C’est à lui de donner la réponse, tout de même !
L’article 86 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales autorise l’expérimentation des établissements publics d’enseignement primaire.
Un décret en Conseil d’État devait déterminer les règles d’organisation et de fonctionnement de ces établissements. Or, plus de six ans après l’entrée en vigueur de la loi, ce décret n’a toujours pas été pris. Conformément à l’objectif de simplification et d’amélioration du droit porté par la proposition de loi, il convient donc de supprimer l’article 86 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
Je vous rappelle, monsieur le garde des sceaux, que, lors d’une audition de M. Xavier Darcos par la commission des finances du Sénat, qui avait fait grand bruit à l’époque à cause de ses propos déplacés sur la maternelle, le ministre de l’éducation nationale avait répondu en ces termes à une question de Jean Arthuis sur les moyens de trouver des regroupements entre l’école publique et l’école privée en milieu rural : « J’espère pouvoir, dans le premier trimestre qui arrive, faire faire une avancée considérable sur la question de l’établissement public du premier degré, pour ne pas dire une avancée définitive. »
Le premier trimestre 2009 en question est passé – il est même déjà loin derrière nous – sans que le Gouvernement ait avancé d’un iota sur ce sujet. Heureusement, oserais-je dire, puisque la communauté éducative, dans son ensemble, s’est élevée contre ce projet. Pourtant, ce ne sont pas les tentatives qui ont manqué.
Depuis, un rapport du député Frédéric Reiss, intitulé « Quelle direction d’école pour le XXIe siècle ? », et remis récemment au Premier ministre, a tenté de remettre cette expérimentation à l’ordre du jour.
Celle-ci se justifierait par le postulat – postulat sur lequel j’exprime mon désaccord – que les écoles de petite taille nuisent au bon fonctionnement de l’enseignement, alors même qu’aucun bilan des regroupements pédagogiques intercommunaux n’est encore disponible.
Dans ce rapport, les écoles rurales à faible effectif sont également présentées comme une entrave aux suppressions de postes et aux fermetures de classes, simplement parce qu’elles y sont plus visibles. Ainsi, d’après ce rapport, « les écoles de trop petite taille sont un frein à une gestion optimale des ressources humaines dans le premier degré ».
Si grand soin est pris de préciser, à plusieurs reprises, que la création de regroupements scolaires, y compris dans une même commune, doit être motivée par l’intérêt pédagogique, il n’en demeure pas moins que cette création est clairement envisagée et affirmée avant tout comme un moyen de faciliter la poursuite, sur le terrain, de la RGPP et de ses réductions de postes !
En effet, les enseignants ne seraient plus nommés « dans une des écoles du regroupement, mais dans le regroupement lui-même » et, toujours selon ce rapport, « des moyens permettant de faciliter la mutualisation des dépenses au profit des regroupements scolaires doivent être envisagés ».
Le postulat de départ n’est donc qu’un habillage pseudo-pédagogique d’une mesure strictement comptable, et ce d’autant que, en vertu de l’article 86 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales, la création d’un EPEP ne s’effectue pas à la demande de la communauté éducative, en fonction de son projet pédagogique, mais à l’initiative de la ou des communes, ou encore d’un EPCI, après avis des conseils d’école concernés. Les équipes pédagogiques peuvent donc se voir imposer un EPEP en dehors de toute considération d’intérêt pédagogique.
La gestion des postes préconisée dans ces regroupements constitue un vrai danger pour les écoles maternelles. Dans un contexte de pénurie d’enseignants, nul doute que l’accent sera mis sur l’école élémentaire, premier temps de l’école obligatoire. Nous sommes bien confrontés à une nouvelle phase de remise en cause de notre école maternelle, à mettre en parallèle avec les jardins d’éveil.
Une autre justification avancée aux regroupements et à la création d’établissements publics primaires porte sur la gestion des temps de vie de l’enfant, y compris périscolaires et extrascolaires. Faut-il rappeler que l’opération école ouverte a très bien fonctionné dans le cadre actuel, tout comme les contrats éducatifs locaux destinés aux élèves de maternelle, élémentaire et collège, ce que le rapport omet consciencieusement ?
Par ailleurs, les collectivités locales doivent être conscientes de ce qui se profile. Alors que le Gouvernement supprime massivement les emplois de vie scolaire, en charge notamment de l’assistance administrative aux directeurs d’école, il reviendra aux communes ou à leurs groupements de les recruter et donc, bien évidemment, de les rémunérer.
Ainsi, monsieur le garde des sceaux, non seulement pour des raisons de simplification du droit, mais aussi et surtout de défense de l’école publique, tout particulièrement en milieu rural, la suppression de l’article 86 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales s’impose.
Je tiens par ailleurs à signaler la participation de Françoise Cartron à la rédaction de cet argumentaire.