Intervention de Gilbert Barbier

Réunion du 25 janvier 2011 à 22h10
Assistance médicalisée pour mourir — Article 1er

Photo de Gilbert BarbierGilbert Barbier :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’article 1er est très important, car il vise à reconnaître un droit à l’aide active à mourir. Ce faisant, il va à l’encontre des textes fondamentaux qui régissent notre droit, qui ont pour vocation première de protéger le droit à la vie de tout individu et de porter assistance aux personnes les plus vulnérables et en situation de danger, ce qui est précisément le cas des personnes atteintes d’une affection « grave et incurable ».

Bien qu’absente de notre corpus législatif, l’interdiction de l’euthanasie constitue l’une des applications du principe d’indisponibilité du corps humain. Elle est pénalement réprimée et peut constituer un meurtre, un homicide involontaire, un délit de non-assistance à personne en danger, un empoisonnement ou une provocation au suicide.

Faut-il distinguer dans notre droit l’euthanasie active, qui suppose le geste d’un tiers, de l’euthanasie passive, qui serait l’arrêt des traitements, sinon palliatifs, et qui abrégerait la vie dans le cas de maladie incurable ou de situation désespérée ?

Cette terminologie est assimilée pour certains au refus d’acharnement thérapeutique, devenu légal par la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, qui autorise le médecin à limiter ou à arrêter un traitement concernant une personne « hors d’état d’exprimer sa volonté », alors que « la limitation ou l’arrêt de traitement » seraient susceptibles de « mettre sa vie en danger ».

Aux termes de cette loi, qui a modifié les articles L. 1111-4 et L. 1111-3 du code de la santé publique, le médecin peut aussi limiter ou arrêter un traitement inutile, disproportionné ou n’ayant d’autre objet que la seule prolongation artificielle de la vie. Un décret du 6 février 2006 précise les conditions dans lesquelles une telle décision peut être prise.

Curieusement, l’article 1er, tel qu’il est proposé, occulte le terme d’« euthanasie active » ; pourtant, c’est bien ce qui est demandé. Cela traduit peut-être trop toute la violence que contient l’acte de mort donnée par un tiers. Alors, euthanasie active pour répondre à quelles aspirations ? Pour reconnaître à la personne malade le droit au « respect de sa dignité » ? Ne parlons pas de dignité dans cette affaire !

Pour répondre à certains cas dont les auteurs des propositions de loi reconnaissent qu’ils sont rares, des personnes que l’arrêt de traitement ne suffirait pas à soulager et qui ne souhaiteraient pas être plongées dans le coma pourraient demander lucidement une aide active à mourir.

Voici ce que les auteurs d’une des propositions de loi écrivent : « Nous ne pouvons pas laisser aux médecins ni aux proches des malades le poids d’une telle responsabilité ; au contraire, nous devons l’assumer collectivement. Dans un État de droit, la seule solution est celle de la loi : une loi visant non pas à dépénaliser purement et simplement l’euthanasie, mais à reconnaître une exception d’euthanasie strictement encadrée par le code de la santé publique. »

Bien curieusement, le terme d’« exception d’euthanasie » n’apparaît jamais dans le texte proposé. L’article 1er évoque une « assistance médicalisée permettant, par un acte délibéré, une mort rapide et sans douleur ». Et les articles suivants changent la terminologie !

Mais le problème majeur et fondamental posé par cet article réside dans la signification de certains termes, qui méritent d’être explicitée. Je pense à des expressions comme « phase avancée ou terminale » ou « affection […] grave et incurable ». À l’évidence, de tels termes comportent une part de subjectivité et un flou d’appréciation qui autorisent toutes les dérives.

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