Intervention de François Goulard

Réunion du 31 mars 2005 à 9h30
Aéroports — Adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture

François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le présent projet de loi a été examiné, en première lecture, par le Sénat le 9 novembre dernier et par l'Assemblée nationale le 15 mars. Il traite à la fois du statut d'Aéroports de Paris et de celui des grands aéroports régionaux.

Je commencerai par Aéroports de Paris. Chacun peut constater les limites du statut actuel posées par le principe de spécialité des établissements publics, ses lourdeurs inhérentes au regard d'énormes besoins d'investissements en matière aéroportuaire, le nécessaire renforcement du dynamisme commercial de ce grand établissement.

Nous sommes donc confrontés d'emblée à la double nature des grands aéroports. En matière d'aménagement du territoire, ces grands équipements structurants sont essentiels pour l'attractivité du territoire national et des territoires régionaux ce qui, à l'évidence, les rattache à des objectifs d'intérêt public.

Je me garderai d'oublier le rôle particulier que jouent les aéroports dans les départements et territoires d'outre-mer, dans lesquels les liaisons aériennes sont vitales.

Si les aéroports répondent à des objectifs d'intérêt public, leur exploitation présente, sous plusieurs aspects, un caractère commercial : satisfaire le client, s'inscrire dans une compétition internationale vive et développer des fonctions autrefois considérées comme annexes, mais qui revêtent aujourd'hui une importance nouvelle. Je pense notamment à la présence de surfaces commerciales au sein des grands aéroports.

Le projet de loi pose le principe de la continuité de la personne morale « Aéroports de Paris », de l'autorisation légale d'exploiter et du statut des personnels, qui s'inscrit dans un cadre réglementaire.

Pour des raisons pratiques, le Gouvernement a fait le choix de la domanialité privée, assortie de contraintes très strictes garantissant l'exécution des missions de service public et protégeant les intérêts patrimoniaux de l'Etat.

Aéroports de Paris exercera son rôle dans le cadre d'un cahier des charges, fixé par décret, qui définira précisément les obligations de la société, notamment en matière de service public.

L'Etat, et c'est un point fondamental du présent projet de loi, conservera la majorité dans le capital de la nouvelle société. Il s'agit d'un élément déterminant de l'équilibre que nous recherchons entre les objectifs d'intérêt public et les aspects commerciaux de l'exploitation des aéroports.

J'en viens aux aéroports régionaux.

Dans le processus de décentralisation qui est engagé depuis le mois d'août dernier, les plus grandes plates-formes aéroportuaires, environ une douzaine, font l'objet d'un sort particulier. C'est tout à fait légitime puisqu'elles revêtent une importance économique et sociale majeure avec un chiffre d'affaires global de 500 millions d'euros et une fréquentation annuelle de 40 millions de passagers.

Leurs objectifs sont les mêmes que pour Aéroports de Paris : concilier aménagement du territoire, développement régional et dynamisme commercial.

Les sociétés aéroportuaires se voient confier la poursuite des concessions aujourd'hui dévolues aux chambres de commerce et d'industrie, qui ont été, je le rappelle, à l'origine de la création de ces sociétés. Afin de mieux ancrer les grands aéroports régionaux dans la vie régionale et locale, les collectivités locales pourront entrer dans le capital de ces sociétés.

De ce point de vue, les intentions du Gouvernement ont été précisées par M. Gilles de Robien lors de la première lecture de ce projet de loi en novembre 2004 au Sénat et le 15 mars dernier à l'Assemblée nationale. Le capital de ces sociétés serait ouvert à hauteur d'au moins 25 % aux chambres de commerce et d'industrie et de 15 % aux collectivités territoriales. Le Gouvernement souhaite ainsi constituer un noyau public durable au sein des sociétés aéroportuaires.

Les discussions avec les chambres de commerce et d'industrie aujourd'hui gestionnaires des aéroports régionaux, à la grande satisfaction des acteurs locaux, ont permis de clarifier les options des différents acteurs concernés et d'harmoniser les points de vue de l'Etat, des collectivités locales, des chambres de commerce et d'industrie sur l'avenir de ces grands équipements aéroportuaires.

