Intervention de Lucette Michaux-Chevry

Réunion du 31 mars 2005 à 9h30
Aéroports — Adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Lucette Michaux-ChevryLucette Michaux-Chevry :

Ces plates-formes ont une dimension régionale, mais aussi internationale, et elles jouent un rôle dans le domaine militaire. Dorénavant, la présence de la France en outre-mer et son rayonnement dépendent non plus seulement des ports, mais également des aéroports.

A cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat, j'ouvrirai une brève parenthèse.

Le personnel navigant français est soumis à une réglementation très stricte, qui lui impose un contrôle médical tous les ans et une formation régulière. Tout cela coûte très cher. Or il apparaît que ce personnel est de plus en plus délaissé au profit du personnel étranger, particulièrement dans les charters et sur les lignes de l'outre-mer.

Une telle situation est véritablement déplorable : nous ne pouvons pas, d'un côté, exiger pour nos personnels, notamment les pilotes et les copilotes, une formation rigoureuse, que d'ailleurs personne ne conteste et, de l'autre, laisser la porte ouverte, dans le cadre des accords européens, au recrutement d'un personnel moins bien formé, comme tout le monde le sait.

Revenant sur un plan plus général, je rappellerai que les aéroports constituent le seul moyen de désenclavement des départements et territoires d'outre-mer. Aujourd'hui, la continuité territoriale constitue un point important pour l'outre-mer, même si, contrairement à la Corse, cette question n'apparaît pour l'instant qu'en filigrane. De plus en plus, nous parvenons à faire prévaloir cette vision d'un lien qui existe entre la France, l'Europe et les autres zones du monde.

A cet égard, le Gouvernement a pris la mesure de l'importance, pour l'outre-mer, d'un traitement particulier. Il a apporté les solutions qui s'imposaient pour adapter la réforme aux particularismes de nos régions.

Certes, dans un domaine en perpétuelle évolution, où l'ampleur des mutations est impossible à mesurer, il est très difficile de fixer des règles. Cela étant, le texte qui nous est soumis aujourd'hui a le mérite d'exister et de prévoir des bases nouvelles, inspirées d'une conception plus moderne des plates-formes.

En ce qui nous concerne, nous avons mené de nombreuses consultations, tant avec les élus qu'avec les chambres de commerce. Des réponses positives nous ont été apportées. Par ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté de nombreux amendements qui prévoient des modifications extrêmement importantes.

Ainsi, il faut noter deux avancées en faveur de l'outre-mer, notamment pour la plate-forme de Pointe-à-Pitre, qui m'intéresse particulièrement : d'une part, la reconnaissance de la spécificité de nos aéroports ; d'autre part, pour la chambre de commerce, la prolongation de l'actuelle convention de concession qui expire en 2008.

En outre, l'Assemblée nationale a conforté le rôle des chambres de commerce et a reconnu leur nécessaire participation, ainsi que celle des collectivités territoriales, au capital des sociétés aéroportuaires.

Mes chers collègues, la France ne se limite pas à l'hexagone, elle a une dimension beaucoup plus large. Je suis toujours choquée de voir notre pays enfermé dans ses limites hexagonales. Au contraire, notre présence à travers le monde est une grande richesse : elle nous permet notamment de transmettre nos technologies de pointe dans diverses régions.

A ce titre, grâce à la plate-forme de Pointe-à-Pitre, la France assure une présence européenne dans les Amériques du Nord et du Sud ; elle apporte son savoir-faire technologique y compris dans les petites îles qui disposent d'aéroports moins importants.

Le développement de l'outre-mer ne pourra reposer exclusivement sur la protection et la propagation de cultures telles que la canne à sucre et la banane. Il faudra incontestablement y intégrer le domaine des technologies de pointe, dans lequel la France a, je le répète, un grand savoir-faire. Dans tous ces pays, dans toutes ces îles de la Caraïbe, la France bénéficie d'une reconnaissance historique grâce à ses prises de position successives. Ces peuples partagent avec nous la même histoire et les mêmes valeurs culturelles qui ont fait la grandeur de notre pays.

