Intervention de Jean-Marc Todeschini

Réunion du 22 juin 2006 à 15h00
Gestion de l'après-mines — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Jean-Marc TodeschiniJean-Marc Todeschini :

Il ne faudrait pas non plus que ce principe, important, conduise automatiquement à classer une zone non étudiée en zone rouge.

Il serait grand temps, sous peine de mettre en péril le développement des collectivités concernées, d'établir avec précision les zones à risques, la nature des aménagements autorisés et de libérer les autres.

Le troisième point que j'aborderai est celui des indemnisations des sinistrés.

Je n'évoquerai pas le nombre de dossiers déposés, je le connais puisque vous avez bien voulu me le communiquer, le 15 juin dernier, en réponse à ma question écrite du 21 octobre 2004. Je me pencherai sur ceux qui n'ont pas été étudiés et sur ceux qui ont été rejetés.

Sur 287 dossiers déposés depuis 2004, 87 - peut-être un peu plus maintenant - ont été étudiés, 30 ont été rejetés, car la majorité des dégâts sont antérieurs au 1er septembre 1998, date retenue par la loi du 30 juillet 2003 et le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, le FGAOD.

À l'époque, nous avions proposé que soit traitée la totalité des sinistres, identifiés comme tels depuis 1994. Cela avait été refusé. Le 24 novembre 2004, au cours d'un débat identique à celui d'aujourd'hui, votre prédécesseur avait précisé que cette question devrait être examinée une fois établie l'évaluation du coût correspondant aux dommages. Où en est-on aujourd'hui, monsieur le ministre ? Le Gouvernement entend-il revenir à cette date de 1994 ?

Chacun connaît l'interminable feuilleton des indemnisations : après moult expertises, contre-expertises, lourdeurs et lenteurs des procédures, les sinistrés parviennent à se faire indemniser, mais à une hauteur insuffisante quand on connaît la valeur actuelle d'une maison sur le marché immobilier dans notre région, proche du Luxembourg et de la Sarre.

Dans le cadre du débat sur la proposition de loi de 2004 portant création de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs et diverses dispositions relatives aux mines, les membres du groupe socialiste avaient présenté un amendement ayant pour objet de faire clairement préciser la notion de réparation intégrale des dommages et de supprimer le principe du plafond.

Cet amendement, qui prévoyait une réparation intégrale des dommages visés au I de l'article L. 421-17 du code des assurances, avait été rejeté par le rapporteur, M. Philippe Leroy, et par le Gouvernement.

Néanmoins, l'État entend-t-il tenir compte de l'intention du législateur qui, voilà quelques années, a clairement indiqué que les sinistrés ne devaient subir aucune perte de valeur sur leurs biens ? Compte-t-il étendre la réparation des dégâts à l'ensemble de la propriété, à savoir aux dépendances, au garage et au terrain ?

À ce stade de mon propos, permettez-moi d'aborder également les difficultés rencontrées par les familles propriétaires concernées par un risque d'effondrement minier, en prenant l'exemple de la commune de Moutiers.

Le 8 mars 2005, l'État annonçait à 87 familles du secteur de Moutiers Haut qu'un risque d'effondrement minier brutal affectait le quartier, plaçant celles-ci sous le coup d'une mesure d'expropriation, comme le rappelait Mme Evelyne Didier.

À compter de février 2006, ces familles propriétaires de leurs logements devaient avoir le statut de locataires à titre gracieux de l'État. Elles ont donc déposé une demande d'exonération de leur taxe foncière, à partir de janvier 2006, qui leur a été refusée. Elles se sont retrouvées paradoxalement expropriées, locataires et redevables de la taxe foncière et de la taxe d'habitation.

Je n'ignore pas que des possibilités de minorer la taxe foncière et la taxe d'habitation existent, et cela me paraît même une bonne chose. Toutefois, déjà fragilisées par le drame des affaissements miniers, ces familles sont pénalisées et leurs difficultés ne se règlent pas.

Dans ces conditions, le Gouvernement envisage-t-il pour les familles concernées aujourd'hui, comme pour celles qui subiront dans l'avenir les mêmes désagréments, de les exonérer de la taxe foncière et de la taxe d'habitation ?

