Monsieur le secrétaire d’État, je voudrais vous dire ma déception. En effet, avec cet article sur l’équipement commercial, j’ai le sentiment que, une fois encore, le parent pauvre est l’urbanisme.
Nous savons tous que notre pays a subi un véritable sinistre urbanistique, paysager et architectural au cours des quatre dernières décennies. Finalement, la ville que nous lègue la seconde moitié du XXe siècle a été façonnée par la grande industrie, qui a engendré les grands ensembles, lesquels ont engendré les grandes surfaces !
Puisque notre collègue Nathalie Goulet nous parlait de ses souvenirs d’enfance, je me souviens pour ma part d’un grand terrain champêtre à Roubaix qui s’appelait les Hauts-Champs. La construction, à cet endroit, d’une immense barre d’immeubles donna une idée à un patron du textile, qui vit dans cette concentration de population la perspective d’une nouvelle activité : il installa donc en face de cette grande barre un entrepôt, et s’inspira du nom de cet ancien lieu champêtre pour trouver le nom de l’enseigne.
Nos villes sont belles, nos centres-villes sont magnifiques mais, pour y accéder, il faut, partout, de Strasbourg à Brest, de Dunkerque à Marseille ou même à Perpignan, franchir ces « routes nationales » où, de part et d’autre, vous ne voyez qu’un amoncellement de parallélépipèdes, de cubes, de tôles ondulées, de pancartes, etc.
Partout, c’est la même chose et, partout, c’est un désastre, en termes d’urbanisme, d’architecture mais aussi, tout simplement, de paysage. On a laissé faire, sans jamais véritablement s’intéresser aux conséquences esthétiques de ces implantations commerciales.
La plupart des constructions qui sont implantées en périphérie des villes sont des enseignes. Et celles-ci dictent leurs conditions. Ainsi, si elles souhaitent que le toit de leur magasin soit vert et en pente, il le sera ! Pourquoi ? Parce que la marque doit s’inscrire dans le paysage… Un auteur – aujourd’hui assez peu cité, mais qui le fut davantage par le passé ! –, qui s’appelait Karl Marx, disait qu’un jour viendrait où l’espace de la marchandise occuperait l’espace physique réel. Nous n’en sommes pas très loin avec les entrées de nos villes : globalement, elles sont assez laides et portent préjudice à notre pays.
J’attendais que l’on se saisisse de l’opportunité que constitue cet article pour imposer des règles plus contraignantes en matière d’architecture, d’urbanisme et de paysage, non pas pour demain, mais pour après-demain, car ce qu’il nous faut entreprendre aujourd’hui, c’est un travail de longue haleine. Si l’on veut que les entrées de nos villes soient différentes dans vingt ou trente ans, il faut prendre dès à présent les décisions qui s’imposent. Mais on persiste à ne pas les prendre, alors que tout le monde s’accorde sur le fait qu’il y a un sinistre esthétique de première importance.
Nous sommes attachés, en France, à avoir de très beaux centres-villes. Nous avons raison ! Mais dans les siècles passés, y compris au Moyen-Âge, nos ancêtres voulaient que les portes des villes soient à la hauteur, qu’elles soient aussi belles que le centre ! À l’inverse, aujourd’hui, les portes des villes sont souvent très laides.
Je me permettrai de présenter quelques amendements sur cet article. Surtout, je voudrais dire que l’heure n’est plus à ces conceptions assez naïves pour croire qu’il suffirait de supprimer telle contrainte ou telle règle pour que les prix baissent, comme par miracle. Tout le monde sait bien que c’est faux !
Comment reconquérir une partie de la ville ? Comment créer une nouvelle urbanité, une nouvelle manière de vivre la ville ? Voilà les vrais enjeux ! Parce que, mes chers collègues, un hypermarché, un multiplexe, des parkings, ce n’est pas particulièrement chaleureux ! Comment faire ? C’est la vraie question ! Malheureusement, une fois encore, le risque est grand, monsieur le président, et j’en suis désolé, de passer à côté de cette importante question.