Intervention de Michel Billout

Réunion du 31 mars 2005 à 9h30
Aéroports — Article 2

Photo de Michel BilloutMichel Billout :

L'article 2 déclasse des biens du domaine public d'une valeur inestimable, et inestimée, dans aucun rapport parlementaire, pour les transférer purement et simplement à la société anonyme Aéroports de Paris.

Les 6 643 hectares de patrimoine foncier sont un véritable cadeau fait par le Gouvernement à cette nouvelle société et, surtout, à ses actionnaires. Même si, dans un premier temps, l'Etat reste majoritaire, il y a fort à parier que de nombreux actionnaires le rejoindront bientôt au sein du capital d'Aéroports de Paris.

A votre avis, monsieur le secrétaire d'Etat, les investisseurs intéressés par ADP seront-ils plutôt attirés par le service public aéroportuaire ou par le potentiel des biens transférés ? La réponse semble évidente et je pense que vous y avez réfléchi.

En ce qui concerne la valeur du patrimoine que le Gouvernement a décidé de déclasser, à défaut d'informations précises, le chiffre de 8 milliards d'euros en valeur d'acquisition circule. A combien estimez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, le montant du patrimoine foncier et immobilier que vous envisagez de déclasser et de transférer à la société anonyme ADP ? Cette question me semble importante.

Etes-vous en mesure de nous dire de quel apport financier va bénéficier la société ADP en vertu du déclassement lié à son changement de statut ?

Tiendrez-vous le législateur moins informé que l'investisseur qui sera désireux de placer son capital dans ADP ?

Le déclassement est une notion juridique bien utile, mais surtout bien pudique. On confie de cette manière à ADP, société privée - ou en voie de le devenir - un rôle d'aménageur, puisqu'elle disposera d'un potentiel foncier très important. D'ores et déjà, les communes qui possèdent sur leur territoire des parcelles propriété d'ADP sont l'objet de pressions pour faire classer ces zones en terrains aménageables ; je pourrais vous citer des exemples.

Ainsi, cette disposition ne peut se comprendre qu'à l'aune de l'élargissement des activités d'ADP et, plus précisément, de l'extension de ses compétences en matière non aéroportuaire.

Le déclassement du domaine public comporte alors le risque non négligeable de la valorisation à tout prix des territoires et du fleurissement de projets de grands centres commerciaux aux abords des aéroports, comme c'est déjà le cas à Roissy.

Au mépris des territoires, de leur aménagement, de leur cohésion, de leur équilibre, vous avez choisi le principe de la domanialité privée, contrairement à ce qui se pratique ailleurs, notamment aux Etats-Unis, le pays modèle et inspirateur de toutes les réformes de portée libérale. Il y a quand même une certaine incompréhension. En effet, les Etats-Unis ont choisi de conserver le principe de la domanialité publique. Cette solution a également été retenue par l'Etat néerlandais, qui met gratuitement les terrains de l'aéroport de Schiphol à la disposition de la société gestionnaire Schiphol group.

Le gouvernement français lui, n'a aucun scrupule pour faire reculer, une nouvelle fois, les prérogatives de la puissance publique. La domanialité publique est pourtant la garantie nécessaire du contrôle de l'Etat sur les infrastructures nationales du territoire, de leur bonne affectation à l'accomplissement du service public.

Au-delà, de sérieuses questions de sécurité sont posées par le passage à la domanialité privée. Je pense, en particulier, à l'accès de l'Etat aux portes d'entrée sur le territoire national. C'est d'ailleurs cette considération qui avait justifié la création d'ADP sous forme d'établissement public.

Enfin, l'article 2 vise à préciser que les biens du domaine public nécessaires à l'exercice des missions de service public aéroportuaire par l'Etat ou ses établissements publics ne sont pas concernés par ce transfert. Ces dispositions soulèvent de nombreuses questions. Que faut-il entendre par missions de service public ? Le texte renvoie au cahier des charges qui sera défini ultérieurement par le Conseil d'Etat. Que faut-il entendre par biens du domaine nécessaires à l'exercice du service public ? Encore une fois, le texte renvoie au cahier des charges.

Décidément, ce texte, qui contient des enjeux majeurs, reste, paradoxalement, désespérément flou.

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