Intervention de Philippe Leroy

Réunion du 22 juin 2006 à 15h00
Gestion de l'après-mines — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Philippe LeroyPhilippe Leroy :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question, qui s'inscrit dans la continuité des travaux conduits par la commission des affaires économiques, a pour objet d'approfondir le débat que nous avons eu le 24 novembre 2004 sur l'avenir des régions françaises et de leurs habitants concernés par la fin des activités minières.

Il s'agit en effet d'un débat qui est plus que jamais d'actualité et qui, de mon point de vue, mérite un suivi attentif et régulier, non seulement bien évidemment de la part des élus locaux issus des territoires concernés, mais également de la part du Gouvernement et du Parlement. Ne nous y trompons pas, et j'en ai la conviction profonde, ce n'est pas la dernière fois que nous discuterons de ce sujet tant il est clair que l'après-mines constitue un dossier national que nous aurons à gérer encore très longtemps.

Mes chers collègues, lors de la dernière question orale que j'avais eu l'occasion de poser sur ce sujet voilà près de deux ans, nous avions, avec le Gouvernement, débattu d'un grand nombre de questions concrètes liées à l'après-mines, des questions fondamentales pour l'avenir de nos territoires et des citoyens qui y vivent. Des éléments de réponse précis avaient alors été apportés par Patrick Devedjian, qui s'exprimait au nom du Gouvernement en sa qualité de ministre de l'industrie. J'espère, monsieur le ministre, que vous serez tout à l'heure en mesure de rassurer les élus locaux de la Lorraine.

Plus d'un an et demi après ce débat, j'ai souhaité, avec le soutien du président de la commission des affaires économiques, M. Jean-Paul Emorine, que nous puissions, tous ensemble, tirer un premier bilan des échanges passés. Je tiens d'ailleurs à vous remercier, monsieur le ministre, de vous êtes rendu disponible pour le présent débat, dont nous nous étions entretenus à la fin de l'année dernière.

En novembre 2004, nous avions tout d'abord abordé l'avenir de l'entité chargée de la gestion technique des questions de l'après-mines - celle qui avait été prévue dans la proposition de loi dont j'avais été le rapporteur -, qu'il s'agisse de la surveillance des bassins miniers et de la remise en état des sites ou de l'entretien des installations de dégagement des gaz et des installations hydrauliques.

À la suite d'un rapport qui avait été remis dans le courant de l'année 2004 par le conseil général des mines et l'inspection générale des finances, le Gouvernement avait retenu l'option de transférer d'ici à 2005 les missions opérationnelles incombant à l'État en matière d'après-mines au Bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM. Le ministre de l'industrie nous avait alors donné des garanties majeures sur deux points : en premier lieu, l'État assurerait les financements nécessaires à la réalisation de l'après-mines technique et, en second lieu, les missions opérationnelles de l'après-mines ne se limiteraient pas au seul charbon - c'est un point fondamental -, et concerneraient également le fer et la potasse.

Ma première question est simple, monsieur le ministre : qu'en est-il du passage de relais entre les anciens exploitants miniers, l'État et le BRGM ?

Un décret récent, en date du 4 mars 2006, a créé au sein du BRGM un département de prévention et de sécurité minière, et nous nous en félicitons. Toutefois, pouvez-vous nous en dire plus, monsieur le ministre, sur le calendrier relatif à l'installation de cette structure, sur les moyens dont celle-ci sera dotée et sur les conditions concrètes de son action, y compris sur le terrain ? Vous le savez, cher François Loos, les élus locaux, notamment les maires, sont attachés à la présence d'interlocuteurs locaux. Il s'agit là, bien évidemment, d'une question fondamentale pour nos territoires.

Si je me réfère à une région que je connais bien, la Lorraine, je puis vous dire que les collectivités territoriales sont également très inquiètes s'agissant des risques qu'entraîne la situation de l'après-mines. J'espère que les réponses que vous apporterez, monsieur le ministre, seront de nature à les rassurer.

Au-delà de cette question, pouvez-vous également nous éclairer, monsieur le ministre, sur l'après-Charbonnages de France ? Cet établissement disparaîtra sans doute, comme prévu, à la fin de l'année 2007. Cette question nous intéresse.

Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'une cellule partenariale - je suis prudent, je pèse mes mots, je ne parle pas d'une structure - devra, au moins provisoirement, prendre le relais, afin d'assurer le suivi de toutes les questions qui ne seront pas résolues ?

En effet, je ne pense pas que la situation sera complètement réglée à la fin de l'année 2007, et il nous faudra probablement trouver une formule souple, susceptible d'assurer un relais progressif pour régler les dernières questions en suspens, que je vous poserai d'ailleurs ultérieurement au cours de mon intervention.

