Je n'avais pas prévu d'intervenir à ce stade du débat, mais la question qui est soulevée dans cet amendement nous renvoie à la discussion qui aura lieu cet après-midi sur le prolongement du congé pour événement familial en cas de décès d'un conjoint ou d'un enfant, sur une initiative de MM. Christian Gaudin et Nicolas About, discussion pendant laquelle je compte soulever le problème des enfants mort-nés, en me situant dans le cadre actuel des vingt-deux semaines et des conditions de reconnaissance de l'enfant mort-né.
Mes chers collègues, je tiens à attirer votre attention sur une difficulté que rencontrent les pères devant l'état civil.
L'enfant mort-né d'un couple marié peut être inscrit le livret de famille, mais cela n'ouvre droit à aucune reconnaissance de paternité. Il y a là un manque : la mère est mère mais la paternité du père n'est pas reconnue, ce qui n'est pas cohérent.
Dans le cadre du mariage, cela ne pose pas de problèmes insurmontables. En revanche, et je m'adresse à nos collègues de la commission des lois, lorsqu'un enfant sans vie est issu d'un couple non marié et lorsqu'il est le premier enfant dudit couple, le problème est réel.
En effet, l'article 9 du décret 74-449 du 15 mai 1974 dispose : « L'indication d'enfant sans vie ainsi que la date et le lieu de l'accouchement peuvent être apposés sur le livret de famille, à la demande des parents, par l'officier d'état civil qui a établi l'acte. » Encore faut-il que les parents possèdent un livret. Lorsque l'enfant né sans vie est conçu hors mariage, son inscription est impossible s'il s'agit du premier enfant. En effet, l'instruction générale relative à l'état civil précise qu'un livret de famille de parents naturels ne peut être délivré du seul fait de l'existence d'un acte d'enfant sans vie en l'absence d'établissement de filiation. Dès lors, l'inscription ne pourra être opérée qu'à l'occasion de la naissance d'un enfant vivant et viable qui, lui, donne droit à la délivrance du livret de famille.
Les dispositions actuelles créent donc une discrimination entre parents naturels suivant qu'ils ont eu ou non d'autres enfants que celui qui est né sans vie. Il serait donc souhaitable, mes chers collègues, de prévoir la possibilité de délivrer un livret de famille aux parents dont le premier enfant naturel est déclaré sans vie et qui désirent que cet événement soit consigné.
Par ailleurs, je tiens à insister sur la complexité inutile des modalités d'inscription d'un enfant sans vie sur le livret de famille lorsque l'un des deux parents naturels dispose déjà de ce document au titre d'un précédent enfant né vivant et viable. Je ne veux pas alourdir le débat, mais la procédure est compliquée et diffère selon que le détenteur du livret de famille est le père ou la mère, sans parler des difficultés qui se posent en cas de reconnaissance d'un tiers.
Dans le droit actuel, nous y reviendrons cet après-midi, le père n'est plus le père, ce qui est source d'ambiguïté. Un enfant naturel peut donner lieu à une reconnaissance anticipée de paternité, reconnaissance qui n'est plus valable si l'enfant est mort-né.
En d'autres termes, le père est privé de sa reconnaissance même de paternité dans l'état civil. Dans cette hypothèse, le père se voit également privé de ses droits à congé pour décès d'un enfant ; nous y reviendrons cet après-midi.
Monsieur le ministre, il serait sans doute souhaitable que, par un décret ou par une loi, on s'efforce de remédier à la question du statut des enfants mort-nés et que l'on précise les conditions dans lesquelles, selon la situation familiale, la reconnaissance de ce vécu puisse être inscrite sur un livret de famille.