Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 22 juin 2006 à 15h00
Gestion de l'après-mines — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Gérard LonguetGérard Longuet :

J'attire votre attention sur le climat consensuel dans lequel sont intervenus les orateurs précédents : Philippe Leroy en particulier pour l'après-mines charbon dans l'Est mosellan, Évelyne Didier avec des accents de vérité et d'authenticité sur les secteurs du bâtiment, de l'urbanisme des communes du bassin ferrifère et, à l'instant, Jean-Marc Todeschini notamment sur le problème social et la mise en place effective de la garantie des droits mineurs, au-delà de l'agence, dans la réalité quotidienne.

En effet, nous suivons avec une attention toute particulière la situation des anciens salariés des communes dont l'activité a été pendant des décennies un facteur de richesses pour l'économie lorraine, mais, d'une façon générale, pour l'État et, accessoirement, avant les nationalisations, pour les entreprises privées qui ont su s'y constituer des patrimoines.

Je m'exprime, à cet instant, non pas au titre de mes responsabilités anciennes qui m'ont amené à m'intéresser à ce sujet comme président de région ou comme ministre de l'industrie, mais tout simplement en tant que sénateur de la Meuse, même si, sur les trois départements lorrains concernés par l'action après-mines, le mien est sans doute celui qui l'est le plus modestement.

Le département de la Meuse partage avec le Pays Haut, la Meurthe-et-Moselle et le bassin de Landres-Bouligny les difficultés qui sont spécifiques au secteur de l'après-mines ferrifère. Il le fait de façon modeste en apparence seulement, car, en réalité, mon département a très longtemps servi de réservoir de main-d'oeuvre pour les activités sidérurgiques et ferrifères à la réussite desquelles il y a donc contribué. Ainsi, les cars de ramassage de la mine ou de la sidérurgie, qu'elles soient de Longwy, de la Fensch ou de l'Orne, allaient chercher dans les bourgs ruraux de la Meuse la main-d'oeuvre nécessaire à la réussite de ces activités. À cet instant, nous ne pouvons pas l'oublier.

Naturellement, nous sommes solidaires des propos qui ont été tenus en ce qui concerne les droits sociaux, même si les effectifs sont moins nombreux à être touchés.

Je souhaite revenir sur la nécessité, évoquée par Évelyne Didier, comme par Philippe Leroy, de prolonger l'action menée dans le cadre du volet « après-mines ».

Le contrat de plan, négocié avec l'État en 2000, était modeste, voire médiocre, au regard du contrat de plan précédent et n'a été satisfaisant pour la Lorraine qu'en raison de l'apport constitué par le volet après-mines. L'engagement du gouvernement de l'époque, M. Lionel Jospin était alors Premier ministre et M. Christian Pierret, ministre délégué à l'industrie, a pu jouer un rôle en faveur de l'après-mines, a permis d'obtenir des crédits substantiels, qui ont ramené l'action de l'État à un niveau comparable à celui qui avait été obtenu dans le contrat précédent.

Ainsi, dans le département de la Meuse, c'est bien le volet après-mines qui a permis de financer la déviation de la RN 18 à Étain, apportant la sécurité aux habitants de cette commune et, surtout, favorisant un désengagement du Pays Haut et du pôle d'activité de Longwy et de Mont-Saint-Martin.

Ce volet après-mines reste indispensable. Alors que vous préparez les contrats de projets qui vont associer l'État avec les régions, les départements, les communes - dans une complication que j'ai d'ailleurs parfois du mal à maîtriser -, je souhaite que les actions spécifiques de l'après-mines soient retenues.

Je pense, en particulier, au bassin ferrifère du Pays Haut meurthe-et-mosellan et de la Meuse, parce que nous avons une opportunité qu'il nous faut saisir, monsieur le ministre, et tel est le sens de mon intervention.

Je ne nie aucune des contestations exprimées par mes prédécesseurs à cette tribune et j'y ajouterai une interrogation spécifique quant au rôle que vous entendez confier à l'Agence de prévention et de surveillance des risques miniers, dont la mise en oeuvre semble plus difficile que prévu.

