Intervention de Philippe Darniche

Réunion du 25 janvier 2011 à 22h10
Assistance médicalisée pour mourir — Article 1er

Photo de Philippe DarnichePhilippe Darniche :

En votant, en 2005, la loi Leonetti sur la fin de vie, nous avions choisi la voie de la sagesse en écartant à la fois l’acharnement thérapeutique et l’euthanasie pour mettre en place une grande politique de développement des soins palliatifs qui réponde, selon la majorité des médecins et des familles interrogés, à la souffrance extrême des malades et des personnes âgées en fin de vie.

Légaliser l’euthanasie serait, selon moi, une grave erreur parce qu’elle conduirait à l’échec de la médecine. Ce serait aussi une erreur sur le plan tant juridique et moral que philosophique.

Une telle décision conduirait à l’échec de la médecine, car ce serait reconnaître l’impuissance de cette dernière à faire face à une situation d’extrême souffrance pour laquelle elle ne proposerait qu’une seule solution : la mort. L’euthanasie est une réponse brutale et sans issue, en contradiction absolue avec la mission même du soignant, qui est de lutter pour la survie de son patient, et avec les immenses progrès accomplis pour améliorer la prise en charge de la fin de vie.

Si cette demande vient du malade, elle est la preuve d’une détresse infinie justifiée par la souffrance physique et morale. À cette détresse et à ce désespoir, le médecin doit-il répondre par l’acte de mort ?

Est-il acceptable, par ailleurs, que les médecins et les infirmiers ne puissent vivre en paix et soient obligés de souffrir du souvenir d’avoir donné la mort au malade ?

Il me semble que ce serait également une erreur sur le plan juridique, car une telle décision reviendrait à ignorer les grands principes du droit – un certain nombre de mes collègues ont mis l’accent sur ce point –, qui nous obligent à respecter la dignité de la personne humaine, du commencement de la vie jusqu’à l’heure dernière.

Nous, parlementaires, qui votons la loi, devons avoir le souci permanent du droit et de ce qu’il nous enseigne. Tous les principes de notre droit civil ou de notre droit pénal nous font obligation de respecter l’intégrité physique de la personne vivante, car leurs inspirateurs ont produit et rédigé un droit à la vie qui repose sur le caractère inviolable du corps humain.

Les défenseurs de l’euthanasie nous diront que le consentement de l’intéressé justifie cette entorse au droit. Mais le consentement d’une victime ne peut pas plus justifier l’euthanasie qu’il ne justifie d’autres infractions ! Un homicide – le fait de donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre, c’est la définition du code pénal – ne peut être conforme, quoi qu’on en dise, ni à l’intérêt général ni même à l’intérêt de la victime !

Enfin, ce serait une erreur sur le plan moral et sur le plan philosophique, car une société doit se structurer par un certain nombre de règles que l’on se donne en commun, et l’on ne peut présenter la demande de mourir comme un droit. On ne peut pas avoir un droit à mourir comme on a un droit à la sécurité sociale, un droit à la retraite, un droit à l’information ou à liberté d’expression.

Légaliser l’euthanasie conduirait à accepter de bâtir une société où chacun peut décider si la vie vaut la peine ou non d’être vécue. Sans respect du principe d’humanité, il ne peut y avoir de liberté. Notre société individualisée réclame plus de solidarité et d’humanité.

C’est parce que les gens sont seuls et désespérés qu’ils ont recours à l’idée de la mort. Soigner la maladie, accompagner la vieillesse et la souffrance jusqu’au bout est un devoir qui engage la société tout entière, car la grandeur et la dignité de l’homme l’obligent. Vous aurez donc compris, mes chers collègues, le sens de mon vote.

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