Pourriez-vous, par la même occasion, monsieur le ministre, dresser un premier bilan du transfert aux collectivités territoriales des installations hydrauliques, qui regroupent les stations de pompage ou de relevage des eaux ? Il s'agit en effet d'un problème complexe. Je rappelle que le code minier autorise une telle procédure de transfert de ces installations, notamment aux communes. Il nous avait été indiqué que cette prise en charge serait accompagnée des financements adéquats et que, dans les cas où les communes refuseraient d'assumer cette charge, l'entité après-mines en conserverait la responsabilité. Il faut faire le point à cet égard.

En effet, la problématique hydraulique fait partie de nos premières préoccupations, celles qui concernent la population. Pour étayer cette affirmation, je tiens à rappeler les risques particuliers engendrés par l'arrêt des exhaures dans le bassin ferrifère ; c'est une question que nous ne connaissons désormais malheureusement que trop bien. Je souhaite me tromper mais, dans les années qui viennent, nous allons sans doute ouvrir le chapitre sur les conséquences de l'arrêt des exhaures dans le bassin houiller, arrêt que vous venez de prononcer, monsieur le ministre. Dans l'immédiat, pour ce qui concerne le bassin ferrifère, les risques encourus sont désormais bien repérés sur le terrain, mais de larges surfaces sont neutralisées au titre de l'urbanisation.

Les aspects techniques et opérationnels de l'après-mines m'amènent à évoquer deux questions particulières.

Premièrement, je pense aux conséquences et à la prévention des affaissements miniers. Ce sujet reste plus que jamais d'actualité dans le bassin ferrifère lorrain, qui est confronté, en de nombreux endroits, aux risques d'affaissement brutal ou progressif. Bien entendu, sur ce dossier, ma priorité reste la sécurité des personnes.

Toutefois, comme en 2004, je suis conduit à réinterroger le Gouvernement sur ce point. En effet, je souhaiterais obtenir des éléments d'information sur les activités de l'Agence de prévention et de surveillance des risques miniers, sur l'état de réalisation des cartes d'aléas miniers, sur le nombre de plans de prévention des risques miniers, les PPRM, qui ont été prescrits en France et sur les modalités de concertation locale en matière de réalisation de ces plans.

Les cinq PPRM du bassin ferrifère lorrain devaient être finalisés au plus tard à la fin de l'année 2005 et les cartes d'aléas devraient être établies pour l'ensemble des sites miniers du territoire métropolitain d'ici à la fin 2007. Qu'en est-il de ce calendrier ? Quelles conclusions les services de l'État en tirent-ils s'agissant de la constructibilité des sols ? Car telle est la grande question.

Ce sujet me conduit à vous interroger sur un autre dossier qui lui est intimement lié, à savoir l'indemnisation des victimes.

Certes, ce dossier délicat a énormément progressé depuis que le législateur s'en est emparé sur mon initiative, grâce à la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages. Le dispositif que nous avons voté a permis, en accord avec le Gouvernement, de régler un bon nombre de situations dramatiques, puisque nous avons confié au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages la responsabilité d'indemniser les personnes ayant subi des dégâts concernant leur habitation principale. Une grande partie du problème a ainsi trouvé une solution.

Reste pendante la question de l'indemnisation des sinistres intervenus entre 1994 et 1998, pour lesquels rien n'avait été décidé. Il avait été évoqué une évaluation de leur nombre et de leur nature. À la fin de 2004, le Fonds a été saisi de cent quarante dossiers de sinistres survenus pendant cette période. Un bilan du dispositif devait être effectué afin de savoir s'il était possible de prendre en compte ces dossiers. Qu'en est-il ?

Nous souhaiterions, là encore, obtenir des éléments de réponse, nos concitoyens concernés étant attentifs à cet égard.

Deuxième question liée aux aspects techniques de l'après-mines : celle de l'urbanisme et du foncier dans les communes touchées par l'après-mines.

Cette thématique recouvre en réalité deux sujets différents.

D'une part, je souhaiterais obtenir des informations sur les actions de requalification urbaine que les communes veulent réaliser sur les territoires miniers. Bien souvent, nos collectivités territoriales doivent faire face à des besoins considérables en matière de rénovation des voiries et des réseaux, des logements et des cités minières. Or les actions de requalification des cités minières telles qu'elles ont été entreprises dans le cadre des contrats de plan successifs État-région ou dans le cadre du Groupe interministériel pour la restructuration des zones minières, le GIRZOM, sont loin d'être terminées, notamment en Lorraine.

Dans les bassins houillers, et parfois dans les bassins ferrifères, cette problématique rejoint celle du traitement des zones urbaines sensibles car, au fil du temps, les cités minières, pour certaines d'entre elles, sont devenues des quartiers sensibles. Or nous ne souhaitons pas que, progressivement, s'installe une confusion des unes avec les autres. Le montant estimé des travaux et des actions de requalification est considérable, monsieur le ministre, et nous ne voudrions pas banaliser le traitement des cités minières en faisant de celles-ci des quartiers ANRU. Nous souhaitons qu'elles continuent à bénéficier d'un soutien fort, tant auprès du Fonds européen de développement régional, le FEDER, qu'auprès de l'État et de ses établissements publics - au premier rang desquels l'Agence nationale pour la rénovation urbaine - dans le cadre des futurs contrats de projets.