L'ouverture du capital des sociétés aéroportuaires permettra notamment de faire face aux besoins d'investissement. Certains aéroports régionaux ont de grands programmes d'investissement susceptibles de garantir leur compétitivité et d'apporter aux régions les services dont elles ont besoin.

Par ailleurs, le projet de loi vise à assurer la protection du statut du personnel. L'article L. 122-12 du code du travail garantit d'ores et déjà la continuité de l'emploi, même en cas de changement de la personne morale exploitante. Cette disposition sera consolidée par une convention collective, dont la négociation sera engagée rapidement, dès le vote du projet de loi. Les personnels qui ont le statut d'agent des chambres de commerce bénéficieront d'un droit de retour, donc de la continuité et de la stabilité de leur emploi.

Le projet de loi comporte des dispositions relatives à la modernisation du régime des redevances aéroportuaires qui seront applicables à Aéroport de Paris et aux aéroports régionaux.

Le texte vise à réaffirmer le principe de la caisse unique, à inscrire la politique des redevances dans la durée et à préciser les facteurs qui déterminent le niveau des redevances.

Il s'agit là d'un sujet important. J'ai eu l'occasion de m'en entretenir avec M. Jean-François Le Grand et je partage totalement son point de vue.

Il existe des divergences d'intérêts entre les aéroports, qui souhaitent parfois augmenter les redevances, et les compagnies aériennes, qui les acquittent. C'est à la puissance publique qu'il revient d'arbitrer ces divergences d'intérêts, au demeurant légitimes, observées de tout temps et en tous lieux, mais qui prennent un relief nouveau avec l'évolution des aéroports et l'accroissement de leur importance économique.

L'idée de M. Jean-François Le Grand est d'établir une instance destinée à concilier les points de vue et à éclairer le Gouvernement sur le bon niveau des redevances aéroportuaires.

Le Sénat avait adopté, en première lecture, un amendement portant création d'une commission de conciliation aéroportuaire qui avait précisément cet objet. L'Assemblée nationale a, quant à elle, adopté un texte créant une commission consultative aéroportuaire qui procède du même esprit, mais avec moins de précision et de clarté dans l'expression.

La question est de savoir si la rédaction de l'Assemblée nationale est compatible avec les intentions du Sénat. Le Gouvernement a la conviction que cette compatibilité peut être atteinte par voie réglementaire. Le projet de loi prévoit donc qu'un décret précisera les conditions d'exercice et le rôle de cette commission consultative.

Dans la pratique, ce décret affirmera le caractère systématique de la consultation de la commission et des parties intéressées, c'est-à-dire les autorités aéroportuaires et les compagnies aériennes concernées.

Le décret prévoira également que les avis de la commission consultative comportent des propositions visant à concilier les points de vue.

Enfin, le décret pourrait opportunément préciser l'origine des personnalités qualifiées qui siégeront au sein de la commission consultative aéroportuaire.

Le Gouvernement souhaite la mise en place rapide de cette commission consultative et la parution sans délai du décret qui en précise le rôle et le fonctionnement. La commission pourra ainsi donner un avis et éclairer le Gouvernement sur les décisions tarifaires qui seront prises à la fin de cette année pour l'exercice 2006.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il s'agit incontestablement d'un texte de modernisation de nos équipements aéroportuaires, qui tend à assurer un équilibre entre les objectifs d'intérêt général d'aménagement du territoire et de nécessaire dynamisme commercial des aéroports. Empreint de pragmatisme, il éclaire d'un jour nouveau et positif la difficile question des redevances. Il correspond, me semble-t-il, à l'esprit du Sénat.

En adoptant ce projet de loi, le Parlement introduirait dans notre législation un texte favorable au développement de ce secteur économique certes très important, mais plus encore de ces grands outils d'aménagement du territoire que sont les aéroports français.

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