Or le risque zéro n’existe pas, d’autant que vous confortez la disparition de la politique de psychiatrie de secteur, laquelle demeure pour nous la seule réponse pertinente qui ait fait ses preuves. Elle repose sur un postulat opposé à celui de votre projet de loi : les soins, pour être efficaces, doivent être consentis. La maladie mentale a cela de particulier qu’elle repose sur le déni du malade. Pour accompagner ce dernier sur le chemin de la guérison, il faut l’amener à prendre conscience de sa maladie et le conduire à accepter le traitement adéquat. Les soins sous contraintes nient cette spécificité ; vous faites comme si les maladies mentales étaient des maladies somatiques !
Tout cela nous conduit à penser que, si votre projet de loi devait être adopté, la priorité serait donnée aux seules périodes de crises, au travers de traitements imposés de courte durée et reposant de manière excessive sur le recours aux médicaments. Or ces derniers ne soignent pas. Ils apaisent temporairement le patient, rendent possible la cohabitation entre celui-ci et sa maladie, laquelle demeure. On en revient au traitement des seuls symptômes, quand notre société devrait se fixer pour objectif la guérison, non pas pour satisfaire à l’image que nous nous faisons d’un ordre social normé – la folie fait partie de la vie –, mais pour permettre à chacun – cela relève de notre responsabilité – de trouver sa place dans la société, conformément à la théorie des psychiatres désaliénistes.
Enfin, la dernière mystification repose sur la notion même de soins ambulatoires sans consentement. Avec cette extension jusqu’alors jamais vue du champ de la contrainte, vous préparez ce que Mathieu Bellahsen, psychiatre de secteur et membre du collectif des 39 contre la nuit sécuritaire nomme à raison « un grand renfermement... à domicile ». Alors que des psychiatres comme Lucien Bonnafé avaient pris le parti de libérer les fous, vous faites quand à vous le choix de les enfermer à résidence. Cette modalité de soins risque, demain, de se généraliser, tant la politique comptable que vous appliquez aux établissements publics de santé et, singulièrement, à la psychiatrie entraîne fermetures de lits et réductions de personnels.