Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 14 décembre 2010 à 14h30
Simplification et amélioration de la qualité du droit — Articles additionnels avant l'article 29

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Les principes de droit encadrant les écoutes et en particulier l’accès aux factures détaillées ont été strictement définis par la CNCIS, et, encore tout récemment, au mois de septembre 2010.

La CNCIS, qui est sous l’autorité du Premier ministre, rappelle que l’article 20 de la loi du 10 juillet 1991, sur le fondement duquel les services de la DCRI se sont appuyés pour s’affranchir du cadre légal sur les écoutes, ne concerne que la défense des intérêts nationaux et ne porte que sur les seules transmissions empruntant la voie hertzienne. Ce sont les termes de l’article 20.

Selon la CNCIS, concrètement, l’article 20 concerne uniquement une surveillance générale du domaine radioélectrique par des opérations aléatoires de balayage des fréquences mais ne concerne en aucun cas l’emploi des téléphones portables et encore moins les factures détaillées les concernant. C’est d’ailleurs ce que vous m’avez dit, monsieur le rapporteur. Puisque tel est le cas, vous devez convenir que cet article a été indûment utilisé. Il a été employé, en effet, pour des balayages qui n’étaient pas du tout aléatoires.

Le recours aux factures détaillées est soumis à un contrôle hebdomadaire a posteriori par la CNCIS, les demandes étant centralisées au niveau des services du Premier ministre. Les services de renseignement ne peuvent solliciter directement les opérateurs pour les demandes de prestation. C’est pourtant ce qu’ils ont fait, monsieur le ministre !

Lors de l’examen du présent amendement en commission, le président Jean-Jacques Hyest a considéré que, s’il n’était pas utile de réviser la loi du 10 juillet 1991, des sanctions s’imposaient.

Nous pensons, pour notre part, qu’en plus de condamner ces pratiques en prononçant des sanctions, le dispositif légal doit être renforcé. C’est la raison pour laquelle nous proposons de compléter l’article 20, afin de préciser que les opérations d’interception auxquelles il s’applique ne sauraient viser les communications individualisables, localisées et quantifiables. Telle était, d’ailleurs, l’intention du législateur en 1991, comme en témoignent les travaux préparatoires.

L’intérêt national commande que les services de renseignement aient des moyens d’action pour lutter contre le terrorisme, l’espionnage, la criminalité organisée. Mais tout cela doit être accompli dans le strict respect des libertés publiques. Nous ne pouvons nous satisfaire d’une démocratie du soupçon.

Monsieur le ministre, vous avez tout à l’heure fait référence à des événements de l’histoire récente. Il y a eu, effectivement, des manquements – et ce mot est faible – dans le passé, je le dis clairement. Mais j’affirme tout aussi nettement que les manquements du passé ne sauraient justifier ceux d’aujourd’hui ou de demain.

Vu les faits, connus et incontestables, il est sage de renforcer l’article 20 de la loi du 10 juillet 1991 sur lequel porte cet amendement en indiquant de manière explicite que cet article ne peut pas s’appliquer aux communications individualisables, localisées et quantifiables. Autrement dit, le balayage sera vraiment aléatoire et ne visera pas de manière explicite, comme cela a été le cas, telle ou telle personne en raison de ses fonctions ou de son activité professionnelle.

C’est très clair : si vous adoptez cet amendement, les graves dérives auxquelles nous avons assisté deviendront impossibles. Ce serait une grande sécurité pour notre République et pour notre droit.

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