Au milieu de l'été, le 11 août, nous est parvenue l'annonce du décès soudain de Raymond Courrière, sénateur de l'Aude. À l'incrédulité et à la stupeur ont succédé l'émotion et la peine.
C'est au cours d'une promenade matinale en compagnie de son épouse, sur le territoire de Cuxac-Cabardès, la commune dont il était le maire depuis plus de trente ans, que notre collègue s'est effondré, terrassé par une crise cardiaque.
Sa disparition brutale fut aussitôt cruellement ressentie dans son village, dans toute la Montagne Noire et dans l'ensemble du département de l'Aude.
Raymond Courrière était plus qu'une figure de son département. Il était un homme estimé, une personnalité forte, un élu éprouvé et estimé.
Son parcours avait commencé voilà soixante-treize ans. Il était le fils d'Antoine Courrière, héros de la Résistance et sénateur de l'Aude sans discontinuer de 1946 jusqu'à son décès, en 1974. C'est d'ailleurs cette année-là que notre collègue fut élu pour la première fois au Palais du Luxembourg.
Mais, bien avant 1974, Raymond Courrière avait déjà montré son goût pour l'engagement public.
Après des études secondaires au lycée de Carcassonne, puis des études supérieures à la faculté de droit de Paris, il avait, dès 1952, adhéré au Parti socialiste, pour devenir ensuite responsable des étudiants socialistes.
Reçu licencié en droit, il embrasse la carrière de notaire, créant à Montolieu sa propre étude après avoir été clerc dans celle de son père.
Mais c'est la vie publique qui allait occuper l'essentiel des activités de Raymond Courrière.
En 1967, il est élu pour la première fois, à trente-cinq ans, conseiller général du canton d'Alzonne. Ce premier mandat, Raymond Courrière l'honorera sans discontinuer jusqu'en 1998. Il le conduira à assumer, grâce à l'influence et à l'estime que notre collègue avait su acquérir au sein de son conseil général, de 1987 à 1998, la présidence du conseil général de l'Aude. En 1973, Raymond Courrière est élu conseiller régional. Il abandonnera ce mandat en 1981, en raison de son entrée au Gouvernement.
C'est dès 1974 que la vie publique de Raymond Courrière prend un tournant décisif. Après le décès de son père, il lui succède en octobre 1974 à la mairie de Cuxac-Cabardès, puis en décembre de la même année au siège de sénateur de l'Aude, au terme d'une élection partielle.
L'année 1981 allait marquer pour Raymond Courrière une étape nouvelle dans ce que les Romains appelaient « la carrière des honneurs ».
Après l'élection de François Mitterrand à la présidence, il est appelé par notre collègue Pierre Mauroy, alors Premier ministre, au secrétariat d'État aux rapatriés. Raymond Courrière conservera ce portefeuille dans le gouvernement de Laurent Fabius, jusqu'en 1986.
Cette nomination ne devait rien au hasard. L'élu de l'Aude qu'était Raymond Courrière était proche de nos compatriotes rapatriés d'Algérie. Nombre d'entre eux trouvèrent en effet dans ce département une terre d'accueil. Plus que tout autre, Raymond Courrière connaissait leur histoire et avait une conscience aiguë de leurs problèmes. Avec autant d'efficacité que de générosité, il a beaucoup fait pour leur redonner confiance et espoir dans l'avenir.
Après l'alternance, il retrouvera l'hémicycle du Palais du Luxembourg. Il n'allait, désormais, plus le quitter.
Tour à tour membre de la commission des affaires culturelles, de la commission des affaires économiques, puis de la commission des lois, où il siégeait depuis vingt ans, Raymond Courrière va déployer inlassablement une énergie peu commune au service de son village, de son département, de sa région, de son pays.
Le large spectre de ses interventions donne la mesure de ce qu'un homme de son tempérament peut entreprendre au service de ses concitoyens : l'aménagement de l'espace rural, la viticulture, l'élevage, le chômage des jeunes, la politique énergétique, la fiscalité locale, l'élargissement de l'Europe et, bien sûr, le statut des rapatriés et des anciens combattants, dont il sera un défenseur inlassable tant au Sénat qu'au Gouvernement.
C'est peu de dire que Raymond Courrière avait la passion de la chose publique et qu'il y mettait toute son intelligence et toute son énergie. Il était, au plus beau sens de ces deux termes, un politique et un républicain.
Le Sénat a perdu en sa personne un grand parlementaire.
À l'annonce de sa mort, les hommages qui lui ont été rendus ont montré l'estime dont il jouissait, bien au-delà du cercle de ses soutiens naturels.
Je me suis rendu personnellement à ses obsèques, dans son cher village de Cuxac-Cabardès. J'y ai été profondément ému par la considération et l'estime dont il était entouré. La ferveur et l'émotion de la foule qui l'ont accompagné étaient à la mesure de ce qu'il avait donné à ses concitoyens sa vie durant.
L'énumération des réalisations locales dont Raymond Courrière avait pris l'initiative impressionne, de l'Hôtel du département à la Maison des mémoires de Carcassonne, de la pharmacie de sa commune à l'hôtel-restaurant, de la salle polyvalente au maintien sourcilleux des services publics ruraux.
Tant à l'échelon de la nation qu'à celui de son territoire, Raymond Courrière a été un serviteur efficace de la démocratie républicaine et du développement de notre pays.
Je tiens, par ma voix, et dans ce palais, à lui rendre l'hommage qui lui est légitimement dû.
Je tiens à assurer son épouse, Claude, compagne de sa vie et témoin tragique de sa mort brutale, de la compassion du Sénat, et de la mienne en particulier.
J'assure ses enfants, sa famille et ses proches de ma profonde et personnelle sympathie attristée.
Au groupe socialiste, si durement touché en cette année 2006, j'exprime notre très sincère solidarité dans cette épreuve douloureuse.
Enfin, à ses collègues de la commission des lois, qui perd l'un de ses plus fidèles membres, je présente les condoléances de tous.
Raymond Courrière fut le digne fils d'Antoine Courrière. Pour avoir, pendant soixante ans, animé la vie de notre assemblée, le nom de Courrière restera pour longtemps révéré au Palais du Luxembourg.
Messieurs les ministres, mes chers collègues, en hommage à notre collègue, je vous invite à vous recueillir quelques instants.