Cet article porte sur les archives des communes, tout particulièrement sur celles des communes de moins de 2 000 habitants.
Monsieur le garde des sceaux, je tiens à vous rappeler que nous avons débattu ici-même, en 2008, d’une loi relative aux archives. Dans ces conditions, pourquoi est-il nécessaire de revenir sur un texte qui a donné lieu à un important débat, auquel nous avons été nombreux à participer ?
Cette loi a notamment permis aux communes de regrouper leurs archives au sein d’un établissement public de coopération intercommunale. Une telle mutualisation a notamment pour objectif de faciliter le recours à des personnels spécialisés et à des techniques modernes pour la gestion des archives et de constituer une solution intermédiaire satisfaisante entre la création d’un service d’archives propre et le versement aux archives départementales.
Cette possibilité n’a pas pour autant remis en cause le principe du versement des archives communales au service départemental d’archives, « sauf dérogation accordée par le préfet à la demande du maire ». Ainsi, les obligations de versement imposées aux communes de moins de 2 000 habitants par l’article L. 212-11 du code du patrimoine n’ont pas été modifiées. Le préfet garde, en outre, la faculté de prescrire d’office le versement d’archives au département si la bonne conservation de ces documents n’est pas assurée.
Le rapporteur de la commission des lois le souligne : l’article 49 de cette proposition de loi « opère un basculement entre une logique de contrôle a priori et celle de contrôle a posteriori ». Le préfet pourrait donc s’opposer a posteriori à une conservation des archives par une petite commune lorsque cette conservation n’est pas convenablement assurée.
Il est regrettable que le rapporteur « relève que le présent article pose la délicate question de conciliation entre le respect des libertés locales et la protection du patrimoine » et « appelle de ses vœux une utilisation raisonnable et responsable de ces nouvelles dispositions » sans pour autant en tirer les conséquences.
De nombreux directeurs d’archives départementales et municipales nous ont fait part des conséquences néfastes que pourrait entraîner la suppression de l’obligation de dépôt. Certains archivistes départementaux craignent en effet que les petites communes ne disposent ni d’un local adapté à la conservation des archives ni des moyens leur permettant d’engager les restaurations nécessaires et que les communes ne soient pas en mesure d’assurer l’accès du public à leurs archives. Par ailleurs, ils redoutent que les moyens de contrôle ne soient insuffisants.
À l’origine de cet article se trouve un présupposé selon lequel les archives des villes d’une certaine taille seraient d’une qualité particulière et mériteraient à ce titre d’être accueillies au sein des archives départementales, cependant que celles des petites communes ne présenteraient pas le même intérêt. Ce n’est pas exact : je me réfère à toute l’école historique française, notamment à tous les historiens qui ont, à très juste titre, montré qu’il était tout aussi important d’étudier l’histoire des villages que celle des villes. Mon collègue Richard Yung me souffle à juste titre le nom d’Emmanuel Le Roy Ladurie, mais il en est beaucoup d’autres.
Traiter différemment les archives des communes de moins de 2 000 habitants, en particulier les archives qui datent de plus de cent cinquante ans ou de plus de trente ans selon la nature du document, ne répond à aucune nécessité.
Rien ne justifie que l’on revienne sur la loi de 2008. Il convient de maintenir la procédure de droit commun pour que les archives communales présentant un certain degré d’ancienneté, quelle que soit la taille des communes, soient conservées au sein des archives départementales.
C’est pourquoi nous voterons contre cet article.