S’agissant du projet de loi qui nous réunit ce soir, les élus et les médias se sont focalisés sur la question du relèvement du seuil de déclenchement de l’autorisation préalable qui serait imposé aux grandes surfaces pour toute nouvelle implantation ou extension. Celui-ci passerait de 300 mètres carrés actuellement à 1 000 mètres carrés.
On comprend aisément que, sous le prétexte de favoriser la concurrence, cette nouvelle disposition est en fait un cadeau aux hard discounters, très à l’aise sur ce type de surfaces.
Signes de l’intérêt du bicamérisme, la navette a permis de mettre au jour une inquiétude croissante chez nos grands distributeurs nationaux, pourtant en position de quasi-monopole sur bon nombre de nos territoires et capables d’écraser de leurs exigences les producteurs locaux.
La majorité parlementaire commence aussi à s’inquiéter aujourd’hui et elle a raison. Qu’elle soit rassurée, car nous proposerons d’abaisser le seuil à 500 mètres carrés. Il y aura, j’en suis sûr, matière à discussion ! Pourtant, est-ce vraiment la question ?
La question du seuil n’est effectivement qu’un effet collatéral de la réforme de fond de l’urbanisme commercial. Madame le rapporteur, l’Europe n’attend de la France qu’une chose : qu’elle réforme la composition des commissions départementales d’équipement commercial, accusées d’être juge et partie dans les décisions d’implantation, parce qu’elles sont composées d’élus concernés et de professionnels des terrains visés.
Pour ma part, je conteste cette vision de Bruxelles, qui s’apparente à un procès d’intention à l’égard des responsables territoriaux. Mais, comme législateur, j’en tire les conséquences.
Dans les futures commissions départementales d’aménagement commercial, ou CDAC, les présidents de chambre de commerce et de chambre de métiers ne seront plus membres de droit, voilà tout. Quelle avancée !
Si la France s’en tenait là, elle se conformerait aux exigences européennes. Mais, au passage, vous nous refaites la leçon de libéralisme : laisser libre les implantations de grandes surfaces suffirait à faire baisser les prix. Même Jacques Attali l’a dit. Et c’est vrai, il l’a dit. Mais ce que vous feignez d’ignorer, c’est que Jacques Attali, conseiller plénipotentiaire, ès présidents de la République, plaidait corrélativement dans son rapport pour un renforcement du pouvoir des élus locaux dans le processus de décision d’implantation.
Installée en octobre 2006 par M. Renaud Dutreil, alors ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales, la commission de modernisation de l’urbanisme commercial ne disait pas autre chose – finalement, Dutreil, Attali, même combat !
Elle avait préconisé en effet « une réforme radicale de la législation », proposant d’intégrer l’urbanisme commercial dans l’urbanisme général, en faisant des schémas de cohérence territoriale le document-cadre du développement commercial des territoires.
À l’instar de ce qui a été mis en place pour certains SCOT, je pense en particulier à celui de Métropole Savoie – un modèle consacré par l’État –, nous pourrions faire en sorte que les diagnostics commerciaux et des orientations générales de développement commercial soient obligatoirement intégrés aux SCOT. Les objectifs d’augmentation de surfaces commerciales seraient ainsi fixés, des limites posées à l’appétit quasi illimité des grands distributeurs, et ce en respectant la diversité, l’équilibre et la complémentarité des territoires que nous gérons. Vous n’êtes pas sans savoir, en effet, que les zones de chalandise ne sont pas accessibles de la même manière selon que l’on se trouve à Niort, en plaine, ou à Foix, en Ariège.