À ce titre, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ne dit pas autre chose quand il déclare que cette crainte d’atteinte à l’ordre public entraîne d’ores et déjà « le maintien à l’hôpital de personnes dont l’état, attesté par des médecins, ne justifie pas qu’elles y soient maintenues contre leur gré ».
La présidente de la Fédération nationale des associations d’usagers en psychiatrie, Mme Claude Finkelstein, ne dit rien d’autre quand elle déclare : « Nous ne sommes pas d’accord sur la finalité du projet de loi, qui porte atteinte aux droits des personnes ».
Doit-on croire que la majorité présidentielle n’est capable d’aborder des sujets de société qu’à travers le prisme réducteur et déformant de la dimension sécuritaire ? Depuis 2002, et plus encore depuis 2007, tout porte à le croire.
L’aspect sécuritaire qui caractérise donc ce texte se retrouve notamment dans les dispositions qui donnent au préfet une place prépondérante. Il en est ainsi non seulement de la décision d’hospitaliser, du protocole de soins, du pouvoir de s’opposer à l’arrêt des soins sans consentement, mais aussi de la faculté de remplacer une hospitalisation par des soins en ambulatoire, et le contraire.
Mais, au-delà, la situation que vous créez prend place dans un cadre sanitaire et psychiatrique déprécié auquel vous n’avez, depuis plus de dix ans, apporté aucune réponse.
Le secteur psychiatrique fait face depuis des années à une crise pérenne. Pour s’en convaincre, il suffit de reprendre les conclusions des états généraux de la psychiatrie de 2003, de considérer les 800 postes de psychiatres en secteur public non pourvus, de voir dans quelle situation se trouvent les urgences, lesquelles ne font que très difficilement face aux besoins existants. Ainsi, les demandes d’hospitalisation libre ne peuvent généralement pas être satisfaites dans des délais convenables. Dès lors, comment imaginer que ces personnels débordés pourront faire face à la multiplication des démarches administratives, des certificats médicaux qu’exige ce texte ?
Quant aux structures extrahospitalières que vous entendez mettre à contribution, elles manquent cruellement de moyens.
Dans un tel contexte, comment peut-on raisonnablement penser que ces personnels compétents et dévoués pourront, demain, garantir aux patients faisant l’objet de soins sans consentement un suivi médical en ambulatoire si, dans leur propre structure, ils n’y parviennent que très difficilement ?
Quant à la notion même de « soins sans consentement », nous avions adopté en première lecture une rédaction sous forme de périphrase qui évoquait des soins auxquels le patient n’était pas à même de consentir du fait de ses troubles mentaux. Cette rédaction a été supprimée par l’Assemblée nationale. Elle laisse la place au renvoi systématique aux dispositions légales applicables, soit « en application des chapitres II et III du présent titre ou de l’article 706-735 du code de procédure pénale ». Cette modification évite donc d’expliciter le fait que ces hospitalisations s’effectuent sans l’aval du patient, ce qui, nous l’avons vu à diverses reprises, peut être considéré comme contraire à la logique même de soins. Au reste, je note que cette réécriture n’est pas dénuée d’ambiguïté, ce qui peut être préjudiciable à l’ensemble des patients, y compris à ceux qui sont en soins « libres ».