Intervention de Jean Desessard

Réunion du 31 mars 2005 à 9h30
Aéroports — Question préalable

Photo de Jean DesessardJean Desessard :

Le second argument porte sur les besoins de fonds propres pour moderniser ADP, en particulier la plateforme de Roissy. Dans le statut actuel, ADP doit recourir à l'emprunt pour réaliser ses investissements, ce qui implique des frais financiers importants.

Prenons le temps d'analyser les économies qui seraient réalisées dans le cadre du changement de statut.

Premier cas de figure : l'Etat reste majoritaire quasiment à 100 % dans la future société anonyme. C'est donc lui qui avance les fonds. Alors, pourquoi ne le fait-il pas aujourd'hui ?

Second cas de figure : la part des capitaux privés est importante dans la future SA, ce qui entraîne effectivement une économie sur les frais bancaires. Mais, dans ce cas, il ne faut pas oublier de rémunérer les actionnaires, et l'actualité économique de cette dernière semaine a montré qu'ils étaient particulièrement voraces. Il n'est donc pas certain que la rémunération des actionnaires soit moins importante que le remboursement des emprunts garantis par l'Etat, d'autant que, pour attirer ces actionnaires, le projet de loi prévoit de céder le patrimoine foncier à la future SA.

En résumé, les investissements futurs seront en réalité financés par la vente du domaine public d'ADP.

Qu'un Etat en situation financière difficile ou lourdement endetté vende le patrimoine pour faire face à ses responsabilités n'est pas nouveau. Mais alors pourquoi baisser les impôts ? Si la crise est si importante, pourquoi se priver de recettes fiscales ?

Cette volonté de céder le patrimoine correspond davantage à une position idéologique libérale et est contraire à toute logique financière rigoureuse.

La privatisation d'ADP pose également deux problèmes importants : celui de l'aménagement du territoire et celui du respect de l'environnement.

Privatiser ADP signifie que c'est la logique de rentabilité économique qui primera. ADP aura un développement économique autonome, alors qu'un développement complémentaire et harmonieux avec celui des autres aéroports régionaux est absolument nécessaire à la cohérence de gestion que l'Etat doit maintenir entre les différents aéroports.

Cette volonté de cohérence doit s'exercer entre tous les moyens de transport. Pour assurer la fluidité de circulation au niveau du territoire, il faut prévoir une complémentarité entre le train et l'avion et non pas laisser se développer une concurrence, à terme contre-productive. Les transports français ont besoin de schémas directeurs qu'il sera impossible de mettre en place en privatisant ADP.

Parlons des problèmes d'environnement.

J'ai entendu le président d'ADP qui projette de capter de nouveaux marchés au détriment des autres aéroports européens. Je ne partage pas cette volonté de développement effréné. Il ne se passe pas une semaine sans que le Président Jacques Chirac prenne position pour la défense de l'environnement, en particulier en s'inquiétant du réchauffement climatique dû aux gaz à effet de serre. Mais de telles déclarations sont démagogiques si elles ne s'accompagnent pas de mesures concrètes et efficaces.

Nous savons tous que le transport aérien est particulièrement polluant et qu'il contribue fortement à l'augmentation des gaz à effet de serre, et donc au réchauffement climatique.

Le respect du protocole de Kyoto, cette volonté écologique de développement raisonnable du transport aérien, est-elle compatible avec la volonté de rentabilité et de développement qu'implique la privatisation d'ADP ?

Et je n'insiste pas sur les nuisances sonores qu'entraînera pour les riverains d'ADP un accroissement du trafic.

En conclusion, nous aurions pu moderniser le statut d'établissement public, par exemple en instituant un statut d'établissement public à vocation internationale. Au contraire, nous bradons le patrimoine. ADP s'inscrira dans une logique de rentabilité économique, alors que le respect de l'environnement, de l'aménagement du territoire, et des riverains, aussi, tout comme la complémentarité entre le rail et l'avion exigent un développement maîtrisé et harmonieux.

Aujourd'hui, par ce projet de loi, l'Etat abandonne sa responsabilité de régulateur. C'est pourquoi nous vous demandons, chers collègues, d'adopter cette motion tendant à opposer la question préalable.

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