Madame la présidente, madame le ministre d’État, mes chers collègues, les propositions de résolution déposées par certains de nos collègues nous donnent aujourd’hui l’occasion de débattre d’un sujet difficile et douloureux pour tous ceux qu’il vise : le déplacement illicite d’enfants.
Dans les faits, cette terminologie juridique adoucit quelque peu une réalité qui relève, pour la plupart des parents victimes, davantage du rapt que du simple déplacement. Malheureusement, dans de nombreux cas, le parent concerné est purement et simplement coupé de son ou de ses enfants.
Lorsque la situation est très conflictuelle, l’auteur de l’enlèvement de l’enfant profite souvent des conditions juridiques et culturelles de son pays pour consolider sa position et se soustraire au principe élémentaire du droit de visite.
De ce point de vue, le Japon offre un cadre favorable à ses ressortissants, en particulier à ses ressortissantes.
En effet, comme l’ont souligné nos collègues auteurs des propositions de résolution, ce pays, qui n’est pas signataire de la convention de La Haye du 25 octobre 1980, ne sanctionne pas les déplacements illicites d’enfants, ne reconnaît pas les décisions judicaires étrangères et ne fait pas appliquer les mesures exécutoires. Le code civil japonais ignore le partage de l’autorité parentale.
En outre, dans la culture japonaise, la mère est considérée comme la personne la plus importante pour l’enfant.
Il résulte de la combinaison de tous ces facteurs que les tribunaux japonais accordent le droit de garde aux mères japonaises dans 80 % des cas.
In fine, les pouvoirs publics japonais donnent raison auparent japonais qui a enlevé l’enfant. Les couples franco-japonais étant la plupart du temps composés d’unFrançais et d’une Japonaise, les pères français sontpresque toujours lésés.
Ces conditions pénalisantes pour nos concitoyens entraînent parfois des drames. L’année dernière, deux Français se sont suicidés après avoir tenté, en vain, de récupérer leurs enfants enlevés par leurs ex-épouses. L’un d’entre eux s’était même vu reprocher par ses avocats japonais d’avoir quitté sa femme.
Compte tenu de la politique quasiment unilatérale des autorités japonaises, des avocats occidentaux vont jusqu’à conseiller aux pères étrangers de kidnapper leur enfant en premier, avant que la mère japonaise ne le fasse. Ces attitudes, certes extrêmes, reflètent la gravité de la pratique des déplacements illicites qui plonge des parents dans la détresse et déstabilise des enfants.
Les services consulaires français ont dénombré trente-cinq dossiers, chiffre qui ne tient pas compte des cas de parents résignés ou pensant pouvoir régler seuls leur problème.
De surcroît, le nombre de mariages franco-japonais est en hausse constante, mouvement qui s’accompagne aussi, hélas, d’une augmentation du nombre de divorces. Cette évolution laisse présager un accroissement des litiges. Et pas seulement avec la France, d’ailleurs...
On a recensé 37 000 mariages entre Japonais et étrangers, soit huit fois plus que voilà quarante ans, et 19 000 divorces de couples mixtes. En conséquence, il y aurait actuellement 180 cas d’enlèvements par des mères japonaises. Après les Français, ce sont les Américains, les Canadiens, les Australiens et les Britanniques qui sont les plus concernés.
Il est donc urgent de sensibiliser les autorités japonaises à la nécessité de s’impliquer dans ce dossier.