Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 22 juin 2006 à 15h00
Gestion de l'après-mines — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

Par conséquent, les projets utilisant de telles ossatures sont écartés. Les élus se battent aujourd'hui pour que le territoire obtienne, dans la pratique, le droit à l'expérimentation qui lui est reconnu dans la DTA des bassins ferrifères nord lorrains.

Je me permets ici de revenir sur le paradoxe que rencontrent malheureusement les communes sinistrées : d'un côté, une marge de manoeuvre restreinte quant à la constructibilité ; de l'autre, une obligation de répondre à un quota de 20 % de logements sociaux sous peine d'amende. Je ne m'étendrai pas plus sur le sujet puisque je l'ai abordé lors de l'examen du projet de loi portant engagement national pour le logement. J'espère seulement que les promesses faites alors seront tenues.

Les affaissements miniers ont ainsi provoqué bien des désastres, qui ne cessent de se rappeler à nous au fur et à mesure que nous avançons. En effet, malgré tout ce qui a été enduré, les acteurs de ce bassin minier ne se sont jamais laissés aller. Élus et population ont toujours uni leurs efforts pour lui redonner vie et prouver aux yeux de tous son potentiel et sa réelle attractivité. Mais pour venir à bout des conséquences de l'arrêt de l'exploitation minière, il reste encore beaucoup à faire. Je rappelle à mon tour qu'il existe des dossiers en souffrance pour les dégâts survenus entre 1997 et 1998, notamment dans le bassin de Piennes-Landres.

Les problèmes posés aux communes, en dehors de la constructibilité, sont ceux des voiries et des réseaux détériorés qu'il faut réhabiliter ; mais avec quel argent ? Certains syndicats des eaux gravement touchés sont obligés d'augmenter le prix de l'eau. Je pense notamment au SIAOA, en Meurthe-et-Moselle, toujours en attente d'aide. Le contrat de projet État-Région est prévu pour la fin de l'année et, avec lui, l'espoir d'un financement qui engagera l'État et les grandes collectivités. Il faut absolument que le contrat de projet intègre un volet après-mines comme c'était le cas dans le dernier contrat de plan. Cela permettrait notamment un renouveau économique dans ces bassins miniers.

Je voudrais, à titre d'exemple, vous parler de Moutiers, petite ville de Lorraine qui, depuis 1997, se bat pour reconstruire tout un quartier détruit : 200 bâtiments irréparables ont dû être démolis ; le préjudice est évalué à 22 millions de francs pour la commune, qui a engagé contre Lormines une procédure n'ayant pas encore abouti. Comme si un malheur n'arrivait jamais seul, en 2005, face à cette zone détruite, juste à côté, on a annoncé à quatre-vingt-cinq familles l'existence d'un risque d'effondrement brutal, et donc la nécessité de quitter leur maison.

Dans le premier cas, en 1997, l'indemnisation a été réalisée sur la base d'un protocole d'accord amiable en vertu duquel la valeur prise en compte était la valeur de reconstruction à neuf avec, pour principe de base, la notion d' « un bien de confort et de consistance équivalent ».

Dans le second cas, en 2005, c'est l'estimation des Domaines qui a fait référence : on a pris en compte la valeur vénale des biens, ce qui n'a pas permis aux familles de se reloger à l'identique. Je rappelle que le prix des terrains est en train de flamber.

Même si l'on ne peut pas dire que rien n'a été fait, Moutiers est l'exemple des communes sinistrées en attente d'une indemnisation équitable, non seulement pour ses habitants, mais aussi pour elle-même.

Permettez-moi de vous faire part également de l'inquiétude que connaissent les habitants des communes concernées par l'arrêt du pompage des eaux d'exhaure. Nous savons que cela fragilise un peu plus le sous-sol. Oui, monsieur le ministre, je regrette la décision que l'État a prise malgré les protestations émises contre l'ennoyage et les avertissements d'élus locaux, de syndicats et de l'ensemble de la population.

Je voudrais aussi, monsieur le ministre, rappeler les termes d'une question écrite de Mme Annie David, sénatrice de l'Isère, qui s'inquiétait du sort réservé aux employés des comités d'entreprise de Charbonnages de France, pour lesquels nous avions demandé, lors de l'examen du texte, qu'ils soient intégrés dans l'effectif des mineurs afin de pouvoir bénéficier, eux aussi, des garanties de la profession. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, ce qui a été décidé à ce sujet ?

J'aborderai enfin le sujet des nouvelles concessions minières. Je m'interroge en effet sur leur statut. Pouvez-vous, monsieur le ministre, m'indiquer à ce propos s'il existe une liste exhaustive des concessions qui ont été faites et quels en sont les propriétaires ? Je souhaiterais avoir des précisions sur la façon dont elles pourront être attribuées et exploitées. Si j'ai bien compris les termes de la loi précédente, le code minier et le statut du mineur ne s'appliquent plus. Il serait important de savoir ce qu'il va advenir de ces concessions.

La flambée du prix des matières premières, la question de la politique énergétique, la raréfaction prévisible des combustibles fossiles peuvent rendre à nouveau attractifs les minerais contenus dans notre sous-sol. Qui exploitera alors et dans quelles conditions ? N'avons-nous pas, un peu inconsidérément, laissé disparaître les savoir-faire acquis par des générations de mineurs ?

Pour conclure, il est évident que la gestion de l'après-mines n'a pas été jusqu'à présent maîtrisée. Et nous n'en sommes qu'au début. Il s'agit d'une situation complexe qui nécessite réflexion, organisation et compétence. C'est pourquoi, outre l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, l'ANGDM, qui a sa fonction propre en intervenant sur la protection des droits des anciens mineurs, outre le Bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, dont les compétences sont unanimement reconnues, l'Agence de protection et de surveillance des risques miniers, l'APSRM, avait vu le jour par un décret de mars 2002, afin d'archiver et de mettre à disposition les documents relatifs à la vie des sites miniers, et, surtout, de participer à la préparation des mesures de prévention liées aux risques miniers.

Or, aujourd'hui, l'utilité de l'agence semble remise en cause. L'orientation stratégique de l'établissement reste floue. Avant de supprimer ou de remettre en cause un tel outil et sous réserve d'inventaire, il serait judicieux de voir dans quelle mesure on pourrait le rendre véritablement opérationnel. Nous avons réellement besoin d'un organisme qui puisse faire avancer la réflexion sur les bassins miniers en général, et l'après-mines en particulier. Je sais que l'Europe s'est déjà saisie de cette question.

Ainsi, monsieur le ministre, élus, populations et syndicats attendent de l'État des éclaircissements et des réponses. Ils attendent surtout l'expression de la solidarité nationale.

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