Intervention de Isabelle Pasquet

Réunion du 25 janvier 2011 à 22h10
Assistance médicalisée pour mourir — Article 1er

Photo de Isabelle PasquetIsabelle Pasquet :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, naturellement, pour avoir été cosignataire de la proposition de loi présentée par mon ami Guy Fischer, je souscris à l’idée qu’il faille une évolution législative reconnaissant le droit, je dirais même la liberté pour celles et ceux qui le souhaitent de bénéficier d’une assistance médicalisée pour mourir.

Il s’agit bien là d’une évolution – j’insiste sur ce terme –, puisque cette proposition de loi s’inscrit dans la continuité de la loi de 2002 relative aux droits de malades et à la qualité du système de santé, et de la loi de 2005, dite loi Leonetti, qui a permis aux patients, du moins en théorie, d’accéder à des thérapeutiques destinées à alléger leurs souffrances physiques.

Les soins palliatifs, puisque c’est de cela qu’il s’agit, sont effectivement très efficaces contre la douleur physique, mais totalement inefficaces quant aux souffrances psychiques. Certains voudraient les circonscrire et les limiter à une souffrance de réaction issue du regard des autres. Si cela peut exister, notamment dans la situation de dépendance qui donne au malade le sentiment d’être une charge pour les autres, une conception si réductrice vise en réalité à écarter l’assistance médicalisée à mourir, comme si la seule solution résidait dans un changement de comportement des proches du patient, dans une meilleure acceptation de la mort.

Les choses sont évidemment bien plus complexes, et je suis convaincue qu’il ne faut pas minorer le sentiment de celles et de ceux qui, en fin de vie ou se trouvant dans un état pathologique très lourd et irréversible, ont tout simplement perdu ce qui est essentiel à tout malade : l’espoir.

Le malade va ainsi devoir progressivement passer, comme le souligne à raison Anne Cazier, psychologue au CHU de Rouen, « par le déni, la dénégation, la colère et la frustration, la dépression et la résignation ». Anne Cazier précise également que le malade devra faire une série de deuils successifs : « Le premier deuil à faire est celui de la vie d’avant, celle du bien portant, celle de l’individu actif professionnellement » et enfin le deuil de tout espoir, autrement dit faire, vivant, le deuil de sa vie. Ce deuil, chacun le comprendra, peut s’accompagner d’une accumulation d’angoisses : celle de la souffrance, de la diminution psychique et physique et, naturellement, celle de sa propre mort.

Les soins palliatifs sont alors inefficaces. Je voudrais d’ailleurs citer une déclaration du docteur Danièle Lecomte, que je partage entièrement et qui a contribué à me convaincre : « Il y a peut-être une confusion entre douleur et souffrance. La douleur est effectivement le plus souvent maîtrisable. Mais on ne peut pas réduire le vécu douloureux de la personne en fin de vie à une composante physique accessible aux médicaments. La question est plus complexe. C’est celle de la souffrance, qui inclut des dimensions psychiques, émotionnelles, existentielles. La souffrance, on peut l’écouter, l’accompagner, mais on ne peut pas véritablement la traiter ».

Dès lors, comment pourrions-nous raisonnablement refuser à des personnes atteintes de souffrances importantes et que rien ne peut réduire le droit d’arrêter de les endurer ? Comment pourrions-nous décider de refuser ce que l’autre nous demande, au motif que nous serions nous-mêmes opposés à un tel acte ? Au nom de quoi devrions-nous, sur des fondements moraux, continuer à imposer des souffrances à des femmes et à des hommes qui, en raison de leur état de santé, en ont déjà trop supporté ?

Rien ne le justifie. C’est pourquoi je voterai cet article, ainsi que la présente proposition de loi.

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