Un autre problème, monsieur le ministre, est celui du foncier. Les communes concernées par les risques miniers ont besoin de procéder à des acquisitions foncières pour rénover leur urbanisme. Dans un contexte de renchérissement général des prix du foncier, comment peut-on aider ces communes à abaisser les charges qui en résultent notamment pour la construction de logements à destination de nos concitoyens les plus modestes ?

Cette question est d'autant plus cruciale que les collectivités territoriales, qui sont prêtes à mettre la main à la poche, sont aujourd'hui confrontées à la nécessité d'acquérir les terrains que cherchent actuellement à céder les anciens exploitants. En Lorraine, les surfaces disponibles se chiffrent en centaines d'hectares, qui sont la propriété de Charbonnages de France et d'Arcelor - même s'il est plus difficile d'imaginer un accord avec cette dernière entreprise.

Certes, des négociations sont en cours entre les exploitants et les collectivités, notamment sur le bassin houiller. Cependant, la valeur de ces quelques centaines d'hectares n'a pas encore été déterminée et Charbonnages de France n'a pas encore finalisé avec les communes le transfert des terrains.

Au-delà de la question du prix de vente subsiste une interrogation majeure : quel est le devenir de ces centaines d'hectares ? On n'en a jamais parlé. Quelle place peuvent-ils prendre dans l'aménagement du territoire ? Ne pourrait-on pas éventuellement les transférer à un établissement public - par exemple l'Établissement public foncier lorrain -, qui pourrait valoriser ces terrains, les aménager, les faire profiter de soutiens financiers à déterminer pour aboutir à des solutions urbanistiques satisfaisantes ?

Voilà un exemple de sujets qu'il nous faudrait rapidement discuter dans le cadre de l'après-mines Charbonnages de France. La question de l'après-mines ferrifère est différente, mais elle méritera également une réflexion.

Autre question importante : celle de l'emploi. Dans ces zones minières, nous avons perdu énormément d'emplois et nous n'avons pas encore reconstitué totalement le tissu industriel ou économique. Quels moyens seront mis en oeuvre pour faciliter la reconversion des zones frappées par l'arrêt des activités minières ? Il faut aller de l'avant et nous forger des outils de développement. Quels seront ces outils ? Nous souhaitons les voir intégrer dans le contrat de projet État-région de façon que nous puissions conduire une action dynamique. Quelles sont les perspectives pour les crédits européens attendus au titre du FEDER ? Nous souhaitons que, en la matière, l'orientation soit bien définie. Quelle évolution pour la SOFIREM, la Société financière pour favoriser l'industrialisation des régions minières ? Le Gouvernement nous avait indiqué qu'une réflexion avait été envisagée sur ce sujet. Qu'en est-il de la reprise de la FINORPA, la Financière du Nord et du Pas-de-Calais ? Par ailleurs, la survie des fonds d'industrialisation des bassins miniers, en particulier le FIBM, sera-t-elle au moins assurée pour la durée du prochain contrat de projet ?

Je pose ces questions dans la mesure où le soutien au développement économique nous sera nécessaire.

Autre point qui me tient particulièrement à coeur, celui des archives houillères. Elles sont encore actives, qu'il s'agisse des archives médicales ou des archives techniques. Les risques techniques vont encore sévir durant de longues années.

Un groupe de travail devait être constitué pour régler ce problème des archives, dans la mesure où les autorités locales ne peuvent seules en supporter le traitement. Nous souhaitons, avec l'État, avec les ministères de l'industrie et de la culture, trouver une formule qui nous permette de conserver au moins les archives techniques, notamment à Saint-Avold, au titre de la mémoire. Quelles précisions pouvez-vous nous donner sur ce dossier ? Comment seront gérées les archives encore utiles au BRGM, à l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, l'ANGDM, et à la sécurité sociale ? Quelles solutions envisageons-nous pour ne pas laisser au seul département de la Moselle - permettez-moi d'être un peu inquiet - la charge du tri des archives que la loi nous ferait peut-être obligation d'accueillir, charge que nous ne pouvons supporter ?

Enfin, il n'est pas possible de débattre du dossier de l'après-mines sans évoquer la question de la sécurité sociale minière et la mise en place de l'ANGDM. Cette agence, créée en 2004, est opérationnelle depuis janvier 2005. Sa création répondait à la nécessité de garantir la pérennité des avantages sociaux des anciens mineurs. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous dresser un premier bilan de son action ou prendre des dispositions pour que nous soyons informés à cet égard.

Voilà les principales questions que je souhaitais poser. Elles sont nombreuses. C'est un sujet que vous connaissez bien, monsieur le ministre. Je vous remercie de nous avoir écoutés encore une fois. Il ne s'agit pas d'un acharnement de la part des élus locaux. Cette question d'actualité est cruciale, et nous attendons des réponses du Gouvernement. Je sais, monsieur le ministre, que vous avez déjà beaucoup fait, mais nous espérons encore beaucoup.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion