Nous touchons là à l’une des dispositions les plus contestables de ce projet de loi.
Elle procède d’une idée fausse : la multiplication des grandes surfaces et des hard discounters permettrait de stimuler la concurrence et donc de faire baisser les prix, comme si la concurrence n’était pas la forme infantile du monopole ou des ententes monopolistiques !
Entre qui la concurrence va-t-elle s’établir grâce à l’élévation à 1 000 mètres carrés de la liberté totale d’installation ? Certainement pas entre hypermarchés dont la taille est bien supérieure à 1 000 mètres carrés et qui se partagent les zones de chalandise au lieu de s’affronter bêtement et de perdre chacun de l’argent ; ni entre hypermarchés et hard discounters qui souvent relèvent des mêmes groupes et qui, en tout état de cause, ne visent pas les mêmes segments de consommateurs, les derniers visant les pauvres, qui sont si nombreux.
La concurrence s’établira entre hypermarchés, hard discounters et commerces de proximité. Comme nous l’avons dit, le droit de préemption accordé au maire, qui n’aura pas les moyens financiers de l’appliquer réellement, ne changera rien à l’affaire.
Relever le seuil à 1 000 mètres carrés laisse intacte la racine du mal. Chacun sait que, suivant les régions, les prix pratiqués par une même enseigne varient fortement. Ils dépendent non pas du degré de concurrence censé exister entre les sept grands distributeurs qui se partagent le marché, mais de ce que les consommateurs peuvent payer.
La libéralisation des installations à 1 000 mètres carrés ne changera rien. Tout au plus, l’établissement de base sera-t-il de 1 000 mètres carrés plutôt que de 300 mètres carrés.
Nous doutons, même si c’est mieux que rien, qu’un schéma de développement commercial complétant le SCOT, avec une différenciation des seuils selon les lieux, suffise à régler le problème.
Les détracteurs de la loi Raffarin disent qu’elle a surtout empêché le développement du hard discount. Faut-il s’en plaindre ? Comment prétendre sérieusement que le déploiement de la grande distribution est bloqué en France, alors que nous sommes le pays développé dont la densité commerciale est la plus forte ? On compte en effet 1 hypermarché pour 46 000 habitants en France, 1 pour 51 000 habitants en Allemagne et 1 pour 130 000 en Italie.
Selon une étude de la Fédération pour l’urbanisme et le développement des commerces spécialisés, l’Hexagone reste de loin, en 2008, le principal marché européen de l’immobilier commercial, avec 625 projets, soit une augmentation de 40 % en cinq ans.
Le cœur du problème, c’est le pouvoir d’achat des Français. Mais le pouvoir d’achat des Français dépend non seulement des prix, mais également des revenus, qui stagnent, et du niveau de chômage. À chiffre d’affaires égal, le commerce de proximité crée trois fois plus d’emplois que les grandes surfaces, sans compter la pression exercée sur les petits producteurs.
Il y a donc peu de gains à attendre du côté des prix et beaucoup d’inconvénients à redouter du côté des revenus. Mais vous ne nous parlez que des avantages, sans faire allusion aux inconvénients de la multiplication de la grande distribution.
Si j’avais quelque illusion sur la sincérité de la démarche, j’évoquerais aussi le Grenelle de l’environnement, les effets calamiteux de l’urbanisation commerciale sur l’aménagement de nos villes, la hausse de la consommation de carburant. Mais l’heure avance et je ne vous ferai pas pleurer sur le Grenelle de l’environnement, dont chacun sait qu’il n’existe que pour la galerie !