Intervention de Annie David

Réunion du 25 janvier 2011 à 22h10
Assistance médicalisée pour mourir — Article 2

Photo de Annie DavidAnnie David :

Il est certes bien tard, mes chers collègues, mais je ne regrette pas que ce débat ait eu lieu et que nous lui ayons consacré autant de temps. Ce thème nous touche effectivement tous.

Comme vous le savez, je suis cosignataire de la proposition de loi déposée par Guy Fischer et certains membres du groupe CRC-SPG. Avant de prendre cette décision, je me suis également beaucoup questionnée.

J’ai commencé par réfléchir à la manière dont je voudrais moi-même mourir si d’aventure j’étais atteinte d’une pathologie lourde, dégénérative et conduisant, à plus ou moins long terme, à la mort.

À l’instar de beaucoup d’entre nous, ma première et principale préoccupation est l’accès de toutes celles et tous ceux qui le souhaitent à des soins palliatifs leur permettant d’atténuer la douleur. Mais – nous le savons et vous l’avez rappelé, monsieur le ministre – tous les malades ne bénéficient pas de cet accès. C’est regrettable.

Voilà pourquoi je souhaite que, le moment venu, on ne m’inflige pas la souffrance, ni à moi ni à mes proches, d’endurer contre ma volonté une vie abîmée, usée, douloureuse, pénible, une vie que je n’aurai plus la force physique et mentale de supporter.

Je veux que l’on me fasse l’ultime respect d’accepter le choix qui est le mien, celui de partir sans endurer de douleurs supplémentaires, tout comme je respecterai celles et ceux de mes proches qui choisiront de ne pas mettre fin à leur vie.

En somme, je souhaite que l’on respecte ma liberté et que l’on ne m’impose pas les choix des autres, que l’on se souvienne, le temps venu, de cette citation de Rosa Luxembourg : « La liberté, c’est toujours la liberté de l’autre. »

Aussi faut-il un cadre légal pour permettre de soustraire à d’éventuelles actions pénales les professionnels de santé qui accepteraient d’accompagner vers la mort les patients ayant pris une décision en ce sens.

Le cadre légal est d’autant plus important que la loi Leonetti – il en a déjà été beaucoup question –, aussi bénéfique soit-elle, ne résout pas à ce jour toutes les difficultés. Elle ne concerne pas, par exemple, les personnes pour qui la vie est devenue tellement insupportable qu’elles font le choix d’arrêter tout traitement, y compris palliatif, toute alimentation ou hydratation. Elle ne concerne également pas – cela a été dit – les souffrances morales. Elle ne satisfait surtout pas les aspirations des personnes souhaitant partir avant que la vie ne leur apparaisse plus que comme une souffrance ou une épreuve.

D’ailleurs, la loi Leonetti, dont la popularisation serait bénéfique à tous, ne tire elle-même pas toutes les conséquences de principes pourtant fondamentaux, qui sont reconnus depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé et que les juristes appellent « l’autonomie des volontés ».

En revanche, je conteste l’analyse selon laquelle cette proposition de loi aurait une portée générale. Si, effectivement, elle ouvre à chacun le droit de décider en conscience de la fin de sa vie, elle n’est pas générale. Comme pour la plupart des droits, c’est une possibilité, un droit individuel, une faculté, c’est-à-dire une liberté, que nous offririons à nos concitoyens.

Notre pays ne peut pas plus longtemps continuer à priver de cette liberté une partie de sa population, au motif qu’une autre ne voudrait pas en bénéficier.

Nous ne voulons pas imposer notre choix. Mais nous demandons aussi à celles et ceux qui, parmi nous, voteraient contre cette proposition de loi de ne pas nous imposer le leur.

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