À l’origine, il y avait une idée : augmenter le seuil des surfaces commerciales soumises à autorisation d’exploitation en le portant de 300 à 1 000 mètres carrés. Elle tombait bien, car, en juillet 2005, la France avait été mise en demeure de revoir la partie économique de son système d’implantations commerciales.
Une commission avait travaillé. Elle avait formulé des propositions. L’occasion était donc belle pour le Gouvernement de profiter de cette réforme attendue du cadre législatif pour faire passer son projet de dérégulation. Malheureusement, tout ne s’est pas passé comme prévu : les maires n’aiment pas être à ce point dépossédés de leurs moyens, a fortiori face à un secteur aussi puissant que la grande distribution. Vous avez donc dû, monsieur le secrétaire d’État, leur donner des gages.
Après examen par l’Assemblée nationale, la proposition de réforme qui nous est soumise est donc la suivante : l’article 26 bis élargit le droit de préemption des maires aux surfaces commerciales comprises entre 300 et 1 000 mètres carrés ; l’article 27 modifie le cadre général, nous y reviendrons ; et les articles 27 bis, 27 ter et 27 quater, comme pour donner bonne conscience à leurs auteurs, proposent des modifications à la marge du code de l’urbanisme…
Inutile de rappeler que l’on ne retrouve dans ce projet aucune des recommandations de feu la commission Dutreil : système local d’autorisation et intégration dans le droit de l’urbanisme. En conséquence, ce qu’il faut bien appeler un compromis trop vite élaboré risque de s’avérer catastrophique pour nos territoires. C’est ce que nous entendons vous démontrer dans les débats qui commencent.
Revenons donc à l’article 26 bis, qui élargit le droit de préemption créé par la loi Dutreil du 2 août 2005 pour l’étendre aux terrains d’une superficie comprise entre 300 et 1 000 mètres carrés.
Quand ce droit de préemption commercial a été créé, il s’agissait de donner aux maires un outil pour prévenir les changements d’affectation commerciale dans les centres-villes. La préemption intervenait non pas sur les murs, mais bien sur les fonds. La philosophie était vraiment nouvelle : il s’agissait de maîtriser la nature des activités ; un délai d’un an était donné pour trouver une entreprise susceptible d’exploiter ladite activité. Les maires attendaient cette disposition – les décrets d’application ont pourtant mis deux ans à être signés ! Nous savons tous ici combien l’outil est important pour la préservation des commerces traditionnels dans nos centres-villes.
Fait curieux, vous nous proposez aujourd’hui un droit de préemption qui est, en fait, très « classique », mais vous l’inscrivez dans le cadre de ce droit de préemption spécifique, qui prévoit une rétrocession dans l’année.
Dès lors, plusieurs questions se posent : faudra-t-il, pour qu’il soit applicable, que les communes délimitent un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité étendu à leur périphérie, là où les terrains à bâtir restent les plus nombreux ? Vous savez que c’est impossible.
Ne risque-t-on pas d’encourager les stratégies d’optimisation financière, fiscale et patrimoniale des entreprises, avec des entreprises de plus en plus souvent locataires de leurs sites d’implantation ? Ce sera clairement une invitation à la spéculation foncière.
Qu’adviendra-t-il des communes qui auront préempté, mais qui ne trouveraient pas preneur dans le délai d’un an ?
Que dire, enfin, des cas de figure où les communes qui auraient préempté trouveraient preneur un an plus tard, en la personne du porteur initial du projet ? Est-ce concrètement tenable ? Non !
Le pire, c’est que vous nous vendez une réforme temporaire. Une dérégulation temporaire en quelque sorte : M. Copé aurait annoncé une loi avant un an pour rétablir un système plus harmonieux.
Le système proposé – vous l’admettez donc, vous aussi – soulève plus de questions qu’il n’apporte de solutions. En pratique, placé à cet endroit précis du code de l’urbanisme, cet article sera inapplicable et inefficace. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons de le supprimer.