Ce type d’initiative témoigne vraiment de la vigueur du Parlement. Bien sûr, nous en sommes tous conscients, cette proposition de loi attise les passions. Mais le fait que le débat vive dans cette enceinte comme au sein de la société, qu’il soit sans cesse étayé et serein, comme nous l’espérions, est la marque d’une bonne démocratie.
Le monde qui nous entoure s’est toujours construit autour de grands débats, qui l’ont fait évoluer. En 1944, ce fut le droit de vote accordé aux femmes. En 1975, ce fut l’autorisation de l’interruption volontaire de grossesse. En 1981, ce fut l’abolition de la peine de mort. En 1999, ce fut l’adoption du pacte civil de solidarité.
Tous ces débats se sont déroulés avec beaucoup de force : ce fut une chance pour notre démocratie. En 1975 comme en 1981, il n’y avait pas une majorité de Français pour suivre les parlementaires dans leur vote. Il ne s’agit pas aujourd'hui de s’appuyer sur les sondages. Chacun peut, tour à tour, citer des enquêtes d’opinion en faveur de telle ou telle position. Ce qui compte, c’est la réalité de ces grands sujets de société qui sont débattus au Parlement.
Alors, oui, l’adoption de la loi Leonetti a constitué un pas en avant. Mais il nous semble que la loi peut encore évoluer, car elle n’est pas allée assez loin.
Le texte que la commission des affaires sociales a adopté mardi dernier n’est finalement ni plus ni moins qu’un texte juridique visant à prolonger la loi Leonetti et destiné à permettre aux personnes qui le souhaitent de finir leur vie dignement.
Il ne s’agit pas ici de répondre à la détresse de la famille du patient qui voudrait « que l’on en termine, que l’on arrête de s’acharner, que l’on aille plus vite » ; non, il s’agit de prendre en compte les souffrances du malade.
Ce que ce texte consacre, c’est non pas le droit de mourir dans la dignité exclusivement, mais le droit de choisir de mourir dans la dignité. Et il faut vraiment veiller ensemble à ne pas opposer les soins palliatifs et cette proposition de loi.
Oui, l’accès universel aux soins palliatifs est une priorité, une obligation humaniste. Et ce sujet fait aujourd’hui consensus.
Je veux d’ailleurs saluer les médecins, les infirmiers et infirmières, le personnel soignant et aide-soignant et tous les bénévoles qui se consacrent aux soins palliatifs. Ce sont des personnes absolument remarquables dont la vie est également difficile, car c’est à elles qu’il revient d’accompagner tous les jours celles et ceux dont nous parlons aujourd’hui.
Dans ce débat, il ne s’agit pas de compter le nombre des lits dévolus aux soins palliatifs dans les hôpitaux qui, si j’en crois ce que disait M. le ministre tout à l’heure, seraient en augmentation. Non ! Il faut aller plus loin parce que seulement 20 % des personnes incurables en fin de vie sont aujourd’hui en soins palliatifs. Il faut aller plus loin.
Ce texte vise à légiférer pour poser un cadre juridique à l’assistance médicalisée à mourir. C’est de cela qu’il s’agit ! Alors, monsieur le ministre, l’autonomie de la volonté, où se manifeste-t-elle le mieux, sinon dans la lettre de Vincent Humbert au Président de la République ? Voilà vraiment ce qu’est l’autonomie de la volonté !
La hauteur et la qualité des débats au Sénat doivent nous permettre, dans le respect des convictions de chacun, d’aborder ce débat sereinement et d’aller au bout.
Si cette loi était votée, il y aurait un cadre juridique – peut-être imparfait, mais du moins éviterait-il pour beaucoup l’hypocrisie que l’on constate aujourd’hui.