Intervention de Colette Mélot

Réunion du 22 juin 2006 à 15h00
Arbitres — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission

Photo de Colette MélotColette Mélot :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis aujourd'hui est très attendu du milieu sportif. Il permettra de sécuriser l'activité des arbitres et d'améliorer le régime social et fiscal qui leur est applicable.

Lorsque la commission a reçu le président de l'Association française du corps arbitral multisports, l'AFCAM, en mars dernier, celui-ci nous a communiqué des chiffres révélateurs d'un malaise grandissant : en cinq ans, toutes disciplines confondues, plus de 20 000 arbitres ont quitté la profession.

En ce qui concerne le football, il est de plus en plus rare de voir des arbitres diriger des rencontres au-delà de cinquante ans. De leur côté, les jeunes arbitres restent peu de temps. Selon la Fédération française de football, 60 % des nouvelles recrues arrêtent après trois ans et 30 % après une année. Même si un dispositif de tutorat a été mis en place par la Fédération, avec un accompagnement pendant les premiers matchs par un arbitre plus ancien, la corporation a manifestement du mal à susciter des vocations.

Cette désaffection a plusieurs causes. Malheureusement, ce sont surtout les problèmes de sécurité qui découragent les arbitres. Il est évident que la violence dirigée contre les arbitres fait partie d'une violence plus générale, dont nous constatons la forte présence dans notre société. Des reproches ont de tout temps été adressés aux arbitres, mais il n'existait pas un tel manque de respect, pouvant aller jusqu'aux coups. Ce sont à la fois des actes de violence grave qui se multiplient et une multitude d'incidents que l'on peut qualifier de mineurs, mais qui entretiennent un climat d'insécurité.

Diriger une rencontre devient de plus en plus difficile, même au plus bas niveau. Alors que l'esprit sportif est tout le contraire d'un esprit revanchard et agressif, on voit se multiplier les « mauvais gestes », également d'ailleurs chez certains sportifs, qui devraient pourtant montrer l'exemple.

Ainsi, les rencontres sont de plus en plus souvent interrompues. En ce qui concerne le football, les arrêts de match ont augmenté de 68% en quatre ans. Certaines régions sont plus touchées que d'autres. Durant la dernière saison, treize incidents contre les arbitres ont été signalés dans la région PACA, mais c'est le Pas-de-Calais qui a connu le plus grand nombre d'actes de violence, avec vingt-trois faits déclarés.

Cela a d'ailleurs décidé les arbitres à déclencher une grève, qui a abouti à la tenue d'une table ronde avec les dirigeants de la Ligue de football professionnel.

La violence du dimanche n'est plus circonscrite aux seules cités sensibles : elle existe dans des quartiers tranquilles et dans les campagnes les plus paisibles. Un article du journal Le Monde paru l'année dernière rapporte des témoignages d'arbitres agressés. On y apprend que le département des Deux-Sèvres, connu pour son faible taux de délinquance et de criminalité, a subi en l'espace de quatre mois autant d'incidents contre les arbitres que pendant les quinze dernières années.

Le football est le sport le plus concerné par les actes de violence, mais aucune discipline n'est épargnée. À cela, il faut ajouter que la dégradation du climat social autour des matchs échappe largement aux statistiques, tous les incidents n'étant pas signalés.

Il est urgent de combattre ces dérives. Je me réjouis que notre Haute Assemblée ait récemment adopté un texte visant à prévenir les violences collectives, celles du hooliganisme, des petits groupes qui se réunissent pour la violence et non pour le sport.

La présente proposition de loi fait un pas supplémentaire en faveur des arbitres en reconnaissant qu'ils sont investis d'une mission de service public, ce qui permettra d'aggraver les peines encourues pour les principales infractions d'atteintes aux personnes. Espérons que cela dissuadera les fauteurs de troubles.

