Intervention de Louis Souvet

Réunion du 8 juillet 2008 à 10h00
Questions orales — Méthode d'enseignement de la lecture

Photo de Louis SouvetLouis Souvet :

Monsieur le ministre, « des années d’expérience ont montré ce qui est efficace et ce qui ne l’est pas en matière de pédagogie. On sait par exemple depuis longtemps que la fameuse méthode globale d’apprentissage de la lecture a eu des conséquences catastrophiques. Même si elle était très rarement utilisée, personne ne l’avait pour autant interdite. Les nouveaux programmes l’écartent résolument ». Ce propos a été tenu par Jack Lang, l’un de vos prédécesseurs. Il n’a pas été suspecté, lui, de réintroduire « des méthodes réactionnaires », qui ont eu l’insigne utilité – excusez du peu – d’apprendre à des générations d’adultes à lire, à écrire, à compter ; et pour cause, rien n’a été écarté.

On en arrive au paradoxe que, même en connaissant les conséquences catastrophiques de telles méthodes, les enseignants préconisent à leurs collègues devant faire l’objet d’une inspection de ne surtout pas pratiquer, durant ladite inspection, un quelconque exercice qui rappellerait la méthode syllabique, à savoir la lecture et les dictées des syllabes !

Face à la cohorte de cas de fausses dyslexies et autres troubles du langage, des orthophonistes commencent à pointer du doigt l’une des causes principales de ces proliférations, à savoir les méthodes globales, semi-globales, les méthodes de reconnaissance des mots à leur silhouette et autres divisions pédagogiques des temps modernes.

Avec le recours à ces méthodes, on renforce les inégalités sociales. Seront en effet épargnés les élèves dont la famille, l’entourage vont pouvoir leur apprendre à lire de façon cohérente, bref, des enfants qui sauront lire véritablement, qui n’auront pas l’illusion de savoir lire en proposant des mots ressemblant à ceux qu’ils ont devant les yeux.

À leur sortie des écoles normales, et au-delà de tous les clivages politiques, les maîtres ont permis à des écoliers d’apprendre à lire et à écrire. On peut aujourd’hui les moquer : ils appliquaient, loin des bavardages pseudo-pédagogiques d’« experts » autoproclamés, des principes simples. N’avaient alors pas été découvertes les méthodes globales, semi-globales, hypothético-déductives – je vous en passe et des meilleures ! –, tellement hypothético-déductives, d’ailleurs, que certains élèves ne comprennent pas l’énoncé des problèmes mathématiques, n’étant pas capables de le lire correctement.

Je me moque d’être considéré comme un rétrograde par certains de mes collègues. Ce qui compte, c’est l’avenir des écoliers, avenir qui passe par un apprentissage, dans des conditions correctes, de l’écriture, de la lecture, cette lecture qui conditionne tous les autres savoirs. Les parents d’élèves qui ont été confrontés à ces situations me comprendront. Tout élève n’a pas des enseignants dans sa famille. Tout élève n’a pas les moyens de bénéficier de cours du soir.

En conclusion de mon propos, je vous demande, monsieur le ministre, si, en matière d’apprentissage de la lecture, la liberté pédagogique devra toujours être synonyme de trouvailles éducatives, ou alors si cet apprentissage, via une méthode qui a fait ses preuves, renforcera l’égalité républicaine.

Condorcet ne disait-il pas que l’instruction joue un rôle premier dans la construction par l’élève de son autonomie dans le monde ? Et la lecture est la base de l’éducation.

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