Intervention de Nicolas About

Réunion du 22 juin 2006 à 15h00
Prolongation du congé pour événement familial — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission

Photo de Nicolas AboutNicolas About, président de la commission des affaires sociales, rapporteur :

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, afin que les salariés puissent mieux concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale, le code du travail leur accorde le bénéfice de jours de congé exceptionnels dans certaines circonstances de leur vie personnelle : mariage, naissance d'un enfant ou décès d'un proche.

Le nombre de jours de congé varie selon les situations. Il est, par exemple, d'une journée en cas de décès d'un parent, d'un beau-parent, d'un frère ou d'une soeur, de deux jours en cas de décès du conjoint ou d'un enfant, et de quatre jours en cas de mariage du salarié.

Le congé est accordé sur présentation de justificatifs - acte de naissance, acte de décès, entre autres - et n'entraîne, pour le salarié, ni perte de rémunération ni réduction de ses droits à congés payés. Il n'est pas nécessairement pris le jour de l'événement considéré ; il peut donc l'être dans les quelques jours qui suivent ou qui précèdent.

Dans sa version initiale, la proposition de loi déposée par le groupe de l'Union centriste-UDF visait à porter de deux à cinq jours la durée du congé accordé en cas de décès du conjoint ou d'un enfant à charge.

Il convient de préciser que, depuis 1999, le congé prévu en cas de décès du conjoint s'applique aussi bien, de plein droit, en cas de décès du partenaire d'un PACS.

En revanche, la durée du congé resterait de deux jours en cas de décès d'un enfant majeur n'étant plus à la charge de ses parents.

Deux types de considération justifient, selon la commission, une telle modification.

Relevons, tout d'abord, des considérations pratiques. Un congé de deux jours est trop bref pour permettre au salarié de faire face, dans de bonnes conditions, aux conséquences du décès, notamment pour assurer l'organisation des obsèques, ce qui amène un grand nombre de salariés à demander un arrêt de maladie pour disposer d'un délai supplémentaire, situation qui pèse sur les entreprises.

Notons ensuite des considérations éthiques. On peut s'étonner que la durée du congé soit plus élevée en cas d'événement heureux - mariage ou naissance - qu'en cas de décès d'un proche. Sans doute faut-il y voir une illustration de la difficulté de nos sociétés contemporaines à affronter la mort et à accompagner les mourants, difficulté bien analysée par l'historien Philippe Ariès et par le sociologue Norbert Elias.

J'ajoute qu'il est singulier que la durée du congé accordé pour des événements prévisibles, connus longtemps à l'avance, comme un mariage ou une naissance, soit plus longue que celle du congé accordé pour des événements par nature plus difficiles à anticiper, tels qu'un décès.

La commission a apporté deux modifications importantes à la proposition de loi que nous examinons actuellement.

Elle a décidé, tout d'abord, de fixer la durée du congé en cas de décès à quatre jours, et non à cinq comme le proposaient les auteurs de ce texte, afin de l'harmoniser avec celle qui est prévue en cas de mariage du salarié.

Elle a souhaité, ensuite, étendre le bénéfice du congé au cas du décès du concubin du salarié. En effet, elle a jugé anormal que le code du travail n'accorde aucun jour de congé au salarié dont le concubin décède, alors qu'il se trouve dans une situation tout à fait analogue à celle du salarié qui perd son conjoint ou son partenaire de PACS.

La mesure que la commission vous propose ne représente pas une grande innovation juridique, puisque notre droit social aligne déjà souvent les droits des concubins sur ceux des couples mariés. Elle permet, en revanche, de tenir compte d'une évolution majeure de notre société.

L'adoption de cette proposition de loi ferait peser, j'en conviens, une charge supplémentaire, quoique minime, sur quelques entreprises. Mais cette charge serait trop modeste pour avoir un impact significatif sur l'économie ou sur l'emploi.

Rappelons que certaines conventions collectives accordent déjà un nombre de jours de congé supérieur au minimum légal de deux jours, de sorte que l'impact réel de la mesure proposée sera plus modeste que ce qu'il peut sembler être à première vue.

Il est à noter que l'assurance maladie et, par voie de conséquence, les entreprises pourraient même réaliser quelques économies grâce à cette mesure, puisque les salariés seraient moins incités qu'ils ne le sont aujourd'hui à demander un arrêt de maladie pour bénéficier d'un congé supplémentaire. Et là, mes chers collègues, c'est le médecin qui parle !

La proposition de loi, qui tend à modifier le code du travail, est sans incidences sur le droit au congé des fonctionnaires. La commission n'a pas souhaité changer le régime applicable aux agents publics, d'une part, parce que le droit de la fonction publique ne relève pas du champ de sa compétence, d'autre part, et surtout, parce qu'il aurait été difficile d'étendre cette mesure aux fonctionnaires sans bouleverser le régime juridique de leur droit à congé pour événement familial, qui de toute façon couvre parfaitement tous les cas de figure.

Dans l'administration, l'autorisation d'absence pour événement familial n'est pas de droit, le plus souvent, mais résulte d'une mesure de bienveillance du supérieur hiérarchique de l'agent, accordée, certes, sous réserve des nécessités du service, mais il est toujours possible de trouver un arrangement.

On voit que l'adoption de ce texte aura un impact infime sur les entreprises mais considérable sur les salariés les moins bien protégés par des accords de branche ou d'entreprise et qui sont frappés par la mort de leur conjoint ou de leur enfant. À titre personnel, je n'ignore pas les difficultés qui les accablent, ayant connu ces deux types d'épreuve.

Ces précisions étant apportées, je vous invite, mes chers collègues, loin des calculs partisans et tout en pensant au désarroi des quelques personnes concernées, à adopter cette proposition de loi dans la rédaction qui résulte des travaux de la commission.

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