Permettez-moi d'attirer votre attention sur le fait que ce volet après-mines n'est pas uniquement défensif et ne vise pas simplement à donner aux collectivités locales les moyens de reconstituer leur patrimoine de réseaux, comme l'a dit Philippe Leroy à juste titre. Il s'agit également de saisir l'opportunité considérable que constitue, pour ce bassin ferrifère, le développement du Luxembourg en général et, plus particulièrement, de la zone d'activité luxembourgeoise de Esch-Belval.

Près de 20 000 emplois de services sont prévus, et de fortes raisons incitent à penser que l'optimisme luxembourgeois n'est pas sans fondement.

Les Luxembourgeois ont fait le choix d'une localisation sur d'anciennes friches industrielles situées à la frontière de la France et du Luxembourg non pas tant pour nous faire plaisir, mais pour se simplifier la vie, c'est-à-dire pour bénéficier d'une main-d'oeuvre qualifiée, compétente, formée, abritée, distraite, assurée en services de santé par la vie collective française. Cette main-d'oeuvre n'encombrera pas inutilement les réseaux d'infrastructures de transports luxembourgeois, puisque la zone de Belval est exactement à la frontière.

Encore faut-il que les communes minières du bassin ferrifère puissent accompagner la demande de logements qui se manifeste aujourd'hui. Par exemple, en Meuse, dans la commune de Bouligny, qui m'est familière, j'ai pu constater, pour avoir fait le tour des quatre cités minières, que si les rénovations sont en cours, elles restent à poursuivre, et que les ventes immobilières ont quasiment cessé, toutes les maisons ayant été vendues, à la suite d'un mouvement de migration de toute une population qui se déplace vers le nord lorrain pour bénéficier de l'opportunité qui s'offre à elle.

Nous devons aider ces communes en réalisant très rapidement les cartes d'aléas miniers, afin de leur permettre de réaliser des projets. Aujourd'hui, elles sont totalement paralysées.

La commune de Dommary-Baroncourt, qui dispose d'une zone d'activité considérable de soixante hectares, se voit notifier l'impossibilité d'utiliser plus d'un tiers de cette superficie parce que le PPRM et l'absence de carte précise d'aléas miniers aboutissent à empêcher toute action, à titre de précaution.

De la même façon, des maisons qui devraient être rénovées ne peuvent l'être, quand bien même les financements privés nécessaires existent, du fait d'une interprétation, certes compréhensible mais parfois excessive, du principe de précaution qui conduit à bloquer la délivrance des permis de construire.

Surtout, il faut reprendre le volet « infrastructures » de l'après-mines. Or, monsieur le ministre, en tant que président de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, je suis bien placé pour dire que nous craignons que l'État ne soit pas, ou n'ait pas les moyens d'être, le partenaire des collectivités locales, départementales principalement, dans la construction d'un réseau conforme à cet objectif simple : rendre accessible cette zone d'activité.

Il s'agit donc, pour employer un terme savant, d'élargir les courbes isochrones de temps d'accès à la zone d'Esch-Belval afin que les communes de l'ensemble du bassin ferrifère qui, depuis les débuts de l'exploitation de la minette lorraine, ont apporté par le passé leurs capacités de main-d'oeuvre à cette zone d'activité traditionnelle retrouvent la même fonction en accueillant des actifs - non plus, certes, de l'industrie mais du secteur tertiaire - qui feront le choix d'y habiter dès lors, d'une part, que le risque minier aura été dissipé ou, plus exactement, que la réalité du risque minier aura été clarifiée et, d'autre part, que sera assuré le soutien de l'État aux collectivités locales, départementales et intercommunales, pour mettre en oeuvre une politique d'infrastructures de transport rendant accessible la zone d'activité de l'ouest Lorrain qui irrigue le Pays Haut.

Si nous parvenons à un tel résultat, monsieur le ministre, nous aurons fait pour l'après-mines un effort de reconstitution et de protection qui constituerait non seulement un hommage, rendu par la collectivité nationale, au travail des communes et pays miniers, mais aussi et surtout une promesse d'avenir pour des territoires qui ont désormais la ferme intention d'aller au-delà du souvenir pour épouser à travers cette modernité transfrontalière des promesses de réussite.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion