Intervention de Jean-René Lecerf

Réunion du 16 juin 2011 à 9h30
Soins psychiatriques — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des lois, que j’ai eu l’honneur de représenter en qualité de rapporteur pour avis lors de la première lecture de ce texte, ne peut que se réjouir de la confirmation, par l’Assemblée nationale, du texte issu des amendements dont elle avait été à l’origine.

En premier lieu, rappelons que le Sénat avait adopté un amendement tendant à unifier le contentieux de l’hospitalisation sous contrainte à compter du 1er janvier 2013. L’Assemblée nationale a approuvé ce dispositif, sous réserve de certaines précisions, tendant en particulier à indiquer que le juge des libertés et de la détention, ou JLD, ne prononcerait la mainlevée de l’hospitalisation qu’en cas d’irrégularités qui portent atteinte aux droits du patient, c’est-à-dire d’irrégularités substantielles, conformément à la jurisprudence administrative.

J’insiste sur le fait qu’il s’agit d’une avancée, qui permettra de mettre un terme à ce que d’aucuns nomment le « désordre des deux ordres », d’autant plus insupportable qu’il porte préjudice à des personnes atteintes de troubles mentaux, donc particulièrement vulnérables.

Je profite d’ailleurs de l’occasion qui m’est donnée pour remercier mon collègue Christian Cointat, qui m’avait fort obligeamment suppléé lors de la première lecture.

En second lieu, le Sénat avait souhaité donner la possibilité au juge des libertés et de la détention, lorsqu’il prend une décision de mainlevée de l’hospitalisation complète, d’en différer l’effet pendant une durée maximale de vingt-quatre heures, afin de permettre à l’équipe soignante d’élaborer un programme de soins. L’Assemblée nationale a confirmé ce dispositif, qui répond largement à la préoccupation de la commission des lois de doter le juge des libertés et de la détention du pouvoir de transformer une mesure d’hospitalisation complète en soins ambulatoires.

Le juge des libertés et de la détention pourra donc ordonner la mainlevée de la mesure d’hospitalisation, soit avec effet immédiat, soit avec effet différé.

Dans cette dernière hypothèse, le patient restera au sein de l’hôpital psychiatrique pour permettre au corps médical, si celui-ci le souhaite, d’élaborer un programme de soins rendant possible sa prise en charge en dehors de l’hôpital ; le juge des libertés et de la détention enverra alors un signal clair au corps médical, signifiant en quelque sorte : « Au vu du dossier, j’estime que la personne doit sortir de l’hôpital, mais il me semble que vous devriez envisager des soins ambulatoires sous contrainte ; bien sûr, je vous laisse apprécier ».

Un tel dispositif permettra au juge des libertés et de la détention de moduler sa décision et d’éviter ainsi le « tout ou rien ».

En troisième lieu, le Sénat avait adopté un amendement prévoyant la remise au Parlement d’un rapport relatif à l’évolution du statut et des modalités de fonctionnement de l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police, ou IPPP. L’Assemblée nationale a confirmé ce dispositif.

À cet égard, je rappelle que la commission des lois avait appelé de ses vœux un dispositif plus ambitieux. Elle avait en effet adopté un amendement contraignant l’IPPP à évoluer, à terme, en un établissement hospitalier de droit commun, considérant que, sur le plan des principes, une situation pathologique, fût-elle d’urgence, ne devait pas être prise en charge par une structure relevant d’une institution de police, sauf à alimenter la confusion, toujours regrettable, entre troubles psychiatriques, délinquance et dangerosité.

J’ai bien noté, madame la secrétaire d’État, que, lors des débats au Sénat, vous aviez déclaré que l’infirmerie psychiatrique devait évoluer sur le plan statutaire et que l’Agence régionale de santé de l’Île-de-France y travaillait. En tout cas, sachez que la commission des lois sera attentive au contenu du rapport qui sera remis au Parlement.

Il me paraîtrait également important que les droits des patients soient clarifiés, afin que les mesures provisoires susceptibles d’être prises en urgence par les maires, et par les commissaires de police à Paris, soient bien considérées comme des mesures de soins sans consentement.

