Mes chers collègues, comment ne pas partager la finalité portée par cette proposition de loi : permettre aux personnes atteintes d’une affection incurable de bénéficier d’une mort sans douleur ? C’est dire la volonté humaniste qui est incontestablement à l’œuvre dans l’initiative qui nous est présentée.
On comprend par ailleurs le sens de cette proposition de loi comme venant prolonger la loi Leonetti du 22 avril 2005, qui prévoit la possibilité pour le malade d’obtenir l’arrêt des traitements et de recourir aux soins palliatifs.
Cette loi, chacun s’accorde à le reconnaître, a marqué un progrès dans la pratique médicale. Pourtant, l’actualité se fait périodiquement l’écho de cas particuliers auxquels la loi Leonetti ne semble pas apporter de réponse satisfaisante. Les médecins reconnaissent d'ailleurs aujourd’hui les limites de ce texte.
C'est pourquoi on peut être favorable à une évolution de la législation. Pour ma part, j’avais d'ailleurs approuvé le texte qui nous était présenté en commission des affaires sociales, afin de permettre l’émergence du débat public dans l’hémicycle.
Permettez-moi cependant de faire entendre ma différence.
Au regard des enjeux éthiques et philosophiques attachés à cette question – question qui, me semble-t-il, mérite mieux qu’une proposition de loi abordée succinctement au milieu de la nuit –, je souhaite que nous disposions d’un état des lieux exhaustif de la loi Leonetti et que nous puissions nous appuyer sur les travaux de l’Observatoire national de la fin de vie, menés par le docteur Régis Aubry, avec lequel je coopère au quotidien dans mon département.
Donnons-nous, chers collègues, le temps de la réflexion approfondie, à la lumière des observations qui ont été effectuées – et la démarche que je propose, croyez-le, n’a rien de dilatoire !
Des questions me paraissent aujourd'hui rester sans réponse. Comment garantir le caractère « libre, éclairé et réfléchi » de la demande d’aide à mourir lorsque le malade vient d’apprendre le caractère incurable et inexorable de son mal ? Comment comprendre, par ailleurs, le concept de « souffrance psychique » ? La souffrance psychique n’est-elle pas, au fond, constitutive de la nature humaine au moment d’apprendre que la fin est proche ? Et comment convient-il d’y répondre ? Comment faire en sorte, mes chers collègues, que l’aide active à mourir ne se substitue pas à la nécessité de promouvoir les soins palliatifs ?
Certes, il est juste de ne pas opposer soins palliatifs et aide active à mourir, mais on observe tout de même que, dans les établissements où ils sont particulièrement bien pris en charge, les patients ne réclament pas qu’il soit mis fin à leurs jours de manière active.
Dès lors, chers collègues, prenons le temps d’un vrai débat public, nourri par le bilan exhaustif de la loi Leonetti et par les constats de l’Observatoire national de la fin de vie, qui va rendre ses conclusions dans les prochains mois.
Notre premier devoir d’humanité, c’est d’aider les personnes en fin de vie et atteintes d’un mal incurable à vivre le mieux possible le temps qui leur reste. Avons-nous fait tout ce qui était possible ? Faut-il prévoir des réponses alternatives ?
Chers collègues, dans le doute, et dans l’attente de ce débat public que j’appelle de mes vœux, je m’abstiendrai sur cette proposition de loi.