Intervention de Guy Fischer

Réunion du 16 juin 2011 à 14h45
Soins psychiatriques — Article 2

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Alors que nos collègues de l’Assemblée nationale viennent d’entériner la logique des soins sous contrainte portée par ce texte, nous nous devons de défendre la liberté des personnes souffrant de troubles psychiatriques. Nous ne sommes pas dupes et nous voulons mettre au jour les intentions grossièrement dissimulées dans ce texte.

Comme nous avions pu le constater en première lecture, le malade mental est assimilé à un individu dangereux, porteur de risques. Il s’agit dès lors de l’enfermer, de le mettre à l’écart pour éviter de cette manière tout « trouble à l’ordre public ».

Cette logique de soins forcés fait ainsi paraître l’hospitalisation complète comme une incarcération et non plus comme un élément de la chaîne de soins. Une fois de plus, nous ne pouvons que dénoncer, avec force et vigueur, cette conception uniquement sécuritaire de la psychiatrie.

L’autre point majeur de cet article est la procédure, qui reste inadmissible, d’admission en soins psychiatriques en cas de péril imminent. Alors que deux certificats sont exigés pour une admission en soins sans consentement à la demande d’un tiers, un seul certificat médical serait nécessaire dans cette hypothèse. Cette mesure visant à faciliter l’hospitalisation soulève de lourdes inquiétudes, légitimes, de la part tant des soignants que des soignés.

Alors que, en première lecture, le groupe CRC-SPG avait déposé une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité – motion que vous avez refusé d’adopter, mes chers collègues –, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État jugent aujourd’hui que ce texte ne saurait être conforme à la Constitution, reconnaissant de ce fait la violation des droits fondamentaux des malades mentaux faisant l’objet de soins en hospitalisation complète.

Inconstitutionnel, ce texte est également inapplicable. La politique gouvernementale des vingt-cinq dernières années a, en effet, considérablement fragilisé le secteur hospitalier, y compris les services de psychiatrie, où le nombre de lits disponibles a connu une diminution de plus de 50 %. Or il n’est certainement pas exagéré de dire que le projet de loi qui nous est présenté ici en deuxième lecture soulève un important paradoxe.

Alors que le Gouvernement n’envisage à aucun moment l’augmentation des effectifs de médecins et de cadres infirmiers au sein du secteur de la psychiatrie publique, il n’hésite pas à imposer à ces derniers des obligations qui ne feront que favoriser l’engorgement que connaît d’ores et déjà ce secteur. Bien sûr, nous considérons que ces certificats, tout comme l’intervention du juge des libertés dans le cadre des hospitalisations d’office, sont nécessaires : ces mesures cruciales garantissent en effet le respect des droits des personnes souffrant de troubles psychiatriques. Cependant, elles doivent s’accompagner d’un déploiement de moyens à la hauteur de la demande. Cette dernière risque d’être considérable si la logique du Gouvernement, qui préconise l’hospitalisation d’office sur décision préfectorale pour les individus ayant causé des troubles à l’ordre public, est suivie.

Face à cet article qui vise à réformer les conditions d’hospitalisation d’une personne à la demande d’un tiers et à instaurer une nouvelle procédure faisant référence au péril imminent, nous ne pouvons nous empêcher de nous poser la question de la pénurie de psychiatres et de cadres infirmiers. Le déficit de personnel soignant est un élément critique au sein de notre système hospitalier actuel, tout particulièrement au sein des différents services de psychiatrie.

Au début du siècle dernier, Sigmund Freud inaugura l’entrée triomphante de la psychanalyse au sein de la médecine psychiatrique. Depuis lors, la place que la psychanalyse occupe dans le processus de soin n’a cessé de grandir. Aujourd’hui, la relation que le soignant entretient avec le soigné par le biais de la parole ne saurait être complètement remplacée par de simples traitements médicamenteux.

Les individus souffrant de troubles psychiatriques ne sont pas des malades comme les autres. Loin de vouloir les stigmatiser et les mettre au ban de la société, nous sommes convaincus qu’ils nécessitent un suivi médical étroit et particulier, cohérent avec des pathologies le plus souvent très complexes. Cet article est loin de répondre à ces besoins.

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