Intervention de André Lardeux

Réunion du 25 janvier 2011 à 22h10
Assistance médicalisée pour mourir — Rejet d'une proposition de loi

Photo de André LardeuxAndré Lardeux :

La pensée ultralibérale prétend, en effet, conquérir des droits nouveaux pour mieux asservir l’homme. Mais, en cela, on préfère la liberté de mourir à celle de vivre. Au lieu d’accompagner la fin de vie, on se propose de l’accélérer.

Selon Axel Kahn, la liberté de se suicider est une liberté singulière parce qu’elle n’est, en réalité, que celle d’échapper à l’inéluctable. Le suicide, ultime liberté, est le seul moyen perçu par le suicidant d’échapper à l’insupportable, c’est-à-dire exactement le contraire de la liberté.

La proximité de la mort n’est jamais une condition suffisante pour abréger la vie. L’absolu de l’interdiction de tuer ne permet pas d’y introduire des exceptions.

L’homme peut revendiquer beaucoup de libertés, mais pas la liberté de décider de son humanité. Présenter cette proposition comme moyen de prévention du suicide, ce que nous avons entendu en commission, est un raisonnement plutôt controuvé. D’ailleurs, que sait-on de ce qui se passe dans l’esprit d’une personne âgée qui est en train de le perdre ?

Il ne faut pas non plus oublier la liberté des personnels de santé, des médecins : donner la mort n’est nullement de leur compétence. On ne peut pas reconnaître aux professionnels de santé le droit à l’objection de conscience et mettre en place un dispositif violant la liberté de conscience. En effet, le texte prévoit que si un médecin refuse de pratiquer l’euthanasie, il doit indiquer au demandeur les moyens de le faire. Or, en morale, il n’y a pas de différence de degré entre la réalisation d’un acte et la complicité dans la réalisation de cet acte. Il est bien sûr inutile d’insister sur l’effet que cela aura, en outre, sur la confiance des malades vis-à-vis des soignants…

La deuxième série d’arguments utilisés concernent la « dignité » de la vie et de la personne.

La souffrance des personnes malades et la perception qu’en ont leurs proches sont des questions difficiles. On voit bien que la peur ou l’hostilité que le vieillissement extrême inspire à notre société ne font que s’accentuer au fil du temps. Probablement est-ce ce qui pousse les partisans d’une aide active à mourir à un acharnement à en finir au plus vite.

C’est pourquoi la lutte contre la douleur et l’accompagnement de la personne en fin de vie sont indispensables et qu’il est impératif de pleinement appliquer la loi de juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs. On sait que cela diminue considérablement les demandes d’euthanasie.

Pousser le concept de la qualité de la vie à un point où l’on peut affirmer tranquillement qu’une vie diminuée ne mérite plus d’exister ne laisse pas d’inquiéter.

Si la qualité de la vie devient le critère de la valeur de la vie humaine, on nie le fondement naturel et culturel de l’égalité, on institue une éthique de l’inégalité. La valeur de la vie humaine dérive non de l’état de la personne mais de son existence même.

Cela pose la question de la place faite dans notre société aux malades, aux mourants, aux faibles, aux vulnérables. Ce n’est pas en les dépossédant de la vie qu’on améliore leur qualité de vie. C’est ce que confirme le professeur Israël : « Le monde vers lequel nous nous dirigeons sera à l’image du sort qu’il réservera à ses vieillards. Si ce monde n’a qu’une hâte, celle de se débarrasser de ses vieillards, il est évident que toutes les autres catégories humaines qui ne seront pas considérées comme productives pour les pouvoirs en place connaîtront le même sort. »

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