Ce n’est pas la première fois que le Parlement français débat en séance publique de ce sujet, qui est particulièrement sensible et douloureux. La dernière fois, c’était en novembre 2009 à l’Assemblée nationale sur la proposition de loi relative au droit de finir sa vie dans la dignité, déposée par notre collègue député et président du groupe socialiste Jean-Marc Ayrault.
Cependant, le débat que nous menons ce soir au Sénat est inédit ; il est historique.
En effet, jusqu’à présent, jamais des parlementaires de sensibilités politiques différentes n’avaient réussi à porter une initiative commune sur ce sujet délicat ; c’est pourtant ce qu’ont fait nos collègues Guy Fischer, Alain Fouché et Jean-Pierre Godefroy en déposant chacun une proposition de loi légalisant l’aide active à mourir.
Je tiens à saluer leur initiative ainsi que leur très fort engagement personnel sur le sujet difficile de la fin de vie.
Le texte dont nous allons débattre est une synthèse de ces trois propositions de loi.
La problématique de l’aide médicalisée à mourir est tout à la fois philosophique, éthique et médicale. Elle peut aussi, pour certains d’entre nous, – l’orateur qui m’a précédé l’a mentionné – relever de convictions religieuses, et je respecte ces dernières.
Toutefois, personnellement, je considère qu’il s’agit avant tout d’une problématique politique au sens noble du terme et qui ne doit pas être caricaturée.
L’assistance médicalisée à mourir est une question de société. Et au même titre que la société, elle est un sujet qui évolue, mûrit et doit se concrétiser.
Apporter des réponses à la question du choix de sa propre mort – car c’est bien de cela qu’il s’agit – et à la question de la souffrance, c’est dire vers quelle société nous souhaitons aller.
Voilà plus d’une trentaine d’années que ces questions trouvent écho dans notre société.
Au sein de cet hémicycle, nous croyons tous à l’importance du législateur et en particulier à la fonction du Sénat : voilà bien un sujet sur lequel notre Haute Assemblée doit s’honorer de débattre, et ce dans le plus profond respect des opinions de chacun.
C’est d’ailleurs l’esprit qui a présidé aux travaux de la commission des affaires sociales sous la présidence de Muguette Dini.
Je regrette simplement l’heure tardive à laquelle ce texte majeur est examiné.
Léon Blum a écrit : « L’homme libre est celui qui n’a pas peur d’aller jusqu’au bout de sa pensée. » C’est ce à quoi le texte qui nous est soumis nous invite.
Chaque année, en France, plusieurs milliers de malades se trouvent dans la situation extrême qui est envisagée dans la présente proposition de loi.
Certes, des progrès ont été réalisés dans l’accompagnement de la fin de vie. Les traitements anti-douleurs, les soins palliatifs, l’arrêt de l’acharnement thérapeutique autorisé par la loi de 2005 apportent des solutions dans de nombreux cas.
Pour autant, l’accès aux soins palliatifs est loin d’être universel. Seuls 20% de ceux qui en auraient besoin en bénéficient.