolées. Ainsi, entre 1980 et 1998, le nombre de communes qui ont perdu leur commerce d'alimentation y a été multiplié par trois.

S'agissant des services publics en zone rurale, dont on parle beaucoup et depuis longtemps, si certaines mesures ont été prises en faveur de leur maintien ces dernières années, le bilan est plutôt mitigé. La politique des schémas départementaux d'organisation et d'amélioration des services publics a consisté en un encadrement juridique et méthodologique, mais elle n'a été pourvue d'aucun moyen financier ou humain, tant pour la réalisation des schémas que pour leur mise en oeuvre, ce qui a rendu incertaine l'application des orientations arrêtées.

Enfin, les maisons des services publics, dont on parle aux élus depuis des années, ont eu pour objet le regroupement sous un toit unique d'un ensemble de services, de manière à les rendre plus accessibles. Mais ces maisons n'ont pas connu un grand succès, faute d'explications adéquates apportées aux élus et d'incitations financières.

Aussi, pour garantir la présence de services de proximité, le projet de loi comporte des dispositions intéressantes qui méritent largement d'être approuvées.

Dorénavant, des opérateurs privés pourront s'associer aux opérateurs publics dans une maison des services publics, alors même que des personnes publiques pourront confier par convention leurs missions de service public à des personnes privées.

Voilà qui efface, à mon avis, la séparation trop rigide entre service public et secteur privé, au profit de la notion plus large de service de proximité ou de service au public.

Ainsi sera-t-il possible d'apporter une solution durable au retrait progressif de ces territoires d'un certain nombre d'entreprises publiques de réseau, comme La Poste, France Télécom ou EDF-GDF, consécutivement, d'ailleurs, à l'ouverture de leur secteur économique à la concurrence européenne.

S'agissant des services publics, il faut, selon moi, avoir le courage de dire la vérité. Or cela ne paraît pas être, aujourd'hui, sur ce sujet, le souci des médias.

Il est sans nul doute préférable - comme d'autres élus, j'ai d'ailleurs pris cette mesure dans mon département, sans attendre que la demande soit formulée par le directeur de La Poste - que les fonctions d'un bureau de poste ouvert seulement quelques heures par semaine puissent être prises en charge soit par un commerçant ouvert en permanence, et qui sera la plupart du temps intéressé par de telles prestations dans la mesure où elles lui permettront d'attirer des clients dans son commerce, soit par la commune, à condition que soient maintenus les concours financiers apportés aujourd'hui par La Poste.

J'ajoute que de nombreuses personnes privées, notamment des petits commerçants, sont intéressées par la mutualisation des frais d'installation, y compris avec des personnes publiques, au sein des maisons des services publics.

Il est incontestable que, dans le domaine des services, les dispositifs facilitant la polyvalence doivent être encouragés.

Cependant, comme plusieurs de nos collègues l'ont dit, il existe un service particulier, parfois même vital, qui tend à disparaître dans nos campagnes : le service rendu par le médecin. Le rapport entre médecins généralistes et chiffre de la population varie de 1 à 4 entre le département le moins pourvu et la région parisienne. En effet, trop de généralistes partant aujourd'hui à la retraite n'ont pas de successeur. Les cabinets ferment, et les patients, souvent âgés et difficilement mobiles, sont contraints à des déplacements de plus en plus longs pour consulter un médecin.

Si un traitement nécessite des injections régulières, le patient sera confronté aux mêmes difficultés, liées à la disparition des infirmiers libéraux, non seulement en ville, mais également en milieu rural.

Dans ces conditions, messieurs les secrétaires d'Etat, des mesures énergiques doivent être prises pour inciter des médecins et des infirmiers, jeunes ou confirmés, à reprendre ou à créer des cabinets dans les zones rurales.

Il est prévu que les collectivités territoriales et leurs groupements pourront, par exemple, participer au financement de maisons médicales. C'est bien. Mais l'Etat ne peut rester spectateur : il doit intervenir et consacrer les moyens nécessaires pour répondre à cet enjeu de société ; sinon, la fracture territoriale sera irrémédiable.

C'est la raison pour laquelle, préférant l'exonération à la subvention, j'ai déposé, avec plusieurs de mes collègues, un amendement à l'article 38 bis, dont l'adoption permettrait d'exonérer de l'impôt sur le revenu, à hauteur, par exemple, de 50 % les deux premières années et de 30 % pour les trois années suivantes, les honoraires perçus par les médecins et par les infirmiers qui auront créé ou repris un cabinet dans une commune de moins de 3 500 habitants.

Naturellement, le regroupement des médecins et des infirmiers dans des maisons de santé facilitera un tel redéploiement. A mes yeux, ce point mérite discussion, car il est important au regard du maintien des médecins et des professionnels de la santé en milieu rural.

Si la désertification rurale a un coût économique et social majeur, la reconquête du territoire a un prix, et chacun, collectivité territoriale ou Etat, doit en assumer une part.

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