Intervention de Guy Fischer

Réunion du 16 juin 2011 à 14h45
Soins psychiatriques — Vote sur l'ensemble

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Nous attendions beaucoup de ce texte, mais la messe était dite avant même que ce débat ne commence puisqu'il fallait que Mme la secrétaire d'État parvienne à obtenir un vote conforme, ainsi que le lui avait demandé le Président de la République. Tous les amendements déposés sur ce projet de loi ont été rejetés, à l'exception de deux, dont l’un, qui nous a d’ailleurs fourni l’occasion de parfaire nos connaissances en droit constitutionnel, émanait du Gouvernement.

Dans le cadre du dialogue instauré entre les parlementaires et les professionnels, lesquels nourrissaient de grands espoirs, nous avons longuement reçu le docteur Angelo Poli, président du Syndicat des psychiatres d'exercice public, le SPEP, qui travaille dans l'agglomération lyonnaise. C’est l'analyse de ces professionnels que je voudrais vous faire partager.

Ce texte ne prend pas réellement en compte, nous l'avons démontré, les demandes des professionnels, qu’ils soient soignants ou magistrats, de même qu’il ignore les réserves des usagers, notamment ceux que représentent la Fédération nationale des associations d’usagers en psychiatrie, la FNAPSY, voire des familles, qui se rendent compte que des « soins ambulatoires sans consentement » pourront être imposés y compris dans le lieu de vie familiale.

Il s’agit donc d’un texte sécuritaire, qui inscrira les professionnels dans une logique de contrôle.

De surcroît, ces mêmes professionnels devront l’appliquer dès le 1er août, sans y avoir été préparés, ce qui est tout simplement insensé quand on voit toutes les dispositions qu’il contient. Il est vrai que les professionnels n’avaient pas voulu discuter des décrets d’application avant que le texte définitif ne soit voté ; il faudra le faire dans l’urgence.

Ce texte devra en outre être appliqué sans que soient prévus les moyens supplémentaires qui, de toute évidence, auraient dû être dégagés compte tenu de la complexification des modalités de sortie qui y sont prévues. La confusion et les blocages qui, assurément, s’ensuivront, loin d'améliorer la situation des patients en souffrance, créeront au contraire des difficultés supplémentaires.

L’ensemble des professionnels, les psychiatres publics nous l'ont dit, mettront tout en œuvre pour réduire autant que possible les conséquences sur les patients de la loi votée par le Parlement. Il faudra voir comment les choses se mettront en place. Par exemple, j'ai appris que les juges de l'agglomération lyonnaise se déplaceront dans les hôpitaux psychiatriques.

Par ailleurs, il faut savoir que les préfets, relayés par les procureurs de le République, garderont la possibilité de s’opposer aux demandes de poursuite des soins ambulatoires et de sortie formulées par les psychiatres.

C’est donc un rendez-vous manqué et, de toute évidence, il faudra revoir très rapidement les termes de cette loi.

Sur le fond, comme l’écrit le SPEP, « rien ne semble plus pouvoir arrêter la dérive qui risque de conduire, dans un état d’ivresse sécuritaire, vers le retour aux “pavillons de force” du XIXe siècle » – c'est-à-dire les asiles – « puisqu’il est conseillé de réorganiser les unités afin d'accueillir des populations de malades homogènes » – selon un rapport de l’inspection générale des affaires sociales daté du 31 mai 2011 – « ou aux “pavillons hommes” et aux “pavillons femmes” du siècle d'avant puisqu’il est conseillé dans le même rapport d’éviter toute “mixité forcée” et de favoriser la séparation des hommes et des femmes pour éviter les agressions sexuelles ».

Ce texte sur les soins psychiatriques sans consentement est un texte d'affichage sécuritaire, un texte liberticide, un texte inapplicable, qui criminalise la maladie mentale. De toute évidence, une grande loi de santé mentale s'impose.

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