Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais préciser certains points en complément de ce qu’a indiqué tout à l’heure Mme Odette Terrade.
L’article 27 du projet de loi a suscité le dépôt d’un grand nombre d’amendements. Il n’est pas étonnant que les élus locaux, tous bords politiques confondus, s’émeuvent ou s’inquiètent des dispositions visant à libéraliser les conditions d’ouverture des surfaces commerciales sous le prétexte fallacieux de faire baisser les prix.
Mais, en dépit de ces amendements et des tentatives d’amélioration afin que les maires ne soient pas complètement dépossédés de leur contrôle sur l’urbanisme commercial, il est proposé de leur donner la possibilité d’intervenir par le biais de leur schéma de cohérence territoriale. Outre le fait que toutes les communes ou les groupements de communes n’en ont pas, cette mesure ne changera rien au problème.
En votant ce texte, les représentants des collectivités locales renoncent tout simplement à leur pouvoir de décider si un centre commercial pourra s’installer sur le territoire de leur commune. De ce fait, ils renoncent au développement et à la survie de leur commerce de proximité.
Le président de la chambre de commerce et d’industrie de Paris, dont chaque sénateur a dû recevoir la lettre, est on ne peut plus clair. Il emploie des mots très forts à propos de cet article 27. « Je regrette de le dire, [l’article 27] va détruire l’économie de proximité pourtant si vantée par les élus pour ses apports à la vie locale et la diversité qu’elle offre aux consommateurs ». Il n’est pas seul ; le président de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises dénonce « la mort du commerce de proximité en autorisant le déferlement des grandes surfaces ».
En effet, face aux moyens dont disposent les grands groupes de la distribution, il serait illusoire de penser que l’artisanat et le petit commerce pourraient résister à une occupation territoriale et à un matraquage publicitaire massifs.
Pour justifier la suppression des lois Royer et Raffarin, et bientôt l’alignement de l’urbanisme commercial sur le droit commun, vous prétendez qu’elles n’ont pas empêché le développement des grandes surfaces.
D’abord, ce n’est vrai. Une grande partie de notre territoire et des zones commerciales résistent encore à l’invasion des hard discounts français et étrangers.
Ensuite, ces législations ont réussi, dans une certaine mesure, à permettre aux différentes formes de commerce de coexister.
Le relèvement à 1 000 mètres carrés du seuil d’autorisation risque précisément de porter un coup fatal au secteur de l’artisanat et du commerce alimentaire. En effet, dès 700 mètres carrés, il est possible d’installer des rayons frais dits « à la découpe », par exemple, qui entreront en concurrence directe avec les magasins de proximité alimentaires spécialisés des centres-villes.
Avec l’article 27 du projet de loi et votre idée de favoriser la concurrence, vous allez, en réalité, renforcer les positions dominantes et les concentrations. Comme le notait un professeur d’économie, « apparaît le paradoxe de la concurrence où la concurrence engendre son contraire ». Plus de concurrence conduit à moins de concurrence en éliminant de la compétition les entreprises les plus vulnérables et aggrave le chômage. Or, moins d’emploi, c’est aussi moins de pouvoir d’achat !
La concurrence favorise d’ailleurs les mouvements de concentration grâce au développement de réseaux et de fusions entre entreprises et réduit ainsi la concurrence à quelques « offreurs » qui imposent, avec encore plus de facilité grâce au projet de loi, les conditions de prix aux petits producteurs !
Dans cette logique de marché concurrentiel déréglementé, les distributeurs développent davantage les produits d’importation pour conserver leur marge en vendant moins cher, ce qui n’est pas sans risque pour l’emploi et la qualité des produits !
Par l’article 27 du projet de loi, le Gouvernement favorise l’hégémonie d’une seule forme de commerce : la grande distribution. Il promeut un urbanisme commercial qui se résume à l’extension des zones commerciales à la périphérie des villes.
Parce que nous souhaitons que les élus locaux gardent une certaine maîtrise de leur urbanisme commercial, qu’ils puissent préserver leur commerce de proximité, parce que nous pensons que la politique du Gouvernement porte en elle les germes de la fin de l’artisanat et du commerce de proximité, et parce qu’il serait hypocrite de penser qu’on puisse améliorer ce texte à la marge, nous demanderons sa suppression dans quelques instants.
Par expérience, j’ajouterai que, bien entendu, des commerces subsistent en centre-ville, comme l’indiquait M. Jean-Pierre Raffarin. Il n’empêche que, de manière générale, ce sont plus des services : agences immobilières, banques, etc. Les petits commerces de proximité, eux, disparaissent effectivement. Il ne faut pas croire qu’une telle dénonciation est hypothétique ; c’est une réalité que nous vivons tous les jours !
Quant aux hard discounters, ils continuent à se développer. Je le constate dans ma circonscription, de plus en plus de personnes appartenant aux classes moyennes fréquentent les hard discounts, et cela pour une raison simple : le pouvoir d’achat a nettement diminué et il faudra m’expliquer comment remédier à cette baisse !