Intervention de Hélène Luc

Réunion du 31 mars 2005 à 9h30
Aéroports — Exception d'irrecevabilité

Photo de Hélène LucHélène Luc :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis dans cet hémicycle, quatre mois après la première lecture, pour débattre du projet de loi relatif aux aéroports. Force est de constater que ce texte n'a pratiquement pas évolué.

Le Gouvernement cherche clairement à atteindre son objectif, qui va bien au-delà d'un simple changement de statut juridique des aéroports en permettant la mise en oeuvre d'autres critères de gestion, ceux de la rentabilité et du profit, dans le fonctionnement d'une entreprise assurant des missions de service public.

D'ailleurs, il ne s'en cache pas puisque le projet de loi acte le désengagement de l'Etat du secteur aérien avec, à terme, même si vous vous en défendez, monsieur le secrétaire d'Etat, la privatisation d'ADP.

Je suis intervenue à plusieurs reprises au sein de cette assemblée pour protester contre toute décision préjudiciable à la qualité du transport aérien. J'ai été soutenue dans ma démarche par les présidents des conseils généraux du Val-de-Marne, de l'Essonne, de Seine-Saint-Denis et du Val-d'Oise.

Derrière le changement de statut de ces aéroports s'affirme en effet le glissement d'une logique de service public, de cohésion sociale à celle de la libre concurrence.

L'abandon du statut d'établissement public d'ADP au profit de celui de société anonyme ne répond pas à des impératifs d'intérêt général. De plus, il intervient à un moment où les résultats financiers sont plutôt bons, comme en témoigne la hausse du chiffre d'affaires et du résultat d'exploitation d'ADP.

Nous ne sommes pas plus convaincus par vos arguments, monsieur le secrétaire d'Etat, que lors de la première lecture du texte par le Sénat. Je dirai même que, depuis, nos convictions se sont renforcées. Les idées que vous avancez pour justifier l'ouverture du capital d'ADP sont contestables. Les besoins de financement de cette entreprise auraient pu être satisfaits différemment.

Par exemple, le Gouvernement aurait pu envisager une recapitalisation ou la création d'un pôle bancaire et financier public pour répondre aux futurs besoins. Cette solution aurait eu l'avantage de ne pas fragiliser l'établissement tout en préservant son statut, c'est-à-dire de ne pas hypothéquer l'avenir.

En choisissant l'option libérale, monsieur le secrétaire d'Etat, vous prenez le risque de la fuite en avant pour assouvir les appétits des marchés financiers - on en parle beaucoup en ce moment à propos de la Constitution européenne - via la diminution des coûts, l'accroissement de la productivité, le développement de la sous-traitance, la précarisation du personnel et, par ricochet, l'amoindrissement de la sécurité.

Revenons-en au texte lui-même et aux dispositions qu'il contient. Au-delà des articles aussi lapidaires qu'inquiétants qui le constituent, ce projet de loi est extrêmement lourd de conséquences. Il s'agit bien là d'un texte qui s'inscrit dans le cadre de la déréglementation européenne des services publics de transport aérien.

Cette libéralisation du service public aéroportuaire pose de lourdes questions en termes d'aménagement du territoire, de maîtrise foncière, d'environnement, d'avenir financier des collectivités locales riveraines, de protection et de sécurité, de transparence, de démocratie, domaines qui relèvent tous de la responsabilité de l'Etat.

Ces enjeux auraient mérité un débat d'ampleur avec l'ensemble des acteurs concernés : salariés, riverains, élus, associations.

Il est d'ailleurs intéressant de noter que, dans les autres pays, la question de la propriété des installations aéroportuaires a suscité d'importants débats, notamment aux Etats-Unis - et on ne peut pas les soupçonner d'être le fer de lance du « tout public » - qui ont abouti à ce que les aéroports demeurent des propriétés publiques.

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