Intervention de Jean-Louis Lorrain

Réunion du 16 juin 2011 à 9h30
Soins psychiatriques — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Louis LorrainJean-Louis Lorrain, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le Sénat est appelé à examiner, en deuxième lecture, le projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.

Ce texte, attendu depuis longtemps, apporte des modifications essentielles aux règles actuelles de l’hospitalisation sous contrainte.

Il tend à dissocier l’obligation de soin et les modalités des soins, en prévoyant la possibilité pour des patients de faire l’objet de soins sans leur consentement sous une autre forme que l’hospitalisation complète. Après une période d’observation d’une durée maximale de soixante-douze heures, le directeur de l’établissement ou le préfet, selon le régime sous lequel la personne a été admise en soins sans consentement, décidera de la forme de la prise en charge.

Les soins sous une autre forme que l’hospitalisation complète incluront des soins ambulatoires et pourront comporter des soins à domicile et, le cas échéant, des séjours effectués dans un établissement habilité à recevoir des personnes hospitalisées sans leur consentement.

Le projet de loi, pour répondre aux exigences formulées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 26 novembre 2010, introduit une saisine obligatoire du juge des libertés et de la détention sur toutes les mesures d’hospitalisation sans consentement. Celui-ci devra se prononcer dans les quinze jours de l’admission, puis tous les six mois.

Le texte prévoit, en outre, une procédure renforcée pour la levée des soins sans consentement lorsqu’elle concerne des personnes ayant séjourné en unité pour malades difficiles ou ayant fait l’objet d’une déclaration d’irresponsabilité pénale. Le préfet et le juge, lorsqu’ils statueront sur le sort de ces personnes, devront recueillir l’avis d’un collège composé de deux psychiatres et d’un membre de l’équipe pluridisciplinaire, ainsi que deux expertises psychiatriques.

Pour prendre en compte la situation des personnes isolées, le projet de loi crée une nouvelle procédure d’admission en soins sans consentement en cas de péril imminent. Cette procédure permettra une hospitalisation en l’absence de tiers demandeur sur la base d’un seul certificat médical.

Les travaux parlementaires ont permis de préciser de nombreux points et d’apporter des compléments utiles au projet de loi.

Ainsi, en première lecture, l’Assemblée nationale a prévu un « droit à l’oubli » pour les personnes ayant séjourné en unité pour malades difficiles ou ayant fait l’objet d’une déclaration d’irresponsabilité pénale, afin que la procédure renforcée ne leur soit plus applicable après une certaine durée. Elle a aussi prévu une saisine du juge des libertés et de la détention en cas de désaccord entre le médecin et le préfet sur la levée d’une mesure d’hospitalisation complète.

De son côté, le Sénat a apporté des précisions à la notion de soins hors de l’hôpital sans le consentement du patient. Il a notamment remplacé la notion de « protocole » de soins par celle de « programme » de soins. Il a en outre fait référence à des lieux de soins plutôt qu’à des formes de soins. Il a précisé les conditions d’élaboration et de modification du programme de soins, en instituant un entretien entre le psychiatre et le patient.

Par ailleurs, la Haute Assemblée a amélioré fortement les règles relatives à l’audience du juge des libertés et de la détention, en prévoyant la possibilité que celui-ci tienne l’audience au sein de l’établissement d’accueil, en encadrant le recours à la visioconférence et en permettant la tenue d’une audience non publique pour protéger le malade. Par ailleurs, en cas de levée d’une mesure d’hospitalisation complète, le juge pourra ordonner que cette mainlevée prenne effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures, afin de mettre éventuellement en place l’élaboration d’un programme de soins.

Enfin, le Sénat a fixé à dix ans la durée de la période à l’issue de laquelle s’appliquera le « doit à l’oubli ».

En deuxième lecture, l’Assemblée nationale est revenue sur certaines modifications apportées par le Sénat sur les soins hors de l’hôpital, mais a conservé les précisions relatives au programme de soins et à son élaboration.

Elle a aussi prévu que les personnes susceptibles d’être admises en soins psychiatriques sans consentement et prises en charge en urgence doivent être transférées vers un établissement psychiatrique dans un délai maximal de quarante-huit heures, mais que la période initiale d’observation et de soins commence dès le début de la prise en charge.

Elle a enfin adopté un amendement tendant à réécrire l’article du code de la santé publique sur l’organisation territoriale de la mission de service public de prise en charge des personnes en soins psychiatriques sans consentement.

Compte tenu des progrès accomplis au cours des navettes pour améliorer et pour clarifier les dispositions de ce projet de loi qui doit impérativement entrer en vigueur dès le 1er août prochain et dont certaines dispositions, tel le contrôle du juge des libertés et de la détention sur les mesures d’hospitalisation, sont particulièrement attendues, la commission des affaires sociales n’a pas adopté d’amendement au texte voté par l’Assemblée nationale.

Toutefois, depuis lors, le Conseil constitutionnel a rendu une importante décision relative à l’hospitalisation d’office, qui a confirmé une précédente décision du 26 novembre 2010 s’agissant de l’intervention d’un juge pour vérifier le bien-fondé des mesures d’hospitalisation sous contrainte.

Cette décision a également apporté des précisions nouvelles sur le rôle du préfet. Ainsi, lorsqu’un psychiatre estime qu’une mesure d’hospitalisation complète n’est plus justifiée et que le préfet la maintient néanmoins, un second examen médical doit être réalisé. Pour le Conseil constitutionnel, si ce second examen aboutit à la même conclusion que le premier, le préfet doit lever la mesure d’hospitalisation.

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