Intervention de Hélène Luc

Réunion du 19 janvier 2006 à 10h00
Égalité salariale entre les femmes et les hommes — Vote sur l'ensemble

Photo de Hélène LucHélène Luc :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lors de la discussion de ce texte relatif à l'égalité salariale entre les hommes et les femmes, mon ami Roland Muzeau et moi-même avons beaucoup insisté, comme vous l'avez remarqué, sur l'offensive sans précédent menée en faveur du développement du travail précaire.

Un remarquable documentaire a été diffusé à la télévision intitulé : « Femmes précaires ». Nous y avons vu le portrait de femmes qui gagnent moins que le SMIC et qui sont confrontées à l'absurdité du monde du travail.

L'une d'elles est agent d'entretien. Elle travaille hors des heures ouvrables, puisqu'elle commence sa journée à cinq heures trente, et doit changer de lieu plusieurs fois par jour. Elle élève seule ses deux enfants.

Marcel Trillat, qui a réalisé ce documentaire, ne cède jamais au misérabilisme. Au contraire, il nous présente des personnalités bien entières, qui affrontent en toute dignité les injustices du monde contemporain, mais qui veulent le changer.

Je voudrais encore vous citer l'exemple de cette caissière dont les moindres gestes sont surveillés par d'innombrables caméras et qui doit obligatoirement afficher un sourire à la caisse. Et gare à elle si elle oublie de souhaiter une bonne journée aux clients, car sa prime sera alors diminuée !

Même les hommes commencent maintenant à prendre conscience de la situation, car ils en voient les conséquences sur la vie familiale.

Permettez-moi de citer les propos de Mme Françoise Milewski, rédactrice en chef du comité de rédaction de l'institut indépendant de recherche et de prévision qu'est l'Observatoire français des conjonctures économiques, OFCE, qui a été entendue par la Délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Elle a rappelé que « les progrès historiques de l'insertion des femmes sur le marché du travail sont indéniables : les taux d'emploi des femmes et des hommes se sont rapprochés. Mais de profondes inégalités demeurent ; par exemple, le taux de chômage féminin reste supérieur à celui des hommes dans la plupart des pays, même si les écarts se sont réduits. »

Elle a évoqué ensuite « l'apparition de nouvelles inégalités : précarisation de l'emploi, insertion par des temps partiels imposés par les employeurs ou contraints par l'insuffisance des modes de garde des enfants, tant en qualité qu'en quantité. Les femmes sont plus vulnérables que les hommes sur le marché du travail, si bien que les formes d'emploi flexibles les concernent davantage. Mais, parce qu'elles représentent près de la moitié de la population active - 46 % en France, 44 % dans l'Union européenne à quinze -, c'est l'ensemble du marché du travail qui est atteint. Leur activité est ainsi, tour à tour, un enjeu pour la croissance économique, afin de compenser le recul à venir de la population active, ou un moyen de rendre plus flexibles les marchés du travail. »

Je voudrais également vous rapporter les propos de Mme Françoise Milewski sur un autre point qui me paraît être essentiel en ce moment ; à cet égard, je vous demande de lire le rapport d'information fait au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes sur ce projet de loi. Il y est écrit :

« Mme François Milewski souligne que l'analyse du travail des femmes résiste aux analyses centrées sur une seule discipline. Pour comprendre ce qui se déroule dans la sphère professionnelle, il faut non seulement analyser les discriminations spécifiques dans les entreprises, mais aussi faire appel aux processus de construction des inégalités dans les formations initiales, aux relations entre la sphère privée et la sphère professionnelle, à la façon dont l'entourage familial et professionnel reproduit les stéréotypes de sexes, et à la manière dont les femmes elles-mêmes intériorisent les contraintes et s'autocensurent. »

Madame la ministre, je crois qu'il était important de faire ce rappel. Nous assistons à une multiplication des contrats qui aggravent la précarité dans le travail, en particulier pour les femmes, avec la politique de M. de Villepin et de Mme Parisot.

Cette dernière a déclaré que « La France est devenue illisible » ! Nous lui proposons de retourner à l'école de la démocratie, d'aller voir ce qui se passe dans les entreprises et de discuter davantage avec les syndicats.

Elle a également déclaré qu'elle voulait agir autrement que M. Seillière. Or, non seulement elle agit comme lui, mais elle va plus loin que lui et je trouve que sa politique est encore plus dangereuse ! Elle le fait avec son tempérament de femme ; c'est la preuve qu'il ne suffit pas d'être une femme pour faire une politique favorisant le travail, la vie des femmes et celle de leur famille. C'est la preuve aussi que le capitalisme est ce qu'il est et qu'il n'y a pas de capitalisme au féminin.

Mes chers collègues - je m'adresse en particulier aux sénatrices -, dans les conditions actuelles, je vous demande de ne pas voter ce projet de loi. Il est en effet quelque peu paradoxal de discuter de l'égalité des salaires alors que l'on voit se développer la précarité du travail des femmes.

Pour les femmes présentées dans le documentaire que j'ai évoqué au début de mon propos, le problème n'est même pas celui de l'égalité des salaires ; il est de pouvoir vivre normalement et d'avoir une famille heureuse !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion