Intervention de François Goulard

Réunion du 31 mars 2005 à 9h30
Aéroports — Adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture

François Goulard, secrétaire d'Etat :

Parfaitement, monsieur Reiner !

Par conséquent, quand vous dites que les collectivités locales pourront faire ce qu'elles voudront au terme du processus de régionalisation, cela est évident, sinon quel sens faudrait-il donner à la responsabilité locale et à la décentralisation ? Mais, bien sûr, elles devront le faire dans le respect des lois qui sont très précises.

Il s'agit de déléguer un grand service public, et de rien d'autre. Les textes en la matière sont précis, et les collectivités locales feront ce qu'elles voudront, à condition que cela profite aux usagers des aéroports et favorise le développement économique régional.

Quant au renvoi à des décrets, que vous critiquez, monsieur le sénateur, je vous rappelle que ce sont les articles 34 et 37 de la Constitution qui s'appliquent : c'est tout à fait normal s'agissant d'un texte technique comme celui dont nous discutons.

Par ailleurs, pour ce qui est des plus-values immobilières, dont vous prétendez qu'elles vont enrichir les intérêts privés, je rappellerai qu'elles enrichiront surtout l'Etat, qui reste majoritaire dans le capital d'ADP ! En outre, pour avoir lu très attentivement le texte, vous savez sans doute qu'au moins 70 % de ces plus-values reviennent, d'après la loi, à l'Etat. Aucune atteinte n'est donc portée aux intérêts patrimoniaux de l'Etat.

Concernant le critère à retenir pour les aéroports régionaux, nous n'avons jamais dit que ce dernier devait être fondé sur le taux de fréquentation ; je pense à la prétendue règle du million d'usagers.

Certes, nous avons affirmé qu'étaient concernés par ce décret les aéroports les plus importants. En disant cela, nous voulions parler des plus importants de par leur impact ou leur effet structurant - le terme a été employé à plusieurs reprises - tant il est vrai que les aéroports n'ont pas tous la même incidence sur un territoire donné. C'est ainsi que l'impact de l'aéroport du chef-lieu de région, de la capitale régionale, est sans doute plus fort que celui d'un aéroport qui enregistre le même trafic, mais qui, lui, n'a pas ce statut d'aéroport essentiel pour une région. Par conséquent, le critère ne saurait être strictement numérique.

Quant aux redevances aéroportuaires, elles restent et resteront fixées par l'Etat. Le contrat dont il est question est conclu avec l'Etat, la puissance publique ne se départissant en rien de ses compétences dans ce domaine.

Madame Michaux-Chevry, vous avez eu raison de souligner qu'il s'agit d'un texte de modernisation.

Vous avez, à juste titre, insisté sur les problèmes rencontrés par les aéroports dans les départements d'outre-mer, et je partage votre vision concernant le caractère à la fois régional, international et stratégique de ces aéroports. Il s'agit d'un point essentiel que nous avons parfaitement présent à l'esprit.

A propos des personnels navigants, vous avez également raison de souligner que la voie à suivre est celle de l'harmonisation européenne, voie qui est d'ores et déjà engagée, afin de faire en sorte que le statut, les garanties et les exigences concernant les personnels navigants soient homogènes au moins sur le territoire européen, à défaut de l'être au niveau mondial.

S'il existe, c'est vrai, des conventions internationales assez rassurantes concernant la qualification des personnels, il reste que notre niveau d'exigence, vous l'avez dit, est beaucoup plus élevé. Il est donc souhaitable que l'Europe, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, procède à cette harmonisation ; il en va du bien non seulement des personnels navigants, mais aussi de l'ensemble des usagers du transport aérien.

Effectivement, les grands aéroports d'outre-mer sont des moyens privilégiés de désenclavement de ces régions et nous accorderons une attention toute particulière au capital des futures sociétés aéroportuaires des départements d'outre-mer. Il n'est évidemment pas question que l'Etat se désengage en quoi que ce soit, eu égard, en particulier, aux objectifs, que vous avez rappelés, madame la sénatrice, de développement international, de développement régional et d'intérêt stratégique.

Nous sommes très ouverts, si tel est le souhait à la fois de la chambre de commerce de Guadeloupe et des élus, à une prolongation de l'actuelle concession. Il s'agit en fait de trouver les solutions les plus adaptées à la situation particulière de ce grand aéroport ; cela vaut d'ailleurs également pour les autres. Certaines échéances de concession s'inscrivant dans des durées variables, nous allons faire en sorte, pour les concessions aux échéances les plus rapprochées qui ont encore des investissements à réaliser, que la prolongation nécessaire intervienne de façon que ces investissements se fassent dans les meilleures conditions possible.

Il est vrai que les chambres de commerce et d'industrie d'outre-mer, comme c'est d'ailleurs le cas en métropole, ont joué un rôle très positif dans la gestion de nos aéroports, que nous considérons aujourd'hui, comme cela a toujours été le cas, de qualité. Il convient, en effet, de mettre en place dans nos départements d'outre-mer de véritables hubs de la Caraïbe, pour reprendre votre expression, madame la sénatrice.

Oui, nous avons un rôle particulier à jouer dans cette région du monde grâce à nos départements d'outre-mer et grâce à nos plates-formes aéroportuaires.

