Intervention de Nora Berra

Réunion du 16 juin 2011 à 9h30
Soins psychiatriques — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte que vous examinez aujourd’hui en deuxième lecture vise, je le rappelle, à réformer la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation.

Les fondements de cette loi de 1990 ne sont pas controversés et nous tenons à les préserver. Ils prévoient en effet que les soins psychiatriques libres sont la règle et que, par exception, sont prévues des hospitalisations sous contrainte lorsque l’état du patient le justifie.

Le projet de loi permet que ces prises en charge comprennent des soins ambulatoires et pas seulement l’hospitalisation complète. Une telle mesure est favorable à l’alliance thérapeutique que le médecin recherche toujours avec son patient.

Le projet de loi permet aussi qu’une personne isolée puisse être soignée, en cas de péril imminent, même lorsqu’il n’est pas possible de recueillir la demande d’un proche.

Ces dispositions essentielles, qui renforcent les droits et les libertés des patients, vous les avez approuvées en première lecture et elles n’ont pas été modifiées par l’Assemblée nationale.

Je rappelle également que le texte apporte un soin particulier à la situation de certains patients atteints de troubles très spécifiques, pour lesquels les dangers liés à une rechute paraissent plus sérieux : il s’agit des patients qui sont hospitalisés d’office – ou qui l’ont été depuis moins de dix ans – soit pour irresponsabilité pénale, soit en unité pour malades difficiles.

Pour ces patients, dont le nombre est extrêmement limité, le projet de loi prévoit d’étayer la demande de sortie par un avis collégial et pluriprofessionnel. Là encore, il s’agit d’une disposition importante, qui fait l’objet d’un consensus entre les deux assemblées.

Vous avez souhaité supprimer le caractère explicite de la décision du préfet saisi d’une demande de sortie de courte durée de tels patients. Votre position a été confirmée par l’Assemblée nationale.

Enfin, l’Assemblée nationale a pris des positions identiques aux vôtres concernant la réponse à la question prioritaire de constitutionnalité de novembre dernier. Il s’agit, je vous le rappelle, de soumettre au contrôle systématique du juge des libertés et de la détention le bien-fondé des hospitalisations complètes sous contrainte dès lors que la durée de ces dernières excède quinze jours, puis six mois. Cette saisine automatique s’ajoute à la saisine facultative, exercée à tout moment par la personne soignée.

Il en est de même pour la question de l’unification du contentieux que M. René Lecerf, rapporteur de la commission des lois, a souhaité introduire, et dont l’Assemblée nationale a précisé la portée.

Désormais, le texte prévoit en effet que le juge des libertés et de la détention sera compétent pour statuer uniquement sur les irrégularités des décisions administratives de placement, de prolongation et de renouvellement. Pour leur part, les demandes d’indemnisation seront faites devant le tribunal de grande instance. Cette précision semble opportune, le tribunal de grande instance étant, en effet, naturellement compétent en cette matière.

Le Gouvernement ne peut que saluer cette ligne convergente entre vos deux assemblées et les améliorations que chacune d’entre elles a apportées à ce jour.

L’examen en deuxième lecture par le Sénat de ce texte permettra d’étudier la réponse à la question prioritaire de constitutionnalité rendue par le Conseil constitutionnel le 9 juin dernier.

Dans cette décision, le Conseil constitutionnel a indiqué tout d’abord que l’hospitalisation d’office ne pouvait être maintenue au-delà de quinze jours sans intervention d’une juridiction de l’ordre judiciaire. Il s’agit d’une décision similaire à celle qu’il avait prise en novembre dernier, qui concernait uniquement les personnes hospitalisées à la demande d’un tiers.

Le texte que vous avez examiné jusqu’à présent répond à cette demande du Conseil constitutionnel, puisque nous avons appliqué le principe de la saisine automatique aux deux types de mesures : mesure prise par le directeur et mesure prise par le préfet.

Dans sa décision du 9 juin, le Conseil constitutionnel a également relevé que, contrairement à l’hospitalisation sans consentement, si le certificat médical établi dans les vingt-quatre heures suivant l’admission ne confirme pas que l’intéressé doit faire l’objet de soins en hospitalisation, la législation en vigueur ne prévoit aucun réexamen de la situation de la personne hospitalisée de nature à assurer que l’hospitalisation d’office est nécessaire.

Le Conseil constitutionnel a jugé que, en l’absence d’une telle garantie, cette disposition de la loi de 1990 n’assure pas que l’hospitalisation d’office est réservée aux cas dans lesquels elle est adaptée, nécessaire et proportionnée à l’état du malade ainsi qu’à la sûreté des personnes ou à la préservation de l’ordre public.

Il a, en conséquence, déclaré contraire à la Constitution l’ensemble de l’article L. 3213-1 du code de la santé publique et a fixé au 1er août 2011 la prise d’effet de la déclaration d’inconstitutionnalité.

Le Gouvernement, entendant préciser ce point, a donc déposé un amendement à ce sujet. Il souhaite que le rappel de ce principe ait une portée générale et qu’ainsi, à tout moment au cours d’une hospitalisation complète d’office – et pas seulement à l’entrée –, le préfet mette fin à la mesure ou la transforme en forme alternative à l’hospitalisation complète dès lors qu’il en reçoit la demande par le psychiatre de l’établissement et que cette demande est confirmée par un deuxième avis.

Le Gouvernement souhaite également étendre ce principe aux personnes hospitalisées pour irresponsabilité pénale et aux personnes soignées en unité pour malades difficiles, dans le respect des procédures particulières de sortie prévues par le projet de loi.

De telles dispositions complètent le principe de saisine automatique du juge des libertés et de la détention, déjà prévu dans le texte, lorsque le psychiatre propose la fin de la mesure sous forme d’hospitalisation complète – ce que l’on a appelé une « sortie sèche » – et que le préfet ne suit pas cet avis.

L’articulation entre les deux principes aboutira à ceci : lorsque les deux avis médicaux sont concordants pour une sortie, celle-ci sera ordonnée par le préfet ; lorsqu’ils sont divergents, c’est-à-dire lorsque la proposition de sortie émise par le psychiatre n’est pas confirmée par son confrère, alors, si le préfet n’ordonne pas la sortie, le cas sera soumis au contrôle systématique du juge des libertés et de la détention.

La mise en œuvre concrète de ce nouveau dispositif fera l’objet de l’attention toute particulière du Gouvernement : elle sera suivie et évaluée en continu, notamment au travers des travaux des commissions départementales des soins psychiatriques, les CDSP.

Par ailleurs, et comme je l’ai dit à plusieurs reprises, la psychiatrie a besoin non pas seulement de mesures législatives et réglementaires, mais aussi de sens et de grandes orientations quant à son devenir, pour que les acteurs de terrain réfléchissent ensuite aux dispositifs les mieux adaptés aux spécificités locales. Notre pays doit rediscuter des grands objectifs de la psychiatrie et des axes nationaux d’amélioration prioritaires ; nombre d’entre eux ont d’ailleurs été abordés au cours des débats parlementaires.

Je veux que les personnes qui entrent dans la maladie soient aidées et soignées plus rapidement qu’aujourd’hui. Je veux que les ruptures de prise en charge diminuent et que les aidants soient mieux accompagnés. Je veux que les situations d’urgence psychiatrique trouvent, en tout endroit du territoire national, une réponse adaptée.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion