Intervention de Jean-François Lamour

Réunion du 22 juin 2006 à 15h00
Arbitres — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission

Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier M. Jean-François Humbert de tout l'intérêt qu'il porte au sport. La proposition de loi que vous examinez aujourd'hui en témoigne une nouvelle fois.

Ce texte apporte une réponse aux préoccupations exprimées conjointement, et depuis bien longtemps, par le corps arbitral français, les fédérations sportives et les ligues professionnelles, toutes disciplines confondues. Vous avez été, monsieur le sénateur, à l'écoute des souhaits formulés par les arbitres et juges, et vous vous êtes inspiré de l'ensemble des travaux conduits par le mouvement sportif et par le ministère.

Cette réforme, qui concerne le statut des juges et arbitres, s'inscrit en parfaite cohérence avec les objectifs de la politique que je mène depuis 2002 en faveur de la promotion des valeurs éducatives et sociales du sport. L'éthique sportive est au coeur de ces valeurs.

Vous me permettrez à ce propos de citer Alain Ehrenberg, sociologue et chercheur au CNRS. Dans son livre intitulé Le culte de la performance, il écrit : « Le sport est un monde de rapports tranchés par la force et la règle. Il réconcilie ce que toute une tradition de la philosophie politique a constamment opposé, la force et le droit. En sport, la force n'est pas un arbitraire, car elle se plie au droit. La compétition, en objectivant les rapports de la force dans une règle face à laquelle chacun est égal, est la scène où le droit du plus fort n'est jamais la force qui bafoue le droit. » Voilà l'expression même, monsieur le sénateur, de l'objet de votre proposition de loi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, lorsque la règle est contournée et que l'autorité sportive n'est plus en mesure de la faire respecter, c'est l'essence même du sport qui est en cause.

Le rôle de l'arbitre ou du juge est donc essentiel. Il doit avoir, pour la défense de l'éthique sportive, les moyens d'exercer pleinement sa mission. C'est la raison pour laquelle j'ai inscrit dans mes priorités l'amélioration de la situation de l'arbitre, dans un contexte général où les actes de non-respect de la règle se multiplient.

J'ai ainsi confié, au mois de janvier 2005, à Me Marie-Thérèse Leclerc de Hauteclocque, avocate au barreau des Hauts-de-Seine, une mission d'étude sur les évolutions du statut juridique, fiscal et social des arbitres qu'il convenait de mettre en oeuvre afin de répondre à leurs préoccupations.

Parallèlement, sur l'initiative du ministère, un séminaire de réflexion a été organisé au centre d'éducation populaire et de sport de Châtenay-Malabry, le CREPS qui porte désormais le nom de Colette Besson, sur l'évolution des filières d'accès à l'arbitrage et, notamment, sur la structuration des filières de formation des arbitres en compétition.

La première reconnaissance de la spécificité de la mission des arbitres et juges sportifs, vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, est l'affirmation juridique de leur indépendance. La proposition de loi qui est aujourd'hui débattue en tire toutes les conséquences, notamment en précisant qu'il n'existe pas de lien de subordination, dans l'accomplissement de leur mission, entre les arbitres et les fédérations.

Au-delà même de ses conséquences fiscales et juridiques, la portée de cette disposition est essentielle pour conforter aux yeux de tous la place du corps arbitral.

La protection de l'arbitre doit être renforcée dans le cadre de l'exercice de sa mission. Les travaux que j'ai menés en collaboration avec mon collègue garde des sceaux, Pascal Clément, avec pour objectif le renforcement de la protection pénale des arbitres, ont également servi de base à l'élaboration de la proposition de loi du sénateur Jean-François Humbert ; je m'en réjouis tout particulièrement.

Les arbitres seront désormais « chargés d'une mission de service public », et leur protection pénale s'en trouvera renforcée. Cela s'inscrit dans le cadre plus général de la politique gouvernementale de lutte contre la violence dans les stades : je pense notamment aux mesures d'interdiction de stade ou à la possibilité de dissoudre les associations de supporters, dont vous avez débattu ici même voilà quelques semaines.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, 153 000 arbitres et juges, toutes disciplines confondues, sont concernés par cette évolution qui, reconnaissant pleinement et justement l'importance de leur mission, leur assure une protection à la mesure de ses difficultés. Je regrette en effet que de trop nombreux arbitres aient été découragés, las de subir malheureusement trop souvent insultes, défiances, agressions ou autres intimidations.

Parallèlement à cette évolution législative indispensable, il est essentiel d'accentuer nos actions en faveur de la formation des jeunes générations de joueurs et d'arbitres.

Cette politique est déclinée autour de quatre priorités. Il s'agit tout d'abord de mettre en place une filière d'arbitrage attractive s'appuyant sur une politique fédérale volontariste de recrutement et de formation. Il s'agit ensuite de prendre en compte l'environnement de la compétition dans la formation des arbitres afin d'agir en faveur d'un meilleur respect de l'éthique sportive et, avant tout, de lutter contre les incivilités dans le sport. Il s'agit encore de reconnaître l'arbitre en tant qu'acteur à part entière de la compétition en développant des filières de formation où joueurs et arbitres sont ensemble confrontés aux mêmes situations. Il s'agit enfin de valoriser les bonnes pratiques par l'intermédiaire du pôle ressources national « sport-éducation-insertion » implanté au CREPS de Franche-Comté.

La gestion des conflits, la préparation d'un match à risque, le dialogue avec les parents, la responsabilisation des joueurs et des entraîneurs face aux conséquences de leurs actes ou propos, le rappel à la loi, voilà autant de thématiques qui ont toute leur place dans les modules de formation organisés par les fédérations et par l'État.

Je tiens enfin à saluer la qualité du travail accompli, en particulier, par M. Michel Dailly, président de l'Association française du corps arbitral multisports, et par M. Jean-Louis Boujon, directeur de l'Union nationale du sport scolaire, au travers de sa filière des jeunes officiels.

La proposition de loi de M. Humbert aménage le régime d'exonération fiscale et sociale dont bénéficient les arbitres et juges en deçà d'un certain plafond, désormais annuel. C'est la juste reconnaissance de la spécificité de leur activité et de l'importance de leur mission.

Je vous informe à ce sujet que le Gouvernement présentera des amendements visant à ce que le dépassement du plafond annuel ne prive pas les arbitres de la faculté de bénéficier du remboursement des frais professionnels qu'ils exposent à l'occasion de leur mission.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le respect de la règle et de l'autorité est l'une des conditions sans lesquelles le sport perdrait son identité et sans lesquelles la pratique sportive ne serait plus en mesure de porter les valeurs de la République auxquelles nous tenons collectivement. Les arbitres et juges sportifs sont garants de l'équité des compétitions et du respect de l'éthique sportive.

Vous l'avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est tout à fait favorable à cette reconnaissance longtemps attendue par le corps arbitral. Elle nous donnera la possibilité de leur accorder la place qu'ils méritent, c'est-à-dire une place centrale dans l'organisation du sport dans notre pays.

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