Enfin, pour ce qui est de l'A380, sa mise en service est prévue vers 2010 concernant les liaisons avec les Antilles. Bien évidemment, des investissements seront nécessaires afin d'adapter les aéroports à ce gros porteur qui devrait représenter un réel progrès quant aux conditions économiques de la desserte de ces aéroports.

Monsieur Soulage, vous avez, à juste titre, mis l'accent sur l'équilibre, qui constitue l'un des objectifs majeurs du texte. Vous avez eu raison de rappeler que, grâce à un amendement sénatorial, la durée des concessions a été portée de vingt à quarante ans en cas de création de sociétés aéroportuaires.

Pour ce qui est du capital des sociétés aéroportuaires, je vous confirme que nous souhaitons une présence forte et durable à la fois des chambres de commerce et d'industrie - ce qui correspond à ce que je disais à l'instant sur la qualité reconnue de leur gestion - et des collectivités territoriales - il s'agit là, selon moi, d'une des grandes avancées de ce texte - afin de permettre leur implication dans les organes de décision des sociétés aéroportuaires.

L'Etat participera au capital, aux côtés des chambres de commerce et d'industrie et des collectivités territoriales, afin de constituer de manière durable un noyau public dur, susceptible de concilier les besoins de financement, les nécessités relatives au dynamisme économique et commercial et les besoins d'intérêt général au service de nos régions.

Nous avons de ce point de vue, me semble-t-il, monsieur le sénateur, une vision commune : il n'y aura aucune précipitation, aucune remise en cause d'un fonctionnement considéré comme plus que satisfaisant. Notre objectif est simplement de prévoir une loi souple, une loi ouverte, une loi évolutive, une loi permettant dans le futur les évolutions nécessaires ; je pense en particulier au financement des investissements qui se révéleront au fil du temps indispensables dans tous nos aéroports.

Enfin, en matière de décentralisation, je voudrais apporter une précision sur le processus qui est en cours concernant l'attribution aux collectivités territoriales des aéroports visés par la loi relative aux libertés et responsabilités locales du 13 août 2004.

Il n'est aucunement question de décision arbitraire, qui serait imposée, visant à confier autoritairement à telle ou telle collectivité un aéroport ou un aérodrome dont elle ne voudrait pas. Ce processus doit se faire dans la plus totale concertation. Nous nous apprêtons d'ailleurs très prochainement à adresser aux préfets une circulaire leur précisant l'esprit qui doit présider à ce travail en commun avec les collectivités.

Monsieur Marsin, je crois avoir déjà répondu aux questions portant sur le capital des sociétés aéroportuaires. Cela dit, nous avons bien conscience que les départements d'outre-mer présentent à cet égard des spécificités et nécessitent donc une présence publique plus affirmée.

La prolongation de la concession de la chambre de commerce et d'industrie est tout à fait envisageable, je l'ai déjà dit.

Vous avez évoqué deux autres points, la continuité territoriale et le coût du transport aérien, sujets quelque peu différents de ceux dont traite le présent projet de loi mais néanmoins très proches.

Comme vous le savez, la dotation de continuité territoriale pour les départements d'outre-mer s'élève à 20 millions d'euros - la somme est, certes, de 30 millions d'euros au total, mais de 20 millions d'euros exactement pour les départements - et des mesures sociales ont d'ores et déjà été adoptées qui, je crois, sont fort appréciées. La question du coût du transport aérien relève bien évidemment du domaine économique.

Il faut faire jouer la concurrence de telle sorte qu'une pression à la baisse s'exerce sur les prix. Elle n'est sans doute pas entièrement satisfaisante dans tous les départements et territoires d'outre-mer. Nous sommes attentifs à ce problème et considérons que des mesures sociales devraient accompagner cet équilibre de marché, qui ne permet pas toujours d'obtenir des prix satisfaisants. Nous suivons d'ailleurs de près ce sujet avec tous les élus d'outre-mer.

La compensation des nuisances aéroportuaires est une disposition qui s'applique à l'ensemble de nos aéroports, quelle que soit leur situation sur le territoire national. Pour l'obtenir, des conditions objectives doivent être remplies, y compris l'existence de 20 000 mouvements d'aéronefs de plus de vingt tonnes. Ces conditions n'étant pas remplies par les aéroports de Guadeloupe et de Martinique, la compensation ne peut pas avoir lieu.

Je répondrai à M. Angels que ce texte n'affecte en rien l'ensemble des dispositions en vigueur et que les questions environnementales relèvent totalement de la compétence de l'Etat. La navigation aérienne, je le disais précédemment, reste donc de l'entière responsabilité de l'Etat. Cela signifie que l'Etat est toujours maître de la circulation, en particulier en région parisienne, et que l'exploitant de l'aéroport est étranger à ces décisions.

Ce sujet, extrêmement important pour nos compatriotes d'Ile-de-France et, d'une façon générale, pour les riverains de tous les aéroports, continuera à être traité par les textes actuels. Le dialogue avec les riverains se poursuivra. Il a progressé et la direction générale de l'aviation civile y est sans doute plus sensible qu'autrefois.

Je rappelle que les commissions consultatives de l'environnement ne sont pas seulement maintenues : leur compétence est étendue, au-delà des nuisances sonores, à l'ensemble des questions environnementales, ce qui paraît souhaitable. Les communautés aéroportuaires ne sont pas affectées par ce texte. Ayant déjà répondu à la question du futur décret, je n'y reviendrai pas.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les précisions que je souhaitais apporter à l'issue de la discussion générale.

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