Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 22 juin 2006 à 15h00
Gestion de l'après-mines — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite avant toute chose vous redire combien ce combat de l'après-mines - parce que c'est un véritable combat - est difficile, jalonné d'embûches et pourtant vital pour ces anciens mineurs qui ont marqué les différentes régions minières.

Je m'appuierai dans mon intervention sur l'exemple lorrain que je connais mieux. Pour autant, je n'oublie pas que la France compte de nombreuses régions minières concernées par toutes ces questions.

Je veux rendre hommage ici à ces générations d'hommes et de femmes qui ont fait la richesse de notre pays. Beaucoup y ont payé de leur vie dans des accidents qui ont marqué les mémoires ; d'autres sont décédés prématurément, victimes de la silicose ou encore de l'amiante. Tous ont participé dans des conditions difficiles à la construction de la France.

Ce combat ne cessera que lorsque les réparations auront été effectuées, lorsque leurs droits seront respectés et leur cadre de vie restructuré, lorsque les villes auront été réaménagées, bref, lorsqu'ils auront retrouvé leur dignité.

Aujourd'hui, notre collègue Philippe Leroy souhaite, monsieur le ministre, que vous fassiez le point sur la situation des ayants droit du régime minier et des bassins miniers ainsi que sur l'application de la loi qui a instauré l'ANGDM.

Pour ma part, j'évoquerai surtout le droit au logement - notamment de la mise en vente du parc immobilier d'Arcelor - et du problème de la constructibilité que rencontrent de nombreuses communes.

Tout d'abord, je tiens à rappeler les termes de la question écrite que j'ai déposée le 16 mars 2006. Je souhaitais obtenir de votre part, monsieur le ministre, de plus amples détails notamment sur les baux signés par l'ANGDM et Bail Industrie. En effet, il y est mentionné que le montant du loyer est adapté à l'indemnité chauffage-logement et à l'aide personnalisée au logement. Or cette mesure risque d'entraîner un nouveau statut encadré par le droit commun et de remettre en cause durablement la gratuité acquise, qui est un droit de fait. Aussi, j'avais souhaité avoir des précisions sur les accords passés entre l'ANGDM et Bail Industrie.

Par ailleurs, en cas de vente à des particuliers, le droit du mineur se trouve confronté au droit de la propriété dont bénéficieront les nouveaux acquéreurs. Dans quelle mesure les droits acquis du mineur pourront-ils alors être respectés ?

Si je m'interroge à ce sujet, c'est que, récemment, en Lorraine, un couple de retraités, dont le mari est un ancien travailleur des mines, logé depuis trente ans dans une maison ayant appartenu au parc Arcelor, a vu le nouveau propriétaire utiliser une partie du terrain dont il avait jusqu'alors la jouissance. Il s'agit bien évidemment de personnes âgées sans méfiance et sans défense. Vous imaginez leur émoi. Bien que locataires, ces retraités se sentaient chez eux dans cette maison puisqu'ils y ont passé toute leur vie. Aujourd'hui, le nouveau propriétaire s'y installe, coupe les arbres, démolit leur garage à caravane sans aucune concertation préalable.

Imaginons un instant que, sous couvert de rénovation et de travaux, le nouveau propriétaire décide de les reloger ailleurs. Quelles seront les limites du droit de la propriété dans une telle situation ?

De façon plus générale, la vente des différents lots a conduit à une multiplicité d'interlocuteurs et de cas, et donc à la multiplicité des risques encourus par ces familles de retraités. C'est tout le patrimoine immobilier qui a été bradé dans ces opérations.

En Moselle et en Meurthe-et-Moselle, la majeure partie des logements vendus par Bail Industrie sont devenus la propriété de la Deutsche Bank. Le reste a pu être acquis par les communes et par les organismes d'HLM, soit directement, soit par l'intermédiaire de l'Établissement public foncier de Lorraine.

Si nous ne pouvons mettre en doute la volonté des communes de maintenir le droit des mineurs, il va autrement pour la filiale allemande. De plus, en ce qui concerne les organismes d'HLM, les loyers qu'ils percevront ne seront pas suffisants pour leur permettre de financer la remise en état des habitations, comme les normes les y obligent. Monsieur le ministre, je vous demande donc de bien vouloir considérer ces difficultés à venir et de voir dans quelle mesure nous pourrions aider ces organismes à garantir dans les meilleures conditions la gratuité du logement pour les mineurs.

Par ailleurs, l'ANGDM, qui a pour mission de garantir, au nom de l'État, les droits sociaux des mineurs retraités, semble persister dans ses dysfonctionnements : baisse des prestations, remise en cause permanente des acquis comme la gratuité du logement, retards de paiement, traitement tardif des dossiers.

Les syndicats dénoncent, à juste titre, la situation de blocage à la tête de cet organisme. Tout est prétexte à limiter le versement des prestations aux familles. Est-ce de l'imprévision, de la mauvaise gestion ou plutôt des contraintes financières qui amènent la direction à laisser perdurer une situation défavorable aux ayants droit ? L'heure du bilan est venue avec, je l'espère, à l'issue de ce débat, la possibilité d'une clarification juridique permettant à l'Agence de mener à bien ses missions et de mieux garantir les droits des mineurs.

En outre, sans entrer vraiment dans le sujet, je ne peux pas ne pas évoquer ici, d'une part, le pouvoir d'achat anormalement bas des anciens mineurs par rapport à la moyenne nationale, et davantage encore de leurs veuves, qui sont souvent dans une situation des plus dramatiques, et, d'autre part, les réformes engagées en matière de sécurité sociale, qui menacent la qualité, la proximité et la gratuité des soins. C'est un problème de santé publique qui touche une population dont l'âge moyen se situe autour de soixante-dix ans - soixante-treize ans pour les retraités des mines de fer -, et les besoins sanitaires ne diminuent pas, bien au contraire.

J'en viens à la question de l'urbanisme dans ces bassins miniers touchés par les affaissements. Les élus et les populations ont accueilli la mise en place des plans de prévention des risques miniers, les PPRM, comme un espoir dans un pays frappé par un gel de la constructibilité depuis près de dix ans. La prescription et l'application de ces plans devaient permettre à nouveau de mener à bien des projets d'urbanisme et de redynamiser nos communes au niveau architectural, économique et social.

Or, malheureusement, la réalité est tout autre : considérant la directive territoriale d'aménagement, la DTA, de manière restrictive, les services de l'État indiquent que les constructions en zones contraintes seront des exceptions.

En effet, les PPRM font l'objet d'interprétations variables, remettant aujourd'hui en cause leur portée : beaucoup semblait possible ; maintenant, peu se trouve autorisé.

Pourtant, le secteur touché par les risques miniers n'a jamais connu une telle demande d'urbanisation. C'est une grande opportunité de développement pour la région Lorraine après la désindustrialisation que nous avons connue. C'est pourquoi cette constructibilité doit être défendue et les règles générales en la matière ne doivent pas être rigides.

Ainsi, concernant les matériaux de construction, des expériences intelligentes ont été tentées et mériteraient qu'on les prenne en compte. Malheureusement, l'étude réalisée par le Centre scientifique et technique du bâtiment, le CSTB, qui sert de base dans l'élaboration des PPRM, ne fournit aucune donnée pour des habitations qui comprennent des matériaux comme le métal ou le bois.

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