De la même manière, vous avez conservé le caractère suspensif de l’appel initié par le procureur de la République à l’encontre de la décision de mainlevée de la mesure privative de liberté prononcée par le juge. Cela pourrait avoir pour conséquence de priver une personne de sa liberté pendant encore quatorze jours. On est loin, me semble-t-il, de la volonté exprimée par le juge constitutionnel.
Autre mystification, vous présentez ce projet de loi comme indispensable. Or tel n’est pas le cas. Il vous aurait suffi, madame la secrétaire d’État, pour satisfaire aux contraintes issues de la décision du Conseil constitutionnel, de limiter la portée de ce texte à la seule intervention du juge des libertés et de la détention, en renvoyant les autres mesures prévues à un autre projet de loi. Telle aurait été la sagesse !
Tout cela nous conduit à une troisième mystification, que je dénonce avec l’ensemble de mon groupe, Annie David et Nicole Borvo Cohen-Seat en tête : la dimension sanitaire est quasiment absente de ce projet de loi, et pour cause ! Vous ne vous êtes intéressée qu’à un aspect des maladies mentales, à savoir les troubles à l’ordre public qu’ils peuvent engendrer. Cela n’aura d’ailleurs échappé à personne, c’est après la survenue d’un fait divers à Saint-Égrève, dans l’Isère, le département d’Annie David, que le Président de la République a pris la décision de modifier dans un sens radicalement sécuritaire la loi du 27 juin 1990. Cette volonté se traduit par la limitation des sorties d’essai, qui ont pourtant une véritable vocation thérapeutique : comme nous l’ont bien expliqué les psychiatres, ces sorties permettent de créer des liens entre eux-mêmes et le malade. Vous créez également un nouveau mode d’hospitalisation sous contrainte ne relevant ni de la demande d’un tiers ni de l’hospitalisation d’office.
De la même manière, vous privilégiez systématiquement le sécuritaire au détriment du médical. J’en veux pour preuve la conception que vous vous faites du soin et des maladies mentales. Pour vous, ces dernières pourraient être soignées contre la volonté même des malades. Vous réduisez la psychiatrie au traitement de la crise, plus, d’ailleurs, par souci de l’ordre public que dans l’intérêt des patients. Les équipes médicales deviennent de fait des auxiliaires de police, ce qui fait peser sur elles une responsabilité particulière : elles doivent en effet apporter la garantie que jamais une personne malade ne commettra de crimes. On criminalise ainsi la psychiatrie.