En outre, jusqu'à présent, de nombreux arbitres estimaient inutile de saisir la justice pour un simple coup-de-poing ou une bousculade, pensant que l'infraction ne serait pas ou peu sanctionnée. Dorénavant, ils sauront que des peines aggravées sont encourues, au même titre que s'il s'agissait d'agressions contre un policier. Il est important de montrer aux arbitres qu'ils sont pris en considération en les faisant bénéficier d'une attention particulière sur le plan pénal.

J'ajoute que la prévention joue un rôle essentiel. Monsieur le ministre, je tiens à vous féliciter pour les actions que vous avez déjà menées en matière de sensibilisation aux valeurs du sport. Je salue votre détermination à lutter contre les incivilités et contre la violence, notamment en soutenant les initiatives locales qui sont mises en oeuvre par les associations ou par les clubs sportifs.

La coupe du monde de football est un moment privilégié pour communiquer sur les valeurs fondamentales liées au sport, notamment sur le respect dû aux arbitres. Vous avez symboliquement invité quatre cents jeunes de moins de treize ans à assister aux rencontres de préparation de l'équipe de France, parce que leurs clubs avaient obtenu le challenge du fair-play. De telles initiatives sont les bienvenues, car le message doit passer avant tout auprès des jeunes.

La proposition de loi n'est pas seulement un instrument permettant d'assurer la sécurité des arbitres. Elle prévoit également plusieurs dispositions visant à améliorer leur statut. Il était important de prendre des mesures concrètes qui montrent la reconnaissance de la profession par les pouvoirs publics.

On peut en effet regretter, comme l'a souligné le rapport de Me Leclerc de Hauteclocque, qui vous a été présenté le 25 mai 2005, monsieur le ministre, que la réglementation applicable aux arbitres soit éparse et lacunaire. Il aura fallu attendre la loi du 16 juillet 1984 pour que les premières mesures législatives les concernant soient prises. Les fédérations sportives sont intervenues pour organiser la pratique arbitrale, mais sans répondre à certaines questions importantes, notamment la qualification du lien les unissant aux arbitres.

Aussi la proposition de loi permet-elle plusieurs avancées.

Tout d'abord, l'indépendance des arbitres est affirmée. Bien évidemment, l'arbitrage nécessite une certaine autonomie afin que, sur le terrain de sport, les décisions soient prises en toute impartialité. L'indépendance est au coeur de l'exercice de la fonction arbitrale. Il existait jusqu'à présent une grande incertitude sur la qualification du lien qui unit les arbitres à leur fédération. Cette incertitude conduisant à une appréciation au cas par cas, elle était source d'insécurité juridique et je me réjouis donc de l'inscription de l'absence de lien de subordination au sens du code du travail.

Ensuite, et ce sera un moyen de rendre la fonction plus attractive, la proposition de loi prévoit une amélioration du régime social et fiscal des arbitres

En matière sociale, le texte s'inspire du dispositif existant pour définir un régime plus favorable.

Sur le plan fiscal, un régime dérogatoire particulièrement avantageux permet d'exonérer d'impôt sur le revenu les indemnités perçues lorsqu'elles ne dépassent pas un certain seuil. Seuls ceux qui en ont réellement besoin - les arbitres amateurs - bénéficieront des nouvelles mesures.

Comme le souligne le rapport de la commission, la proposition de loi n'a pas pour ambition de régler tous les problèmes, mais elle constitue une première étape en vue d'aboutir à la reconnaissance d'un véritable statut de l'arbitre. Monsieur le ministre, nous vous faisons toute confiance pour que ce projet aboutisse prochainement.

Je conclurai en remerciant M. le rapporteur d'avoir pris en considération les difficultés rencontrées par les arbitres sportifs et d'avoir ainsi salué leur rôle, aussi délicat qu'indispensable. Sans arbitre, il n'y aurait pas de sport ! Bien évidemment, le groupe de l'UMP votera cette proposition de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion