Intervention de Luc Chatel

Réunion du 8 juillet 2008 à 21h30
Modernisation de l'économie — Article 27

Luc Chatel, secrétaire d'État :

Exactement, monsieur le sénateur, entre 3, 5 millions et 4 millions de mètres carrés supplémentaires chaque année.

Mais ce développement des grandes surfaces commerciales s’est surtout accompagné d’un renforcement de la concentration au profit des distributeurs les plus puissants. Regardons les études menées dernièrement en la matière : l’étude « Asterop », publiée récemment, a montré que seulement 13 % des zones de chalandise dans notre pays sont véritablement en situation concurrentielle – c’est-à-dire avec trois distributeurs qui se font véritablement concurrence.

Nous avons confié une enquête complémentaire à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF. Elle a examiné un certain nombre de zones de chalandise dans notre pays et il ressort de son étude que dans 774 de ces zones, une enseigne détient plus de 30 % des surfaces de vente, ce qui constitue, selon les analyses de nos services, une très forte présomption de position dominante. Dans 221 zones, des situations de duopole ont été relevées – c’est le cas lorsque deux enseignes cumulent ensemble une part de marché supérieure à 60 %. Enfin, dans 19 zones de chalandise, une seule enseigne détient plus de 70 % des surfaces de vente.

En comparant la situation de notre pays avec celle d’un certain nombre de ses voisins, on voit que l’abus de puissance dominante créé par l’existence, au niveau national, de seulement cinq centrales d’achat – un sujet que nous avons déjà eu l’occasion d’aborder dans le cadre des discussions sur la négociabilité commerciale – est renforcé, au niveau local, par la procédure d’arrivée sur le marché, qui empêche la concurrence de jouer pleinement.

Parallèlement à la réforme de la législation sur les relations commerciales, à laquelle nous avons procédé ensemble hier soir, et qui prévoit la liberté de négocier et introduit davantage de transparence, le Gouvernement entend assouplir les conditions d’implantation des surfaces commerciales pour permettre une nouvelle concurrence entre distributeurs.

On ne peut pas, en effet, d’une part, instaurer davantage de concurrence entre fournisseurs et distributeurs, et, d’autre part, s’abstenir d’instaurer de la concurrence entre les distributeurs eux-mêmes. Sinon, les distributeurs seraient les grands gagnants d’une réforme qui serait indiscutablement déséquilibrée.

C’est pourquoi nous proposons une réforme équilibrée, dont l’objet est de favoriser la diversité. Aujourd’hui, il ne s’agit pas de privilégier telle ou telle forme de commerce tant les consommateurs sont des êtres extrêmement complexes. Ainsi, nos concitoyens qui font leurs courses dans la grande distribution – ils l’ont plébiscitée – sont les mêmes qui ont plaisir à fréquenter les commerces de centre-ville, où ils trouvent du service, de la proximité et de l’innovation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez adopté des dispositions qui vont permettre de renforcer les aides au commerce de proximité, avec les nouvelles dispositions concernant le FISAC et la TACA ainsi qu’à votre initiative, madame le rapporteur, grâce à la TASCOM. Nous avons proposé des mesures destinées à améliorer les relations entre les grossistes et le petit commerce. De la même manière, nous souhaitons introduire davantage de concurrence entre les grandes surfaces. C’est précisément l’objet de cet article 27 et, pour ce faire, nous proposons divers moyens d’action.

D’abord, et cela a été évoqué par certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit de nous mettre en conformité avec la législation européenne, les critères utilisés jusqu’à présent s’avérant non conformes au droit communautaire. Nous nous devons d’être irréprochables en la matière, et c’est pour cela que nous vous proposons de réformer les critères de décision utilisés par les CDAC.

Monsieur Sueur, j’ai été sensible aux arguments que vous avez évoqués en matière d’environnement et de développement durable. Il est vrai que nous avons complètement défiguré les périphéries de nos villes. C’est pourquoi nous proposons qu’il y ait dorénavant un critère en matière de développement durable et de protection de l’environnement.

Nous vous proposons enfin de modifier la composition de ces commissions, afin qu’elle soit conforme aux recommandations de la Commission européenne.

Ensuite, pour instiller davantage de concurrence et répondre aux études dont je viens de vous rappeler la teneur, nous proposons qu’en dessous de 1 000 mètres carrés il y ait une liberté d’installation. Lorsque deux grands hypermarchés se trouvent en situation de duopole en périphérie d’une ville, l’installation d’une surface de 800 mètres carrés en centre-ville permet de relancer le commerce dans cette zone, grâce à la constitution d’une offre de proximité, complémentaire de ces moyennes surfaces. J’ai eu moi-même l’occasion de le constater lors de mes visites en régions.

Nous vous proposons cet assouplissement en deçà de 1 000 mètres carrés. L’Assemblée nationale a tenu à y apporter les précisions que vous connaissez : fixation des seuils à 15 000 habitants et, entre 300 et 1000 mètres carrés, liberté pour les maires de consulter la CDAC.

Un autre élément évoqué par le rapporteur – permettez-moi au passage de rendre hommage au travail de la commission sur ce sujet – concerne les SCOT. À terme, – et c’était déjà l’esprit de la loi que vous aviez fait adopter, monsieur Raffarin, lorsque vous étiez Premier ministre – l’objectif est de faire converger droit de l’urbanisme et droit de l’urbanisme commercial. Une réflexion autour de schémas d’aménagement commercial doit permettre de faire cohabiter pendant un certain temps les nécessités de l’urbanisme avec l’assouplissement que nous vous proposons aujourd’hui.

En résumé, le dispositif global du titre II vise à instiller davantage de concurrence dans le système de la distribution, d’une part, entre les acteurs de la négociation commerciale – distributeurs et fournisseurs ; c’était l’objet de l’article 21 –, d’autre part, entre distributeurs eux-mêmes – c’est précisément l’objet de l’article 27, qui met en place un certain nombre de garde-fous. Par ailleurs, vous avez également adopté hier des mesures importantes à destination du commerce de proximité. Nous pensons que toutes ces dispositions sont équilibrées et qu’elles doivent nous permettre d’apporter au consommateur la véritable diversité commerciale à laquelle il a droit, et dont nous avons tous besoin.

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