Intervention de René-Pierre Signé

Réunion du 16 juin 2011 à 9h30
Soins psychiatriques — Question préalable

Photo de René-Pierre SignéRené-Pierre Signé :

Mon interprétation du projet de loi diffère de la vôtre, et je ne peux que soutenir la motion tendant à opposer la question préalable défendue par mon collègue et ami Jacky Le Menn.

Pour le trouble mental, la psychopathie, la maladie mentale, la sociopathie, le déni psychotique, les définitions sont légion, comme pour les maladies ou les troubles mentaux.

Schizophrénie, bouffées délirantes de l’adolescence, épilepsie, dépression nerveuse, psychose maniaco-dépressive, autant de détresses pour le malade et son entourage. On peut y ajouter la consommation de drogue ou d’alcool. Je connais un peu ces questions, non pas en tant que malade, mais parce que j’ai été interne dans des services psychiatriques.

Un grand nombre de troubles de toutes sortes, pour des individus de cultures différentes, peuvent être considérés comme anormaux suivant les croyances ou les normes d’appartenance.

Ceux qui peuvent être conduits à souffrir d’un trouble mental au cours de leur existence, dont les malades ou ceux qui sont considérés comme tels ou ceux qui s’ignorent – j’ai cité tout à l’heure Jules Romain –, représentent, selon l’OMS, 50 % de la population mondiale. Les troubles neurologiques ou comportementaux représentent 12, 3 % de la morbidité mondiale.

Le projet de loi, à forte connotation sécuritaire, que nous examinons ajoute à la contrainte de l’hospitalisation la contrainte des soins poursuivis au-delà de l’hospitalisation. Il évoque des mesures anciennes, presque moyenâgeuses, au temps où l’on isolait le malade sans le soigner, à l’époque des maladreries et autres lazarets maritimes.

Je le précise, rien de tel ne figure dans le texte, sinon d’aucuns diront que cette comparaison est caricaturale. Aujourd’hui, on soigne, mais l’isolement devient prioritaire. Les soins sont quelquefois durs et brutaux – des traitements par aversion, que je ne vous décrirai pas, étaient encore pratiqués voilà peu – et la compassion facultative. Cet univers psychologique s’apparente, hélas ! à l’univers carcéral, même si tout malade n’est pas un délinquant potentiel.

L’affaire de Grenoble et le discours éponyme – on ne doit pas légiférer dans l’émotion – procèdent d’une politique qui conduit à l’abandon des malades dans les hôpitaux, les prisons ou la rue.

Le projet de loi, trop dur, a été justement censuré par le Conseil constitutionnel sur certains points : seront exigés l’intervention d’un juge des libertés et de la détention et un second certificat médical pour prolonger une hospitalisation. Aucune de ces deux mesures censurées ne faisait l’objet de garanties juridiques suffisantes. C’était dénier le respect des droits fondamentaux !

Les soins sans consentement sont considérés comme sécuritaires ; ils le sont. Les psychiatres devraient s’y opposer ; ils le font. Ils savent que tout soin sans consentement est loin d’être efficace, d’autant que ces soins peuvent être reconduits ou souhaités, voire exigés par une autorité non médicale.

Il est donc admis que le nombre de malades potentiels est important. Il existe différentes catégories élargies de troubles mentaux, je l’ai dit, de différents aspects du comportement et de la personnalité, affectés à des degrés divers. Doivent-ils pour autant être isolés ou suivis ? C’est une condamnation à perpétuité que l’on prononce. Elle jette la suspicion sur l’individu, mal à l’aise dans sa famille, montré du doigt par le voisinage.

Qui doit bénéficier de ce suivi soupçonneux ? Ceux qui ont eu des troubles et qui sont traités pour des récidives à venir qui ne viendront sans doute jamais, non pas grâce au traitement, mais parce qu’elles ne doivent pas venir.

La vie d’une personne est gâchée. Pourquoi ? Pour une pulsion, une phobie, un fantasme, une bouffée délirante – surtout dans l’adolescence –, un tropisme passager pour l’alcool, une ivresse excito-motrice, une consommation de drogue, tout cela pour surmonter un trouble passager.

Ces troubles du comportement ne méritent qu’un traitement, une surveillance limités dans le temps. Mais un traitement sans consentement à vie peut entraîner, d’une part, une autre dépendance – ne l’oubliez pas ! – et, d’autre part, mal accepté, une aversion forte, un rejet de toute thérapeutique, bref, des effets néfastes.

Nous sommes donc opposés à ce projet de loi et je soutiens totalement la motion défendue par M. Le Menn, qui a résumé notre position sur le texte.

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