Cela emporte plusieurs conséquences : la période de soixante-douze heures devra commencer dès l’entrée en vigueur des mesures considérées, qu’elles prennent la forme d’un placement à l’IPPP, dans un hôpital de droit commun ou même dans un gymnase municipal ; les personnes doivent être informées de leurs droits, en particulier de celui de recourir aux services d’un avocat ou de saisir le juge des libertés et de la détention dès l’entrée en vigueur de ces mesures provisoires ; la durée des mesures provisoires doit être prise en compte dans le délai de quinze jours avant l’expiration duquel le juge des libertés et de la détention doit s’être prononcé.

En quatrième lieu, le Sénat avait adopté, sur l’initiative de la commission des lois, plusieurs amendements permettant au juge des libertés et de la détention de statuer dans des conditions qui garantissent la sérénité des débats. L’Assemblée nationale les a approuvés sans apporter de modification.

Que prévoyaient-ils ?

Le Sénat avait précisé que le juge des libertés et de la détention, lorsqu’il se prononce sur une mesure de soins psychiatriques sous contrainte, pourrait ne pas statuer publiquement. Cette précision paraît importante, dès lors que la publicité de l’audience pourrait avoir, dans certains cas, des conséquences dommageables pour les personnes concernées.

Le Sénat avait également prévu que, si une salle d’audience est spécialement aménagée sur l’emprise de l’hôpital pour assurer la clarté, la sécurité et la sincérité des débats ainsi que pour permettre au juge des libertés et de la détention de statuer publiquement, celui-ci pourrait statuer dans cette salle. Cet aménagement spécial, qui pourra d’ailleurs être sommaire, est destiné à garantir que la salle est clairement identifiée comme un lieu de justice.

Enfin, notre assemblée avait doublement encadré le recours à la visioconférence.

Elle avait tout d’abord précisé que le recours à cette technique ne serait possible que dans l’hypothèse où l’hôpital psychiatrique aurait spécialement aménagé en son sein une salle d’audience satisfaisant aux conditions que je viens d’indiquer. Autrement dit, que le juge des libertés et de la détention soit physiquement présent dans cette salle ou qu’il intervienne à distance depuis le palais de justice, les exigences portant sur l’aménagement des lieux doivent être identiques.

Elle avait ensuite prévu que le juge des libertés et de la détention pourrait seulement recourir à la visioconférence après qu’un avis médical aurait attesté que l’état mental de la personne ne fait pas obstacle à la mise en œuvre de ce procédé.

La commission des lois aurait certes préféré aller plus loin pour ce qui concerne la compétence du juge des libertés et de la détention ; je rappelle qu’elle avait souhaité que le juge des libertés et de la détention soit saisi automatiquement non seulement en cas d’hospitalisation partielle, mais aussi en cas de désaccord entre le préfet et le corps médical. Pour sa part, l’Assemblée nationale n’a prévu qu’un seul cas de saisine automatique, celui où le préfet n’ordonne pas la levée de l’hospitalisation complète, alors que le psychiatre la propose.

Je signale que cette solution, que notre assemblée n’avait pas retenue, est conforme au sens de la décision rendue le 9 juin dernier par le Conseil constitutionnel en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité. En effet, cette décision marque l’affaiblissement du rôle du préfet en matière d’hospitalisation d’office. Par parenthèses, je vous signale, mes chers collègues, qu’il faudra nous faire à l’idée que, à l’instar des trains, une QPC peut en cacher une autre, le cas échéant entre la première et la deuxième lecture…

Faute que soit prévue l’intervention systématique du juge des libertés et de la détention en matière d’hospitalisation partielle, nous comptons sur le Gouvernement pour prévoir, dans les décrets d’application, que les patients devront être régulièrement informés de leur droit de saisir à tout moment le juge des libertés et de la détention ; l’exercice du recours facultatif sera ainsi facilité.

Bien entendu, il nous appartiendra d’évaluer précisément le dispositif en considération d’un certain nombre de critères : nombre d’hospitalisations partielles, fréquence de saisine du juge des libertés et de la détention postérieurement à cette hospitalisation, capacité des personnes hospitalisées ou de leurs proches, après qu’elles aient été informées, à exercer le recours facultatif, etc.

En dépit des réserves que je viens d’exposer, je ne peux que vous inviter, mes chers collègues, à voter le projet de loi, qui assure un équilibre entre la liberté individuelle, la sauvegarde de l’ordre public et la protection de la santé.

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