Lors de l'audition d'une délégation de l'AMF à laquelle elle a procédé, la commission n'a pas reçu les mêmes échos que ceux dont vous venez de nous faire part. Elle a donc souhaité rencontrer de nouveau des membres de l'AMF dans le cadre de la préparation du présent rapport, ce qui n'a pas été jugé utile par l'AMF. La commission a donc pensé que celle-ci maintenait sa position antérieure.
Ma chère collègue, je veux vous rassurer en ce qui concerne les charges supplémentaires pour les communes. Les charges obligatoires vont concerner les communes de plus de 10 000 habitants. Or il est peu vraisemblable que les communes de ce type ne se soient pas d'ores et déjà dotées d'un certain équipement en matière de sites cinéraires, tels que jardins du souvenir ou columbariums. Sans doute les caveaux d'urnes, ou cavurnes, mériteraient-ils d'être développés.
De par l'évolution de la législation, les communes pourront aussi réaliser des économies, même si telle n'est pas la finalité essentielle de ce texte. En facilitant le développement de la crémation, nous allons faire diminuer le nombre des expropriations réalisées en vue de l'agrandissement des cimetières : moins de terrains seront ainsi mobilisés à des prix élevés dans les zones de forte agglomération.
Monsieur le ministre, pour l'essentiel, nous sommes en accord sur les objectifs. Notre querelle, si elle existe, ne porte en vérité que sur un seul point.
Même sur la question de la création d'une commission départementale, nos positions ne sont pas vraiment si éloignées. La création de cette commission départementale n'est pas pour nous une finalité ; il s'agit de tenter d'obtenir des habilitations beaucoup plus fiables. La procédure législative suivra son cours. Si nous avons la conviction que la fiabilité de l'habilitation n'est pas liée à la création d'une commission départementale, il est vraisemblable que notre position évoluera.
En ce qui concerne la compétence des gendarmes et le problème des vacations funéraires, il en va un peu de même : nous souhaitons qu'un contrôle puisse être exercé d'une manière équivalente dans les agglomérations urbaines et dans les communes rurales.
Il nous a semblé que, compte tenu des évolutions qui se sont produites concernant les zones relevant respectivement de la police nationale et de la gendarmerie, il pouvait paraître aléatoire, s'agissant des communes non dotées d'un régime de police d'État, de confier strictement aux maires, aux policiers municipaux ou aux seuls gardes champêtres - lorsque ces policiers municipaux et ces gardes champêtres existent !- la mission de surveillance des opérations funéraires. Nous n'avons d'ailleurs prévu, dans ces cas-là, l'intervention des gendarmes qu'à défaut de celle du garde champêtre ou des policiers municipaux, la surveillance s'effectuant alors de toute façon sous la responsabilité du maire.
Sur ce point également, je pense que nous devrions pouvoir trouver assez facilement un consensus.
Pour ce qui est du problème de la TVA, si nous n'aboutissons pas aujourd'hui à une solution, le contexte s'y prêtant assez peu, il sera possible d'y revenir ultérieurement.
La vraie divergence entre nous, monsieur le ministre, porte sur la question - et elle n'est certes pas anodine - de savoir s'il convient de mettre un terme, comme le souhaitent la commission des lois et l'auteur de la proposition de loi n° 375, à l'appropriation privative des cendres et d'interdire le partage de ces dernières.
Vous avez vous-même donné de nombreux exemples tendant à montrer que le respect dû aux morts n'était pas observé : urnes funéraires retrouvées aux objets trouvés, dans des décharges publiques, « oubliées » chez les opérateurs funéraires ou dans les columbariums, sans parler du mélange des cendres avec celles d'un animal familier, de la confection de bijoux synthétiques à partir des cendres, des « oeuvres d'art » réalisées à partir d'un mélange des cendres du disparu à de la peinture. Tout cela ne nous paraît pas très respectueux, c'est le moins que l'on puisse dire.
Il faut aussi signaler des cas où l'attachement aux cendres prend un tour tout à fait contestable, d'autant qu'il peut avoir des conséquences extrêmement douloureuses pour les familles ou pour certains proches.
Nous assistons, aujourd'hui, à une multiplication des contentieux. Nous avons entendu, sur ce point, de nombreux professeurs de droit : certains parents se disputent l'urne cinéraire d'un enfant et le tribunal en arrive à ordonner le partage des cendres.
Nous avons reçu des psychologues, des psychiatres, qui déplorent que, parfois, et en croyant bien faire, des parents demandent au petit frère ou à la petite soeur d'aller embrasser, le matin et le soir, l'urne contenant les cendres du grand frère ou de la grande soeur, avec toutes les conséquences psychiques que l'on peut imaginer.
Vous nous dites, monsieur le ministre, que nous supprimons une liberté. Vous avez raison : nous supprimons la liberté d'appropriation privative, mais, ce faisant, comme le disait tout à l'heure M. Jean-Pierre Sueur, nous instaurons une autre liberté, celle, pour chacun, de pouvoir se recueillir devant les restes d'un être cher ou d'un être admiré. Or, en l'état actuel des choses, dès qu'il y a appropriation privative, il y a impossibilité pour ceux qui n'en bénéficient pas d'avoir ce moment de recueillement face aux restes humains.
Il nous est apparu difficile de nous arrêter au milieu du gué : si nous acceptons l'appropriation privative, ne serait-ce que pendant un temps limité - M. Jean-Pierre Sueur y avait pensé, d'ailleurs, lors de la rédaction de propositions antérieures, puisqu'il préconisait qu'à la demande du défunt l'urne puisse être remise à une personne qui la garderait jusqu'à son propre décès -, comment s'opérera ensuite la « récupération » - pardonnez-moi la familiarité du terme - de l'urne ?
L'appropriation privative, dès qu'elle sera autorisée, aura un caractère quasi définitif, et nous craignons que cela ne compromette la sérénité que nous voulons assurer aux vivants, dans le respect global dû au défunt.