L'article 1er transformant l'établissement public Aéroports de Paris en société anonyme ayant été adopté conforme par l'Assemblée nationale, il ne nous est plus possible de discuter du statut juridique d'ADP. Nous le regrettons vivement, car nous ne comprenons toujours pas le motif de ce choix. Les arguments que vous avancez ne nous paraissent pas recevables.
Le principe de spécialité empêcherait ADP de diversifier ses activités. C'est juridiquement vrai, puisque l'objet social d'ADP, tel qu'il a été voulu par le législateur, est d'abord de construire, d'aménager, de développer et d'exploiter les aéroports d'Ile-de-France. Mais ce qu'une loi a fait, une autre loi peut le défaire. Vous auriez donc pu vous contenter de modifier l'objet social d'ADP, d'assouplir le principe de spécialité, voire de transformer ADP en société d'économie mixte.
En réalité, vous voulez non pas assouplir le principe de spécialité, mais le supprimer. Nous ne pouvons pas vous suivre, car nous ne pensons pas qu'il faille banaliser les activités liées aux services aéroportuaires et les mettre au même niveau que les autres activités que pourrait développer ADP. Il y a là un risque évident de conflits, que nous avions d'ailleurs souligné, notamment notre rapporteur, en première lecture. Nous reviendrons sur cette question importante, que nous retrouverons à l'article 6, au travers de divers amendements.
S'agissant de l'argument financier, c'est-à-dire le manque d'argent pour financer les investissements, c'est votre problème, budgétaire !
Si nous ne pouvons plus revenir sur le statut d'ADP, peut-être est-il encore temps de préserver la domanialité publique. Là encore, nous ne comprenons pas le choix du Gouvernement. A ce propos, monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'avez pas répondu à mon observation sur la complexité des différents systèmes.
Tandis que la domanialité publique est maintenue pour les grands aéroports régionaux au nom de la préservation des missions de service public, vous faites le choix inverse pour les deux plus grands aéroports français, dont l'intérêt stratégique est patent. Vous justifiez ce choix par le souci de répondre à une demande des salariés d'ADP. Ce serait bien la première fois que vous vous préoccupez de l'intérêt des salariés ! Nous ne pouvons croire que le passage à la domanialité privée soit une garantie du maintien de l'intégrité de l'entreprise.
Vous savez fort bien que ce texte permet - c'est la mode, en ce moment ! - la vente à la découpe d'un certain nombre de biens d'ADP : une douzaine d'aérodromes sont concernés et il est clair que certains d'entre eux risquent d'être fermés. Par ailleurs, les mécanismes de contrôle de cessions d'actifs prévus à l'article 6 ne sont pas totalement sans faille, comme l'a noté en première lecture M. Collin, rapporteur pour avis de la commission des finances, puisque ceux-ci dépendent essentiellement du contenu d'un cahier des charges.
Vous justifiez également ce choix par l'intérêt des compagnies aériennes : le passage à la domanialité privée serait plus protecteur que le maintien de la domanialité publique, celle-ci limitant les possibilités d'une emprise durable sur les terrains. Mais alors, comment expliquez-vous que le président d'Air France ait tenu à alerter nombre d'entre nous, toutes tendances politiques confondues, sur les dangers de la suppression de la domanialité publique pour le bon accomplissement des missions de service public ?
En fait, cela a été dit et répété - et il faudra encore le redire - vous êtes prêts à tout pour attirer des actionnaires privés, quitte à déclasser le domaine aéroportuaire. Il s'agit tout simplement de « valoriser la société », de multiplier les profits potentiels pour les investisseurs à venir, comme le prouve l'un des amendements adoptés à l'Assemblée nationale. Tout à l'heure, j'ai évoqué l'aggravation du texte par l'Assemblée nationale. Il a été précisé que seuls les ouvrages affectés au service public aéroportuaire pouvaient être qualifiés de « publics ». De ce fait, vous revenez sur la jurisprudence administrative selon laquelle les ouvrages ouverts au public sont aussi des ouvrages publics.
Il est donc clair - nous y reviendrons dans un amendement de repli - que vous déniez aux parkings des aéroports la qualité d'ouvrages publics. Or leur raison d'être est totalement liée au bon accomplissement de missions de service public puisqu'ils conditionnent essentiellement l'accès aux aéroports. Il s'agit de ne pas les soumettre à la compétence du juge administratif et, surtout, aux régimes de responsabilité plus protecteurs en cas de dommage. De telles « contraintes » ne permettraient pas une valorisation optimale des biens ; nous y reviendrons.
Enfin, le texte issu de l'Assemblée nationale prévoit, et c'est une nouveauté, que l'incidence financière de la convention conclue entre l'Etat et Aéroports de Paris pour achever le remboursement des investissements faits par ADP pour le compte de l'Etat sera traitée dans la prochaine loi de finances.
Selon les rapporteurs de l'Assemblée nationale, la créance de l'Etat serait de l'ordre de 150 millions d'euros. Il n'est pas question pour nous de critiquer cette remise à plat des comptes entre ADP et l'Etat. Mais si cette créance est remboursée en une seule fois - pour attirer les actionnaires, les comptes doivent être clairs ! -, cela ne se fera-t-il pas aux dépens de nouveaux moyens consacrés à la navigation aérienne dans le prochain budget, ce qui serait inacceptable ?
En conclusion, l'Etat doit garder la pleine propriété des biens nécessaires à l'activité aéroportuaire et pas seulement, comme le prévoit l'article 2 dans une rédaction peu précise, « de ceux qui sont nécessaires à l'exercice par l'Etat ou ses établissements publics de leurs missions de service public concourant à l'activité aéroportuaire ».
Tous ces arguments justifient notre opposition à cet article 2 et ils valent aussi pour l'article 1er, qui a été voté conforme par l'Assemblée nationale.