C'est pourquoi le traitement particulier des aéroports de l'outre-mer, particulièrement celui de Pôle Caraïbes en Guadeloupe, implique que soient pris en compte un certain nombre de paramètres, notamment le positionnement géographique, car ces aéroports sont des traits d'union entre l'Europe, notamment la France, et les Amériques.

La plate-forme Pôle Caraïbes est incontestablement vouée à devenir, demain, le pôle stratégique de convergence et d'échanges avec l'ensemble des petites îles qui sont situées autour de la Caraïbe.

C'est pourquoi, dans la modernisation de la gestion de la plate-forme de la Guadeloupe qui doit intervenir, nous devons nous rappeler le double rôle joué par la CCI, qui a participé très fortement, avec les nouvelles collectivités territoriales, à des investissements lourds - plus de 130 millions d'euros sur plusieurs années -, lesquels se sont révélés performants, puisque Pôle Caraïbes est en train de devenir le hub d'éclatement pour toute la Caraïbe. Il s'agit de défendre, dans le cadre d'une régionalisation plus ouverte, nos relations vers ces régions.

Les CCI bénéficient de relations privilégiées dans cette zone, ce qui leur permet de jouer un rôle moteur dans les aéroports. Dans le cadre de l'Association des Etats de la Caraïbe, elles constituent un facteur intéressant pour renforcer la position de la France et de l'Europe.

Il est donc normal et légitime que les collectivités territoriales qui ont apporté des financements intéressants pour cette plate-forme détiennent une part de son capital.

Si je suis favorable à la commission consultative aéroportuaire, c'est parce qu'il est urgent que les futures négociations sur le régime des plates-formes soient menées avec la plus grande rapidité, et ce pour deux raisons.

Premièrement, nous sommes à la veille de l'ouverture des négociations du futur contrat de plan.

Deuxièmement, les accords de Cotonou vont s'appliquer très rapidement. La France mesure-t-elle qu'il y aura, demain, un véritable petit marché commun, de Cuba au Brésil, dans lequel la circulation sera libre ?

Il est donc indispensable que les outils que constituent les aéroports de Pointe-à-Pitre et de Fort-de-France bénéficient très rapidement des infrastructures qui leur permettront de récupérer les gros porteurs. Dans ce domaine, je redoute les lenteurs administratives pour les avis de commissions ou la publication des décrets, et j'espère que nous ne nous laisserons pas déborder par l'aéroport de Miami.

Savez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, que, parce que les aéroports de Pointe-à-Pitre et de Fort-de-France ne jouent pas leur rôle d'éclatement, les élus français sont obligés de passer par Miami pour aller à Trinidad ?

Savez-vous que nous avons été interpellés à plusieurs reprises pour entrer dans le capital des infrastructures de la petite zone ? Or nous ne l'avons jamais fait ! C'est la raison pour laquelle je suis persuadée que le rôle des régions ultrapériphériques, qui est reconnu par l'Europe dans le projet de Constitution européenne, nous permettra d'accélérer le processus de libéralisation des aéroports.

Monsieur le secrétaire d'Etat, il faut reconnaître très clairement - vous l'avez fait à l'Assemblée nationale - les spécificités de l'outre-mer : nos aéroports ne sont pas des aéroports de province ; ils ont une dimension beaucoup plus large. Par ailleurs, il faut obtenir très rapidement des CCI les assurances qui permettront aux collectivités territoriales, dans le cadre du nouveau contrat de plan, d'évaluer les investissements indispensables à mettre sur pied, afin de permettre aux aéroports français de jouer leur rôle d'éclatement.

En outre - et c'est ma préoccupation fondamentale - grâce à ses aéroports et à ses ports, la France doit continuer, dans le cadre des accords de Cotonou, à jouer le rôle moteur qui a toujours été le sien et qui, ajouté au respect de la libre circulation des hommes qu'elle a toujours professé, lui a conféré une image de grandeur dans la zone qui nous entoure.

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