En outre, l'État aura-t-il les ressources nécessaires pour assurer l'indemnisation des sinistrés ? Les 500 000 euros de crédits de paiement affectés à l'indemnisation dans le programme 174 de la loi de finances pour 2006 au titre des « passifs financiers miniers » seront-ils suffisants ?

Le programme 174 consent un effort, certes, puisqu'il est en augmentation de 2, 7 %, mais sur les 672 millions d'euros affectés, 86 % sont consacrés aux prestations sociales des anciens mineurs et à certains retraités des industries gazières et électriques d'Afrique du Nord.

Cela me permet de faire la transition avec le dernier point que j'évoquerai, l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs.

Cette agence, on le sait, a connu un certain nombre de dysfonctionnements qui remettaient en cause les acquis des mineurs, des anciens mineurs et de leurs ayants droit, en liaison aux retards de paiement des prestations.

Je peux comprendre que le statut juridique d'établissement public administratif, EPA, ait nécessité, depuis janvier 2005, une adaptation des procédures internes de travail et de contrôle, qui s'est opérée progressivement et a allongé les précédents délais d'instruction et de traitement des demandes.

Je peux comprendre également que ces règles et ce contrôle traduisent l'obligation pour tout EPA d'apporter aux citoyens la garantie que les fonds publics qui lui sont confiés sont utilisés à bon escient et dans des conditions d'une régularité incontestable.

Mais cela ne justifie pas tout : les problèmes existent, ne serait-ce que ceux qui sont liés aux « us et coutumes » dont l'inventaire a été dressé en 2001 et annexé au décret du 23 décembre 2004. Ce recensement fut incomplet, et vous l'avez reconnu, tant et si bien que les comités locaux devront le compléter par un deuxième inventaire, qui sera ensuite validé par le conseil d'administration de l'agence. Ces droits, qui devront être attestés au moins par des preuves financières, seront maintenus, mais non étendus.

Dès lors, comment entendez-vous faire, monsieur le ministre, pour préserver un traitement égalitaire, équitable ? Les ayants droit auront-ils le bénéficie de ces us et coutumes ?

Par ailleurs, les agents des mines ou leurs ayants droits sont traditionnellement logés dans un parc immobilier issu des anciens exploitants. Ce patrimoine est en cours de restructuration.

Le Gouvernement prévoit-il la signature de conventions entre l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs et les bailleurs sociaux, afin de répondre aux attentes des agents logés et aux besoins d'adaptation de l'ancien patrimoine, et ce sans remettre en cause le droit au logement gratuit ?

Quant à la gratuité des soins pour les mineurs et leurs ayants droits, chacun sait que la disparition de la sécurité sociale minière a été programmée. Cette dernière, riche en équipements médicaux, assure jusqu'à présent l'intégralité des soins pour les ayants droit. La carte Vitale, dont ils bénéficient désormais, devrait leur donner le statut de malade pris en charge à 100 % par la sécurité sociale. Est-ce le cas ? À défaut, il s'agirait d'un recul sur le plan des avantages acquis par la corporation minière.

Enfin, le décret du 3 mai 2002 a permis de corriger partiellement l'écart entre les retraites minières et celle du régime général. En effet, les mesures de revalorisation de ce décret ne concernent que les mineurs ayant liquidé leurs retraites après 1987. Il pénalise les mineurs des anciens bassins. Le Gouvernement envisage-t-il de remédier à cette inégalité en attribuant des trimestres supplémentaires aux mineurs ayant liquidé leur retraite avant 1987 ?

Telles sont les questions qu'il me semblait important de soulever à nouveau aujourd'hui.

Je vous remercie des réponses que vous pourrez y apporter, monsieur le ministre. Elles sont très attendues par les communes, les populations et les mineurs, qui comptent sur la solidarité nationale. Une solidarité qui devra encore s'exercer pendant des décennies, car nous ne sommes malheureusement qu'au début des difficultés, non seulement dans le bassin sidérurgique, mais aussi, et surtout, dans le bassin houiller lorrain.

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