Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme vous le savez, ce projet de loi n'avait pas eu l'heur de nous plaire en première lecture et, à son retour de l'Assemblée nationale, vous ne serez pas étonnés qu'il ne nous satisfasse toujours pas.
Pour nous, ce projet du Gouvernement poursuit le désengagement de l'Etat d'un secteur que nous considérons comme stratégique : celui du transport aérien.
Revenant devant le Sénat après que l'Assemblée nationale a entériné l'article 1er relatif au changement de statut, sur lequel nous avions fortement marqué notre opposition, malgré les dénis répétés des ministres, ce projet de loi ouvre clairement la voie à la privatisation à moyen ou à long terme.
Je ne reviendrai pas sur les motivations du Gouvernement que j'avais eu l'occasion de souligner en première lecture. Vous êtes fidèles à votre inspiration libérale, et l'impasse financière liée à l'actuelle dérive des finances publiques oblige à faire financer par des capitaux privés ou par les collectivités locales les investissements que l'Etat ne veut plus ou ne peut plus assurer.
Vous appelez cela « modernisation ». Dans votre esprit, la modernisation est nécessairement liée à la limitation du rôle de l'Etat, comme si un Etat ne pouvait pas être moderne.
Vous qui prônez la simplification, vous nous proposez désormais un système aéroportuaire qui constituera une véritable usine à gaz à trois étages.
Les aéroports parisiens seront gérés par une société anonyme - son capital sera-t-il à majorité public ? Personne ne le sait - qui va recevoir en dotation d'immenses emprises foncières déclassées du domaine public. C'est une solution que même les pays les plus libéraux n'ont pas adoptée.
Les grands aéroports régionaux situés en province, dont on ne connaît toujours pas la liste puisqu'elle sera fixée par décret pourront, à la demande des CCI, être gérés par des sociétés aéroportuaires, dont le capital détenu initialement par les CCI, les collectivités, l'Etat pourra être ouvert à des intérêts privés, y compris de façon majoritaire.
Enfin, les aéroports et les aérodromes locaux seront transférés au 1er janvier 2007 aux collectivités locales - on ne sait pas trop encore comment - en vertu de la loi du 13 août 2004, ces dernières en feront ce qu'elles veulent.
Voilà un système clair qui répond parfaitement à l'idée d'une simplification des statuts : on a donc trois types d'aéroports.
En résumé, même si le Gouvernement affirme des garanties, même si le capital d'ADP et des sociétés de gestion aéroportuaire reste pour l'instant public, toute l'architecture d'une privatisation à terme du dispositif aéroportuaire français sera en place une fois ce texte adopté. Rappelons-nous de ce qui s'est passé à France Télécom et à Air France lors de l'ouverture du capital ! Pensons à ce qui se prépare pour EDF et GDF ! On a ouvert une porte, mais vous, vous avez donné un grand coup de pied dedans.